Réverbères.

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Un œil sur la fenêtre positionnée à ma gauche. Mon menton appuyé sur la paume de ma main. J'observais sans grande conviction les humains traverser cette petite place face à la mairie. Un soupir de désespoir m'échappe à la vue de ce ciel gris qui me tendait les bras.

- Je vous remets la même chose ? m'interroge le serveur face à moi.

- Volontiers rétorquais-je sans perdre ma direction du regard.

Mes pensées s'enfilent une à une. A ma gauche une grande fenêtre qui laissait place à des fontaines qui jaillissaient et des hordes d'humains plus superficiels les uns que les autres.
A ma droite, des chaises et des tables d'un bois brut et ancien. La déco n'était pas à mon goût, mais la chaleur qui s'y dégageait ne me donnait pas envie de quitter les lieux.

- Et un kir cassis pour la demoiselle. S'engage le brun en ma direction.

Je lève les yeux vers mon interlocuteur et le remercie en émettant un léger sourire timide qui lui fait rapidement comprendre de me laisser seule. Mes doigts s'entremêlent à mon verre pour jouer avec avant de le porter à mes lèvres. Je bois une gorgée et le repose sans le lâcher des mains. Mes ongles tapent sur le pied en verre de celui-ci laissant paraître sans grande difficulté mon éternel stresse.

L'après-midi se déroule sans encombre. J'enchaîne comme à mon habitude les verres de vin blanc aromatisé au cassis tout en scrutant avec attention la fenêtre que j'étais incapable de lâcher des yeux en regardant le soleil tomber sur les bâtiments qui entouraient ma ville.

Une fois la nuit tombée, je regarde le bar autour de moi se vider. Le serveur m'approche.

- Je devrais peut être faire broder ton nom sur la chaise me soumet il en s'appuyant sur le dossier face à moi.

- Depuis le temps, la forme de mes fesses doit déjà être incrustée dans le cuir tu ne crois pas ? Je rétorque avec humour.

- J'en suis certain Anie. Mais là on va devoir fermer.

Je le regarde alors avec insistance.

- Tu sais ton regard de chien battu ne me fera pas fermer plus tard.

J'attrape alors mon manteau et mon écharpe qui traînait sur la banquette tout près de moi, et me lève pour me rendre vers la caisse. Je cherche rapidement ma carte de crédit dans mon sac afin de payer l'addition salée qui m'attend.

- 23 euros 75 s'il te plaît.

Je pose délicatement ma carte sur l'appareil et la retire aussitôt. Une fois le paiement accepté, je fronce les sourcils et regarde d'un coup d'œil l'homme qui me tend la facture validée.

- Rentre bien Anie, me dit-il d'une voix douce et incertaine.

- Merci Mike. A demain.

Une fois dehors, j'attrape mon GSM et mes écouteurs afin de me sentir moins seule dans l'obscurité des rues que je traverse pour rejoindre ma maison. J'avance. Le vent caresse doucement mes joues rosées par la fraîcheur du printemps. Mes pas s'enchaînent calmement me laissant largement profiter de cet instant. Les réverbères m'éclairent à chaque mètre que je parcours avec les mains dans les poches pour les protéger du froid, et ma tête emmitouflée dans mon écharpe et mon manteau. Un pied après l'autre, je continue ma lancée, et m'arrête net à seulement deux rues de chez moi.

- Tu vas me suivre encore longtemps ? J'interroge. Les yeux balayant mes alentours.

- Tu vas arpenter les rues encore longtemps ? M'interpelle une voix rauque.

Je n'ai pas le temps de dévisser les écouteurs de mes oreilles, qu'une ombre se pose doucement sur le lampadaire positionné juste au-dessus de moi. Je lève alors les yeux vers celui-ci et place ma main face à la lumière afin d'essayer de distinguer les yeux plissés, la voix qui m'a répondu si fermement.

Au delà d'une vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant