1. Montre moi ta maison je te dirai qui tu es.

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Pour engloutir mes sanglots apaisés

Rien ne me vaut l'abîme de ta couche ;

L'oubli puissant habite sur ta bouche,

Et le Léthé coule dans tes baisers.

— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Le Léthé


Assise sur le siège passager de la voiture, j'ouvre la fenêtre et laisse le vent emporter mes cheveux. La brise chaude du mois de mai me réconforte. Le soleil est éclatant, la mer est calme et d'un bleu turquoise. Cette route sinueuse entre les rochers laisse apercevoir un paysage époustouflant. Le contraste entre le caractère idyllique de l'extérieur et l'atmosphère étouffante de l'habitacle est saisissant. Nat est silencieux. Son corps est si tendu que les jointures de ses mains blanchissent sur le volant. Depuis le diagnostique de l'infirmière il n'a plus dit un mot.

« Votre femme souffre d'amnésie. C'est une des conséquences de la commotion cérébrale. Sa mémoire peut aussi bien revenir demain que dans quelques années et malheureusement on ne peut rien faire. Toutefois ne la stimulez pas trop, elle a besoin de repos et ses souvenirs ont toute la vie pour revenir. Son cerveau lui en revanche c'est maintenant qu'il faut en prendre soin afin de ne pas engendrer de complications. Colleen ne doit pas réfléchir, pas lire, pas écouter de musique, pas regarder la télévision, pas faire de sport,...rien! Elle doit simplement se reposer. Alors je sais que ça a l'air compliqué dit comme ça mais son cerveau a eu un énorme choc et il ne faut pas prendre ça à la légère. »

L'infirmière nous a annoncé que je pouvais sortir uniquement si quelqu'un pouvait me surveiller en permanence pour les prochains jours. Nat lui a alors certifié avoir pris ses congés pour rester à mes côtés. Il est pédiatre d'après ce que j'ai compris et moi infirmière, on s'est rencontré au travail nous travaillons dans le même service. Nat n'a pas voulu m'en dire plus. Je ne dois pas y penser m'a t-il dit et surtout ne pas essayer de m'en souvenir! C'est compliqué: ma vie est devenue un énorme brouillard. Je me souviens de ma famille, mes souvenirs d'enfance: la poterie avec maman, les après-midi au bord de l'étang, ma passion pour l'écriture,... MON FILS, je me souviens de mon fils!

- « Naël comment va t-il? Il est où? » demandais-je soudainement paniquée.

- « Ne t'inquiète pas il va bien » répondit calmement nat sans détourner les yeux de la route « Il est chez tes parents ».

- « Je veux le voir! »

- « Tu as besoin de te reposer Coleen! »

- « Mais c'est mon fils! Je veux le voir. »

- « Je dirai à tes parents de passer à la maison dans l'après-midi mais tu restes couchée et tu te reposes! » dit-il vaincu.

- « Oui oui bien sûr » marmonnais-je avec un flagrant manque d'assurance.

Le reste de la route fut calme.

Après une vingtaine de minutes durant lesquelles nous nous enfonçons de plus en plus dans une partie escarpée du sud est de la France, une maison apparait au bout du chemin. La végétation luxuriante  semble protéger la vieille bâtisse toute de pierre vêtue. Le violet flamboyant de la lavande contraste avec le bleu électrique des volets en bois. L'immense olivier de l'entrée, seul témoin des années passés aux abords de cette maison, danse au gré du vent et surveille les rangées d'hibiscus au rose éclatant qui entoure la maison. Un jasmin étoilé qui tente d'engloutir une partie de la maison a commencé son ascension sur la devanture. Sa blanche floraison ainsi que ses feuilles vertes habillent délicatement les pierres de Provence. Cette maison est sublime: calme, apaisante. Elle parait loin de tout danger, comme un fort de pierre qui protègerait tout ceux qui s'y abritent avec comme embûche, l'abondante flore qui enveloppe la demeure.

Je sors de la voiture et sens immédiatement le parfum de toutes ces fleurs. La lavande est particulièrement odorante et me procure rapidement ses vertus apaisantes. L'endroit est reposant. Aucune circulation à des kilomètres à la ronde, aucun bruit mise à part celui du vent et des oiseaux.

- « Et voilà c'est chez nous. » m'annonce timidement nat.

- « C'est vraiment très jolie. »

- « Nous avons déménagés ici il y a à peu près un an. C'est un peu loin de tout mais c'est le prix à payer pour avoir de la tranquillité... »

LéthéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant