9 - Evie

265 17 0
                                    

J'ai chaud. Terriblement chaud. Une chaleur confortable, douillette. Mon dos repose sur une surface moelleuse. Je n'arrive pas encore à ouvrir les yeux, je n'en ai pas vraiment envie, par peur de me heurter encore a cette atmosphère morbide, noir, alors j'essaie d'intercepter le moindre son. Je crois qu'il pleut, le bruit des gouttes qui s'écrasent contre du verre résonne dans la pièce. Une fenêtre ?
Mes paupières sont lourdes, difficilement, j'arrive à les soulever. Je bouge mes mains et mes pieds, ils me renvoient une douleur musculaire aiguë. Mes cils papillonnent pour s'habituer à la pénombre puis j'inspecte les lieux, immobile. Je suis dans une chambre. Une perfusion reliée à mon bras. Je réfléchis ; je ne pense pas être chez l'un des deux hommes qui m'ont séquestré. Ils m'ont laissée croupir en cage pendant ce qui m'a paru être une éternité, pour maintenant se soucier de ma santé. Peut être ai-je réussi à persuader le troisième individu à ne pas m'abandonner ou pris par le remord, est venu me délivrer.

Je dégage le drap et me redresse lentement au bord du lit, chaque mouvement déclenche une vague de douleur qui électrise mes nerfs. Mon corps tout entier crie à l'agonie. Je retiens mes larmes et serrent les dents pour étouffer les gémissements qui grondent dans ma gorge. Avaler ma propre salive devient un supplice, chaque déglutition lacère mes amygdales endolories, comme si ma gorge était tapissée de verre brisé.
Je cherche quelque chose qui pourrait m'indiquer l'heure ou même la date, mais tout semble vide de repère. La chambre impeccablement rangée, à la décoration impersonnelle et presque clinique, me fait froid dans le dos. Instinctivement je baisse la tête et palpe mon corps. Aucune cicatrice ; j'ai encore tous mes organes. Pourtant, la douleur est là, sourde, tapie sous la surface, dévorant mes muscles comme si quelque chose en moi avait été arraché, invisible mais présent. Je frissonne à nouveau, incapable de comprendre ce qui m'est arrivé.

Des chuchotements étouffés me parviennent de derrière la porte. Je rassemble tout mon courage pour descendre du lit et, malgré la douleur, me traîne jusqu'à cette dernière. Je colle mon oreille espérant en saisir les paroles, mais le murmure reste indistinct. Je retiens ma respiration, doucement j'abaisse la clenche et laisse passer un rail de lumière, la clarté soudaine me grille les rétines. Je scanne mon champ de vision réduit, personne. Les voix sont plus nettes à présent. La première est une femme.

— ... ne s'améliore pas, elle a besoin de soins plus poussés. Ici, je n'ai pas le matériel adéquat.

Un homme lui répond, assuré.

— Tu ne peux pas essayer de...

— Je pense avoir pris assez de risques... On ne l'a connaît même pas. Pourquoi tu refuses qu'elle aille aux urgences ?

Un silence s'abat.

— Elle sera en sécurité là-bas, si c'est ça qui t'inquiète.

Une deuxième pause, plus longue, un silence chargé de réflexion.

— Ok, t'as raison. Je vais l'emmener aux urgences.

Non ! Non ! Non ! Surtout pas !

Prise de panique, j'ouvre la porte d'un geste brusque et m'élance pour intervenir. Dans ma précipitation, les fils de la perfusion se sont accrochés à la clanche et mes jambes indociles non pas suivi le mouvement; et on céder sous mon poids. Je me ratrappe sur mes paumes et coince dans ma bouche un gémissement plaintif face au mal qui me paralyse.

Le bruit sourd de ma chute résonne dans la pièce, et coupe la discution. La femme accourt, son visage se contractant d'inquiétude en me voyant étalée au sol.

— Non ! Ne te lève pas ! Tu t'es fait mal ? Montre moi...

Je secoue la tête, incapable de former des mots, les yeux brouillés par les larmes et l'épuisement

Éclat des Cœurs - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant