Chapitre 10

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Les deux adultes en devenir passèrent la nuit dans la forêt, adossés à un des séquoias. Ils discutèrent de tout et de rien. Ils se racontèrent leurs vies respectives, leurs moments de joie comme leurs moments de peine. Des rires fusèrent souvent, brisant le calme des bois. Mais les animaux ne vinrent pas se plaindre. Le bonheur de ces deux êtres humains était contagieux, et les bêtes de la forêt gambadèrent joyeusement en cette nuit de pleine lune. Mais le soleil se leva; trop rapidement au goût de Léna, et il fallut rentrer. Les deux jeunes gens regagnèrent l'orée de la forêt et appelèrent une compagnie de taxi. Ceux-ci mirent un petit bout de temps pour venir les chercher. Le chauffeur arriva sur place très surpris, mais quand il aperçut Dark et Léna, sa surprise fit place à une douce compréhension. Ce ne fut pas le premier ni le dernier à se tromper sur la relation entre les deux stars du net.

Le voyage retour prit un peu plus de temps que celui de l'aller car ils se rendirent directement chez Léna. Quand le taxi s'arrêta devant la maison des Smith, une femme sortit de la maison en même temps que les jeunes gens sortaient du véhicule. Léna observa sa mère quelques instants sans la reconnaître. Elle se souvenait de l'élégante et raffiner femme qu'elle avait été. Mais en face de la jeune fille se trouvait une femme dont le dos s'était courbé, dont les yeux s'étaient cernés de noir et dont les cheveux grisonnaient malgré son jeune âge. Léna n'avait pas vu sa mère changer. Elle ne se rappelait même plus de la dernière fois où elle l'avait vraiment regardée. La pauvre femme porta la main à son cœur en reconnaissant sa fille, rassuré qu'elle soit saine et sauve. Léna sentit son propre cœur se serrer. La femme qui se tenait sur le perron de sa maison, cette même femme qui jour après jour s'était occupé d'elle, lui avait fait à manger, avait lavé ses vêtements, cette femme qui ne l'avait pas abandonnée, cette même femme qui l'avait mise au monde... Léna s'aperçut qu'elle l'avait oublié. Que sa mère avait toujours été à ses côtés, mais qu'elle, dans son désespoir, elle l'avait ignoré. Cette femme qui avait continué à vivre pour elle, malgré que sa fille ne lui porte plus aucune attention. L'adolescente fut prise d'énormes remords. Comment avait-elle pu laisser sa mère ?! Son cœur se serra encore plus quand la jeune fille s'élança en courant vers sa mère. La vieille femme ouvrit de grands yeux quand sa fille vint l'enlacer. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Et la femme serra fort sa fille dans ses bras. Sa petite fille, sa chère enfant... Mère et fille pleurèrent enlacée, longtemps. Même si Léna ne pouvait rattraper ces années d'isolement, elle mit tout son amour dans ce câlin. Le premier qu'elle faisait depuis nombres d'années. Toujours enlacer, les deux femmes entrèrent dans la maison. La mère se retourna au dernier moment et fit signe au garçon qui était resté en retrait de les suivre à l'intérieur de la bâtisse.

La ménagère et les adolescents restèrent un long moment assis à la table de la cuisine, à parler. La femme prit quasiment immédiatement Dark dans son cœur. Léna en fut enchantée. Le jeune homme resta à déjeuner et à diner, mais la jeune fille se posa néanmoins une question. Qu'elle trouva le courage de lui poser.

《- Tes parents ne vont-ils pas s'inquiéter de ne pas te voir rentrer ?

- Mes parents se moquent de ce que je fais, répondit le garçon avec un visage fermé. Tant que je ne leur pose pas de problème...》

Léna sentit qu'elle s'aventurait sur un terrain dangereux. Elle préféra donc changer de sujet. Si Dark voulait lui parler de lui, il le ferait par lui-même. La jeune fille ne lui forcerait pas la main.
Le dîner tirait vers sa fin quand la mère de Léna se souvint de quelque chose.

《- Une lettre est arrivé pour toi hier matin. Il n'y a pas marqué le nom de l'expéditeur. C'est quand j'ai voulu te la donner que je me suis aperçu que tu n'étais pas rentré...》

Léna baissa la tête, honteuse d'avoir causé de l'inquiétude à sa mère. Le cœur de la ménagère fit un bond dans sa poitrine devant la réaction de sa fille. Il allait falloir qu'elle se réhabitue à ce que sa fille lui exprime ses sentiments... Prenant la lettre qu'elle lui tendait, la jeune fille l'ouvrit et en sortit une feuille où seulement une ligne était écrite. La jeune fille se figea et écarquilla les yeux. Sa respiration se bloqua dans sa gorgé et son teint devint blême. Alertés par ce changement de comportement, la femme et Dark s'empressèrent de lire par-dessus son épaule. Une phrase simple était écrite en lettre gothique, au centre de la feuille blanche. Je t'ai trouvé. Ce fut au tour de la mère de blêmir. D'un geste brusque elle arracha la feuille des mains de sa fille, qui n'avait toujours pas bougé, et mit la boule de papier froissé dans les flammes de la cheminée. Les trois personnes regardèrent les braises ardentes consumer le message de Vanessa, lentement. Ce ne fut qu'après que le papier soit entièrement détruit que la mère reprit la parole.

《- Je vais immédiatement commencer les procédures de déménagement. 》

Cette simple phrase, prononcé par sa mère, projeta Léna des années en arrière, quand elle avait fui pour la première fois son bourreau. La jeune fille n'avait aucune envie que tout recommence. Nouvelle ville, nouveau nom, nouvelle école... Surtout qu'elle devrait dire au revoir à Dark. Et cette perspective lui fut insupportable.

《- Non, dit-elle d'une voix ferme. Non. Je ne fuirai plus devant elle.》

La ménagère regarda sa fille les yeux ronds de surprise. Dark, lui, sourit. Et Léna se leva et débarrassa sa table, comme si rien de ce qu'elle venait de dire marquait un grand tournant dans sa vie.

*

Après le repas, les deux adolescents montèrent dans la chambre de Léna. La jeune fille rassura sa mère sur leurs relations. Histoire qu'elle ne le jette pas à la porte... Dark, galant, laissa passer Léna avant de rentrer dans la pièce. Il fut bouche bée devant l'attirail informatique de la jeune fille. Il dénombra 3 ordinateurs de bureau ainsi qu'un ordinateur portable.

《- Tu es hackeuse ? Demanda-t-il, incrédule.

- Non ! Répondit Léna, amusée et surprise par la remarque de son ami. Ça me permet d'être sur quasiment tous les comptes d'AubeDesTemps en même temps. Enfin cela me permettait...》

Dark se retourna vers la jeune fille, et cette fois si, c'est lui qui fut surpris.

《- Tu veux arrêter ?

- Je sais pas... AubeDesTemps m'a permis de garder la tête hors de l'eau, mais maintenant que j'en suis complètement sorti, je ne sais pas si j'ai encore besoin d'elle...

- Attends. Et tes followers ? Et tes abonnés ? Et toutes les personnes qui te suivent ?! Tu veux les laisser comme ça ? Tu dis que AubeDesTemps t'a aidé, mais beaucoup de gens ce sont attacher à elle. Au début, tu l'as créé pour toi. Mais tout ce que tu as poster, ce n'était pas uniquement pour toi. Allume ton ordinateur et va voir le nombre de personnes qui te suivent. Apparemment tu ne t'en es pas aperçu, mais tu es super-célèbre. Tu n'as qu'à regarder si tu ne me crois pas.》

Léna, confuse, alluma son ordinateur et le connecta sur un des comptes au nom de son pseudo. Le chiffre qu'elle y découvrit la stupéfia. La dernière fois qu'elle avait regardé, ils n'étaient pas si nombreux. Léna fut forcée de voir la vérité dans la tirade du jeune homme. L'égoïsme de ses pensées la mit en colère contre elle-même. Mais une question subsistait.

《- Mais qu'est-ce que je posterai ? J'avais toujours des idées, je n'avais que la tête à ça. Mais maintenant...》

Le jeune homme prit quelques secondes à lui répondre, il avait bien une idée, mais il avait peur qu'elle ne plaise pas à Léna. Après tout, qu'est-je à y perdre ? Rien, c'est parfait.

《- Tu te souviens de la façon dont on s'est rencontrés ?

- Comment pourrai-je oublier !

- Et bien, si nous la faisions.... cette vidéo "AubeDesTemps, l'insaisissable star du net" ?》

La question surprit la jeune fille. Voulait-elle vraiment révéler qui elle était au grand public ? Personne ne l'a croira. Mais quand Léna prit sa décision, quelque chose se brisa complètement en elle. Cela avait déjà commencé. Et cela se finit. Sa folie. Son traumatisme. Ses peurs. Ses larmes.

Son MadWeb.

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