premier grain

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PREMIER GRAIN

"Les draps du soleil
murmurent à ton oreille"

Vous l'entendez ? Il l'entend. C'est le sable qui chante. La rivière d'or qui s'effondre dans une crevasse. C'est le soupir de Dune. Il chante tels les grelots. Les écailles du crotal virevoltent sous l'éclat poignant. C'est un géant. Un ver de sable. Il est désarmant.

Allongé dans sa tente, Paul Atreides fait un rêve. Il n'aime pas les rêves ordinairement. Ils le dérangent. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui le songe est chaud. Il est brûlant comme un baiser. Il lui lèche les pieds. Il embrasse ses genoux, ses cuisses, ses abdominaux et son cou.

Il n'ose pas ouvrir les yeux. Il n'a pas peur. Il ne veut pas se perdre dans les fils du temps. Tout simplement. Il ne veut pas être prit au piège par l'Araignée du passé et de l'avenir. Il doit être un certain.

Alors, ses paupières sont closes. Le vent chuchote un écho. Ses tympans sont des coquillages. Les tapis de la tente forment des dessins sur sa peau. Ce sont des broderies, des roses des sables.

Le mélange aiguise ses sens. Le sucre d'un gâteau lui monte au narine. De la sueur coule sur sa nuque. Sa gorge est sèche. Comme de la pierre rugueuse elle l'oblige à entrouvrir la bouche.

- De l'eau, s'entend-t-il dire.

Mais le dit-il vraiment ? Il dort. Il est le rêve. Il est coincé entre deux mondes. Il n'ose pas passer dans le prochain. Il veut éviter ses visions. Tout ce qu'il désire c'est l'absence. C'est l'abandon. Il ne veut pas être le chef d'une nation, juste d'une relation. Chani est enceinte. Elle n'est pas avec lui. Elle est avec les femmes.

Paul a l'impression que la bouche gigantesque d'un ver de sable aspire son lit. Il tombe dedans. Le néant lui enroule les bras. Il se souvient de la fraîcheur de son monde. Des sources qui coulent à ses pieds. Des feuilles vertes qui caressent le ciel.

Cette forêt de son enfance. Il s'en souvient. L'odeur de la mer qui lui rit au nez comme un groupe de fillettes. Elles disparaissent dans un courant d'air. La nostalgie se cache derrière un arbre. Elle valse avec le regret. Paul est tenté de regarder leur danse. Mais c'est un piège du temps.

Il ne peut pas.
Il est train de perdre la chaleur.
Le rêve disparaît.
Il doit retourner en arrière.

Il s'attarde sur l'écorce d'un chêne. Elle est brune, creusée de sillons. Magnifique, tel le désert de Dune avec ses crevasses cachées où les chutes dorées sanglotent à chaque passage d'un être vivant. Oui, le présent. Celui qui lui brûle la peau. Qui lui offre des mots. Il se rapproche.

Paul entend un son feutré. On dirait un tissu d'organza qui glisse contre son oreille. L'humidité s'en va, le vert aussi. Quelque chose épouse son corps. C'est agréable. Il plonge ses doigts dans le sable. Mais est-ce vraiment du sable ? De la peau qui ondule, plutôt.

C'est le creux d'une hanche. Il ouvre les yeux. Il est dans l'entre-deux : le maintenant d'aujourd'hui. Le maintenant de son excitation et de sa raison.

Un visage féminin se trace au fusain. La chevelure est noire comme les tourbillons de son esprit. Ils brillent sur sa peau, le sable en grains. Ses yeux de miel maculent ses lèvres de curiosité. Quand le sourire s'élargit, il est blanc comme la dague sacrée.

- C'est que le prophète est réveillé,

articule la voix de sucre glace.

"Et les draps sont
les baisers de la lune."

𝕸IRAGE ━゙PAUL ATREIDES (dune)✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant