7 février 2020

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Nous fûmes un vendredi. Le jour où tout le monde est heureux car après cette longue et dure journée de labeur, le week-end nous attendait. Mais, pour moi, ce vendredi marquait une semaine après le suicide d'Hélène. Je n'allais toujours pas bien et je ne le disais à personne. Dès qu'on essayait de venir me parler, je fuyais, loin. Mes amis n'aimaient pas me voir dans cet état. Cela leur procurait plus de peine qu'autre chose. Je les faisais souffrir inconsciemment, sans le vouloir. Je fus allé faire signer un papier à mon éducateur de référence pour pouvoir partir plus tôt. Je prévins mes professeurs que c'était l'enterrement d'Hélène. Ils compatirent et me laissèrent partir en me disant d'aller mieux. "Pff, comment allez mieux?" dis-je dans ma tête. "Comment allez mieux, après la perte d'une personne chère?". J'en voulais au monde entier. À tous ces gens qui riaient de leurs enfants qui jouaient dans le bac à sable. Qui allaient en vacances ensemble, sans se soucier de rien ni personne. J'en avais marre, j'étais à bout.

Plus tard, dans l'après-midi...

Je repartis de l'école vers 13h00. Ma sœur n'était pas venue. Elle ne voulait pas assister à un enterrement. Elle ne supportait pas ça, à mon avis. En rentrant dans la voiture de ma mère sur le parking, elle me demanda si ça allait. Je lui disais que oui, aucun souci à se faire, mais dans le fond j'étais malheureux. Moi, qui suis contre le suicide, j'ai laissé se produire un drame. Cette tragédie était pour moi la bombe qui détruisit ma famille toute entière. Je pensais à tous les scénarios possibles et inimaginables lors du trajet en voiture jusqu'à l'église. Puis arrivé à l'église, je me hâtai vers l'entrée où ils distribuaient des nœuds verts contre le harcèlement. À ce moment, je le mis sur ma veste et je décidai de le laisser pour toujours sur ce manteau. Au moment de s'installer dans le bâtiment religieux, une foule immense y était déjà entrée. Mon père, ma mère et moi dûmes se placer dans le fond de l'église. Le bâtiment et son décor me semblaient immenses et imposants. Je sentais également une tension étrange dans l'air. L'église commençait à m'oppresser peu à peu et je voulus sortir. Mon père pleura et est parti avant moi. Au moment de quitter les lieux, le corbillard était déjà arriver, on commençait à fermer la porte de l'église.C'était maintenant ou jamais. Devais-je rester dans l'église oui ou non? Cet énorme dilemme dont je devais trouver la réponse en très peu de temps tomba comme une charge lourde sur mes épaules. J'entendais Hélène dire : "reste!" et mon for intérieur dire "pars". Pars. Pourquoi? Parce que j'avais peur. Le démon était là prêt à être défier. Et j'étais effrayé. Terrifié. Le prêtre commença à parler et mon regard se tourna vers lui. La cérémonie commença.

Quatre personnes portèrent le cercueil d'Hélène dont mon parrain. Je vis le cercueil. Il était magnifique. Incroyable, imposant, charmant, nostalgique. Les peluches placées sur le dessus me rappelèrent d'un coup le moment où l'on avait passé à deux une soirée à la mer au luna park. Tu voulais tellement une peluche. Pour finir, on l'a eue et j'étais fier car je te voyais sourire. Ton sourire était si joli. Si accueillant, chaleureux. Je me rappelle également qu'à un moment, nous obtînmes le jackpot, mille tickets. On rigolait, on pleurait de joie pour des choses si stupides. Mais ça me faisait plaisir. Tu avais ton monde à toi et moi le mien. Tu m'avais fait découvrir le rap. Maintenant que tu es partie Hélène, je hais le rap. Je t'avais fait découvrir de la bonne pop et de bonnes séries Netflix. C'était lors de la communion de ma sœur et de notre cousin. Tu avais tellement faim que tu as mangé presque tout l'agneau pour toi toute seule. Je n'avais rien mangé car je n'aimais pas l'agneau et ça t'étonnais car tu trouvais ça succulent. Je voulais qu'on garde de bons moments malgré le fait qu'on s'était éloigné. Je suis persuadé que lors de ta mort tu n'as pas pensé à moi. On s'était beaucoup trop perdu de vue. Mais aujourd'hui, j'étais là pour toi. Et j'aurai dû l'être plus tôt.

Puis ton cercueil avança jusqu'à la fin de l'allée principale de l'église. Tout le monde parlait de toi,Hélène, comme d'une fille introvertie. Aujourd'hui je pense qu'on aurait pu être de bons potes qui kiffent les mangas. Tu me ressemblais en tout point, sauf un. Le seul est que tu es partie et que je suis resté.

Lors du discours de sa grand-mère je fus touché, une larme coula le long de mon visage, lentement. Une larme puis un pleur. J'hurlais, je pleurais dans le foulard de ma mère. Pour une fois, je pleurai. Mon corps se laissait aller. Il évacuait la douleur. Puis une succession de flash des moments passés entre nous deux succéda. Un ouragan. Une tempête se déchaîna dans ma tête. Cet ouragan avait pour but d'évacuer cette peine, ce vide, cette tristesse. J'avais enfin pris l'épée pour vaincre ce démon invincible. J'allais le combattre. L'exterminer. L'anéantir.

Ensuite, on passa des chansons tristes et monotones pour aller toucher le cercueil d'Hélène et lui dire au revoir et même adieu. Plein d'adolescentes, d'adultes et de personnes âgées passèrent lui dire adieu. Au moment de Stay with me de Stan Smith, ce fût mon tour. Aucun adolescent et jeune garçon n'osait s'approcher du cercueil. Sauf moi. La foule me fixa. Je vis des étendues d'eau situées dans l'église un peu partout. Sa famille me regardait avec un sourire, ma famille aussi. Des adolescentes pleuraient pour elle et encore plus après que j'ai touché le cercueil car j'étais en larmes. C'était là première fois que j'ouvrais mes sentiments au monde. Je commençai à prendre ma main et à la placer sur le cercueil en avançant. Il ne restait que quelques pas. Je n'étais qu'à quelques centimètres de toi. Ces secondes furent les plus longues ma vie. Au moment de passer, je souris et je lui promis que moi, je sourirai devant une caméra et j'accomplirai mes rêves pour elle. Pour Hélène. Alors je te vis, quelques instants, là placée devant moi à encore et toujours sourire. Comme d'habitude. Et là je me suis retourné et tout le monde était impressionné de mon geste. Tout le monde avait chaud au cœur. Même la pire des garces souriait. Ils avaient tous besoin d'un petit moment de bonheur et c'était moi. Je réchauffais le cœur de tout le monde.

Hélène m'avait encore montré que même dans la tristesse, je brillais encore et toujours.






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