Chapitre 6

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La lumière m'interpelle. Je la sens, au plus profond de mon âme, qui me guide. Ce n'est peut-être qu'une illusion, et je n'ai aucun moyen de le vérifier. Mais je ne peux pas risquer. L'enjeu est trop grand.

Jeanne se leva le lendemain avec le soleil. Épuisée, elle avait été en proie à un sommeil réparateur et, à son réveil, elle se sentait en pleine forme. À l'extérieur, elle perçut sans peine quelqu'un s'activer. Sans doute était-ce Alexander. Il avait toujours été le premier levé lors de leur séjour en hôtel. L'adolescente prit donc tout son temps pour s'extraire de son sac de couchage et n'émergea de sa tente que lorsqu'elle entendit la fermeture éclair de celle adjacente à la sienne glisser. Entre-temps, elle avait eu le temps de se vêtir et de dompter sa chevelure en une queue-de-cheval.

À sa sortie, la chaleur du soleil se répartit sur son visage. Sur les herbes hautes piétinées par les rares passants, un tapis de rosée scintillait sous la lumière du jour. Dans leur foyer brillaient encore faiblement des braises. Les vestiges de la soirée précédente s'accrochant à son esprit, la jeune fille constata tout cela avec des yeux émerveillés. Lentement, son regard bifurqua vers la gauche et rencontra celui d'Ayden qui s'étirait en l'observant. Ils avaient émergé de leur tente presque simultanément et, inexplicablement, aucun ne crut bon d'échanger une parole. Ils se contentèrent de se sourire bêtement avant que la jeune fille ne rompe le contact en s'avançant pour remuer les braises pratiquement éteintes. Le garçon la rejoignit peu de temps après et, en lui jetant un bref coup d'œil, Jeanne vit qu'il la contemplait comme s'il voulait mémoriser tous les détails la composant. Elle ne put s'empêcher de rougir et, la sauvant de ce malaise, le père de l'adolescent arriva à grands pas vers eux.

─ Bon ! Vous vous êtes enfin décidé à vous lever ! Allez, ne restez pas là à ne rien faire, on a une grosse journée devant nous ! 

Il leur jeta chacun une barre énergisante sans ménagement.

 ─ Tenez ! Avalez ça en vitesse et mettez-vous au travail ! Tout doit être empaqueté le plus tôt possible !

L'adolescente suivit ses instructions en soupirant, imitée par le garçon qui, bien qu'ayant terminé son déjeuner avant elle, semblait résolu à ne pas la quitter.

Dès que tous leurs effets furent prêts à emporter, Jeanne, qui s'empressait de placer dans son sac ce qu'elle avait transporté la veille, fut interrompue par l'adulte d'une seule phrase.

─ Nous n'avons pas été assez productifs, hier. Il va falloir qu'on se sépare.

Aussitôt, la jeune fille se figea, redoutant déjà la suite.

─ Je ne crois pas que nous ayons besoin de plus de deux équipes. J'irai donc vérifier le périmètre nord avec Ayden et Jeanne s'occupera de celui sud.

Voilà. Elle allait se retrouver seule en forêt sans autre repère qu'une maigre boussole et dépourvue d'expérience en survie. Avec le temps, elle avait cessé d'espérer un revirement du côté d'Ayden, qui semblait incapable de tenir tête à son tuteur. Elle allait se perdre. Et toute cette histoire finirait bien mal.

─ Vous ne pouvez pas !

Il lui fallut un moment pour réaliser à quel point sa phrase reflétait son affolement. Dans sa tête se jouaient déjà des scénarios tous plus effrayants que les précédents.

─ Et pourquoi pas ? Il me semblait pourtant que tu affirmais être responsable et indépendante.

Le sourire mauvais flottant sur les lèvres de Gargamel révélait qu'il prévoyait ce moment depuis un certain temps déjà. Il allait la laisser seule et perdue.

─ Je n'ai jamais dit ça ! s'écria-t-elle.

Des larmes de panique commençaient à s'accumuler aux coins de ses yeux. Comment avait-elle pu croire ne serait-ce qu'une seule seconde que partir avec Alexander était une bonne idée ?

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