IV

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La nuit, j'ouvre les yeux et je laisse commencer la vraie vie.

Je continuais de regarder les trois agents de Protection. Saine curiosité. Ils interrogèrent Orshake pendant quelques minutes, je me décidais à rentrer. Ils se retournèrent vers moi. Deux yeux noirs, un espoir et une crainte. Je m'adossais au mur de la cellule, attendant qu'ils parlent.

- Comment êtes-vous entrée ?

Je jetais un coup à Ewella. Elle ne me reconnaissait pas. Aucun d'entre eux ne le ferait. Sauf Orshake, la voix des révolutions sombres. Il sentait les ténèbres qui s'enroulaient autour de moi, qui manipulaient la réalité, qui me protégeaient du regard des autres.

- Par la porte. Je pense que c'est comme ça que font les personnes vivantes. Après les fantômes peuvent passer à travers les murs, mais je suis presque sûre que je suis pas un fantôme.

Orshake rit. C'était rauque, incertain, mais c'était vivant. Je souris, froid, caustique. Les trois agents reculèrent, les mains flottantes sur les armes. Je fixais ma cible, mon martyr à sauver, les yeux vecteurs de la promesse de secours.

- Qui êtes-vous ?

Rewan voulait crier, je le voyais, je le voulais. Je voulais qu'ils perdent leur maîtrise, jusqu'à ce qu'ils quittent la froide cellule. Je voulais Orshake pour moi.

- Mlle Neima, votre observatrice.

Rewan et Kenal m'étudièrent, jugements instantanés. Ewella projetait son doute. Son attention était sur moi, je la sentais essayer de faire les liens. Mais il lui manquait des informations. Je l'incitais à retourner à son travail. Le mur gris dur derrière les trois pions du président m'offrait une protection alors que les ténèbres s'enroulaient autour de leur esprit. La suggestion demandait un toucher long, précautionneux, délicat. Patience.

- Ça ne sert à rien ! Autant demander des réponses à une tombe !

Kenal frappa la porte. Son frère le força à sortir avec lui. Ewella hésita. Orshake sourit. Elle referma la porte sur son passage.

La chaise racla le sol. Je croisais les jambes, les mains délicatement entrelacées. Un nouveau jeu venait de commencer. Deux acteurs contre un spectateur invisible.

- Vous n'êtes pas au service de celui qui dit servir Eswuane. "Es-tu qui je pense ?"

- Je ne sers que la Justice. "Je suis au service des ténèbres."

Orshake hocha la tête, la chaîne censé le retenir meurtrissait la chair.

- Parlez-moi des conditions de détention. Combien êtes-vous ? Ou dormez-vous ? Quand et que mangez-vous ? "Donne-moi toutes les informations que tu as."

- Je ne sais pas combien on est, chacun à sa cellule, mais le couloir contient une dizaine de portes. Il n'y a pas grand chose à dire, il suffit d'observer cette cellule, c'est celle que nous occupons tous. Oui, les lits ne sont pas fournis. Quand à la nourriture. Et bien, il parait qu'on peut tenir sans trois mois, je suppose que nous allons pouvoir tester cette théorie.

- Je vous demande pardon ? Ces conditions vont devoir être révisé rapidement. "Nous allons venir pour vous."

- Le président d'Eswuane n'a aucune limite quand il s'agit de nous garder sage. Aucune éthique biologique non plus. "Ils nous ont drogués"

L'amusement d'Orshake était grand. Les ténébres ne toléreraient jamais le poison dans un de ces hôtes. Je fermais les yeux. Les donnés dansaient derrière mes paupières. Le plan se dressait, s'effondrait, se reconstruisait, se finalisait. Orshake s'agita. Les prunelles noires étaient inquiètes.

- Où est Kitto ?

Le doute rodait autour de moi.

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Ewella regarda ses frères qui l'attendaient devant la porte. Kenal était plus calme. Surprenant, ni elle ni Rewan ne pouvait le calmer d'ordinaire avant plusieurs heures loin de la source de son agacement. Puisque cette observatrice était occupée à son enquête, les trois soldats commencèrent une ronde de surveillance.

- Je ne fais pas confiance à cette Mlle Neima.

Rewan hocha la tête, pendant que Kenal tapait les codes de fermeture pour la sixième cellule.

- Je pense qu'il faut qu'on trouve le moyen de voir sa loyauté, continua Ewella.

- Mais le président a dit de la laisser faire ?

Ewella haussa les épaules. Rewan regarda les deux seules personnes qui le comprenaient depuis la mort prématurée de leurs parents.

- Elle pourrait nous aider à trouver la vérité.

Ewella releva la tête et croisa les regards de ses frères. Et s'ils avaient tort ? Et s'ils étaient dans le mauvais camp ? Et comment choisir le bon camp ? Ils avaient peur. Les trois soldats sentaient le doute mordre férocement leur corps et leur esprit.

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Senara entendit Orshake rejoindre sa cellule. Elle essuya une larme. Il était toujours en vie. La porte se referma. Un tour de clé. Un deuxième tour de clé. Le code de verrouillage. Elle s'approcha du mur, les poignets ensanglantés par le fer glacé.

- Orshake ?

- Nous avons de l'espoir, ma petite fleure violette. Nous ne sommes pas seuls.

Senara fixa le sol.
Elle avait appris l'existence des enfants des ténébres que quelques mois auparavant, quand le président les avait déclaré ennemi du pays. Ce jour-là, Orshake l'avait trouvé, lorsqu'elle était seule dans la rue. Elle avait peur, elle avait pleuré jusqu'à ne plus avoir assez de larmes. Elle avait haï tout le monde, tous ceux qui l'avaient jeter dehors, ceux qu'elle avait appelé famille. Tous ceux qui l'avaient regardée dans la rue et l'avaient laissée misérable, condamnée à mort dans le froid mois d'hiver.

C'était Orshake qui l'avait remarquée, les ténèbres tourbillonnant autour d'elle pour la réchauffer et la rassurer. Il l'avait prise avec lui, l'avait mise en sécurité, et lui avait montré que les ténèbres seraient là pour elle.
Le désespoir l'avait rattrapée quand les fers de glace s'étaient refermés autour d'elle, quand la porte l'avait enfermée avec sa solitude.

Mais quand elle perçut la certitude qu'il avait dans son espoir, quand elle entendit les mots qu'il ne disait pas vraiment, elle sut que la petite flamme d'espoir, celle qu'elle avait protégé par un dôme de déni, celle que ses ténèbres avaient entretenus, s'était embrasée.

- Vraiment ?

Orshake rit dans un souffle comme s'il savait à quoi elle pensait.

- Oui, quelqu'un est arrivé.

Senara savait qu'il parlait d'un enfant des ombres, ceux dont les ténèbres brillaient plus qu'aucun autre.

Il y eut un moment de silence, et Senara entendit le code de verrouillage. Le premier tour de clé. Le deuxième tour de clé. La porte claqua contre le mur et un soldat entra. Il tenait un plateau avec une assiette. Son ventre se tordit.

Senara releva la tête, son regard se porta derrière le soldat aux yeux bleus. Les ténèbres étaient si vivantes, si belles, si accueillantes. Orshake avait raison, ils n'étaient pas seuls. La femme aux cheveux d'argent était trouble, cachée derrière ses ténèbres, mais ses yeux ne mentaient pas, ils étaient chaleureux, ils cachaient une âme ténébreuse.

Les enfants des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant