Flashback.

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18 Avril 2014.

Anie ! Dépêche-toi de te lever ! Tu m'avais promis que tu m'aiderais à finir les cartons.

J'essayais en vain d'entrouvrir les yeux quelques secondes en direction de mon réveil.

Bon Anie sort de ce lit et viens prendre ton petit déjeuner. Me dit mon père en rentrant dans ma chambre, et en ouvrant d'un geste ferme les rideaux pour laisser entrer les rayons du soleil.

- Papa ! T'abuse je suis rentrée tard cette nuit. Laisse-moi dormir.

- Je ne le répéterai pas. Je n'aurai pas de pitié pour ta gueule de bois. Tu savais qu'on avait du travail aujourd'hui. Alors tu te bouges ! Tu prends ton petit déjeuner. Et tu viens m'aider dans le grenier.

Mon soupir se laissait entendre par mon père désespéré de me voir dans cet état bien trop souvent.
J'ai alors pris une grande inspiration en attrapant ma couverture afin de la pousser d'un geste ferme pour m'en extirper. Il était 8h20.
Mon père ayant quitté la chambre quelques secondes plus tôt, je me mets devant mon miroir afin d'examiner les dégâts de la vieille.

- Oh mon dieu ma tête... j'ai encore dû faire fort cette nuit. Je me dis à moi-même tout en scrutant le moindre hématome présent sur la partie supérieure de mon corps.

Les taches de sang éparpillées le long de ma chevelure dorée étaient la première chose que l'on pouvait voir lorsqu'on posait les yeux sur moi. Sans compter mes vêtements à moitié déchirés que je n'essayais même plus de cacher. Je décide alors de partir m'enfermer dans la salle de bain afin d'essayer de camoufler tout ça.

- Papa !! Y'a plus d'eau chaude !!
Je cris en essayant de mettre un pied dans la baignoire.

Mon père ne répondait pas.

Je décide alors de me laver rapidement sans vraiment penser à la température de l'eau qui coulait le long de mon corps. Le sang que j'avais dans les cheveux colorait chacune des gouttes qui rebondissaient à mes pieds jusqu'à finir sa course dans le siphon de la baignoire qui au fur et à mesure devenait rouge. Une fois la douche terminée. Je nettoie les éclaboussures et m'habille rapidement d'un sweat à capuche et d'un survêtement en tissu afin de cacher au maximum mes blessures de la veille.

- Papa j'ai dû me laver à l'eau froide...
Je lance à mon père en le rejoignant au grenier.

- Je sais j'ai vu ça ce matin, la compagnie du gaz est venue... Je... Je n'ai malheureusement pas pu payer la facture à temps ce mois-ci... M'avoua-t-il, le regard triste et désespéré.

- Je te l'ai déjà dit papa, arrête de payer mes études, ça nous fera plus d'argent pour payer les charges de la maison.

- Non ! Me répond-il d'une voix sèche me laissant présager aucunes issues possibles à cette demande. Tu as la chance de pouvoir en faire alors n'abandonne pas. Laisse-moi au moins t'offrir ça. Je ne veux pas que tu renonces à un avenir meilleur que le mien.

J'acquiesce alors ses propos sans dire un mot.

Oui. On ne roulait pas sur l'or ici. Mon père travaille aux laboratoires Parwicz en tant que technicien de surface. Et moi je suis littéralement en train de foirer mes études scientifiques qu'il essayait durement de me payer.

- On va s'en sortir papa... Ne t'en fait pas. Je ne te laisserai jamais tomber.
Je l'informe en posant ma main sur son épaule.

- Puis tu sais... L'eau froide est réputée pour être excellente pour la circulation sanguine !
J'enchaine l'air amusée afin d'essayer tant bien que mal de casser cette ambiance lourde et triste.

Il réagit d'un sourire timide, puis continue de remplir les cartons avec les reliques que notre grenier entreposait.

- Tu comptes garder tes lego Anie ?
Me demande mon père en me tendant un vaisseau de cette même marque.

- J'y tiens beaucoup tu sais... Mais ... On a besoin d'argent alors.... vends tout ce dont je ne me sers plus.
Je lui réponds d'un air nostalgique.

J'avoue avoir eu un petit pincement au cœur en voyant tous ses cartons partir au prochain vide grenier organisé par mon quartier. Mais il faut apprendre à partager. C'est ce que l'ancienne moi m'a appris.
Jadis, je faisais partie d'une famille extrêmement riche. Une chance me diriez-vous ? Attendez que je vous raconte la suite alors. L'adage qui dit que l'argent ne fait pas le bonheur va prendre tout son sens.

Donc je disais...

Une famille richissime, mais qui à côté de ça était incapable de partager le moindre sentiment d'amour. Un père ne m'ayant jamais donné de règles ou de limites. Une mère absente trompant mon père à tout va. Un mariage hors des normes. Je me suis toujours demandée  pourquoi ils se sont retrouvés ensemble ces deux-là.

Vous aimeriez, vous, rentrer chez vous après une journée de cours, et vous retrouver seule au milieu d'un gigantesque palace ? Entendre votre propre respiration raisonner contre les murs de votre maison tellement l'âme de celle-ci est inexistante ? Voir chaque bibelots, tableaux et j'en passe. Tous parfaitement rangés et alignés.

Rien ne dépassait, rien ne traînait, même pas une assiette sale ou une miette de pain sur le plan de travail. Juste le bruit de mes talons sur le carrelage venant d'être lavé par les femmes de ménage.

Tous les soirs c'était la même routine. Je commandais une pizza aux poivrons et aux champignons avec un supplément fromage, je buvais un verre de vin ou une bière fraîchement sortie de la cave. Et je regardais ma série préférée dans ce salon de 110 m2. Lumières tamisées, à écouter les mots d'amour de ce garçon si charmant, avouant ses sentiments à la femme qui le rendait totalement fou. Ce genre de série qui te donne envie de vivre une histoire qui te fera battre le cœur si fort que tu auras l'impression de quitter ton corps.

Oui je suis une rêveuse. J'ai toujours voulu croire que mon avenir serait différent de celui de mes parents. Je me sentais si seule. Tel un poisson tournant en rond dans son bocal.

Aujourd'hui, les choses ont changé. Je passe d'un palace à une maison de banlieue. Mais au moins je m'y sens bien. Je ne m'y sens plus seule et abandonnée. J'ai un papa incroyable. Qui pourrait mourir pour m'offrir une bouchée de pain.

Le problème ici, c'était moi. J'étais devenue ingérable. Je passais la quasi-totalité de mes soirées à errer dans les rues de mon quartier, à me saouler, et à me battre.
J'avais changé je le sais. Au fond je m'en voulais. Mais je ne saurais expliquer pourquoi... Je n'arrive pas à m'en empêcher.

Au delà d'une vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant