Le monde du placard

Crac

Les jours suivants, Aurélie apprit à manœuvrer le bateau. Elle sut bientôt utiliser le gouvernail, faire des nœuds et monter ou descendre les voiles. Si elle eut parfois le mal de mer au début, elle réussit à s'y habituer et se rendit compte à quel point c'était agréable de sortir sur le pont avec le vent marin qui fouettait son visage. Ce qui lui redonnait la pêche les jours où la lassitude l'envahissait.

Marco et Julie étaient souvent avec elle mais ils s'isolaient de temps en temps. Plusieurs fois, Aurélie entendit des bruits sourds venir de la chambre où étaient les jumeaux mais elle n'en connaissait pas la cause.

Une semaine après sa rencontre avec les jeunes Esidiens, alors que les bruits étaient de plus en plus forts et qu'elle entendait les éclats de voix de ses camarades, elle entendit soudain un " Aïe " puis plus rien. Aurélie, s'inquiéta : ils n'étaient pas en train de se battre tout de même ?

Elle descendit à l'intérieur du bateau pour vérifier si tout aller bien. Les jumeaux étaient dans la chambre qu'ils partageaient tous les trois depuis son arrivée en Esidie. Aurélie toqua et attendit que Marco l'invite d'entrer. Julie, assise par terre, se frottait la tête. Son frère à genoux à côté d'elle s'excusait, l'air inquiet. Julie se releva soudainement et lui mis une épée contre le cou.

" Tu n'aurais pas dû te déconcentrer. C'est trop facile de te battre sinon.
- J'avais peur de t'avoir fait mal.
- Non ce n'est rien. Et ce n'est pas une excuse, je t'ai battu. "

Julie lui sourit, triomphante. Son frère leva les yeux.

La jeune fille reprit à l'intention d'Aurélie :

" On s'entraîne à se battre. C'est nécessaire pour intégrer notre futur établissement scolaire, l'école des Saules. Tu veux t'entraîner ? Passe lui ton épée, Marco. "

Aurélie prit l'épée avec peu d'assurance.

" Euh... Je n'ai jamais fait d'escrime.
- Ne t'inquiète pas, ce n'est pas si compliqué. "

Julie se plaça devant elle et lui montra les mouvements de base. Aurélie l'imita, avec l'aide des jumeaux. Elle commençait à réellement s'amuser quand ils entendirent un bruit de choc. La jeune Terrienne n'avait pas pensé à attacher le bateau ou à descendre les voiles et aucun d'entre eux ne vérifiait la trajectoire du bateau depuis qu'elle avait quitté le pont.

Les trois adolescents se précipitèrent sur le pont pour voir ce qu'il s'était passé. Le bateau avait heurté un rocher. Ils redescendirent pour observer les dégâts. Il y avait un trou dans la coque et l'embarcation prenait l'eau ! Ils essayèrent comme ils purent de colmater la brêche.
" Je suis désolée ", marmonna Aurélie.

" Ce n'est pas de ta faute ", la rassura Marco.

" On aurait pas dû te laisser seule alors que tu ne sais pas bien naviguer ", renchérit sa sœur.

Aurélie savait qu'elle disait ça pour la rassurer mais la remarque ne l'aida pas vraiment à se sentir mieux.

Après une longue discussion entre Marco et Julie, il fut décidé qu'ils s'arrêteraient au prochain port pour réparer l'embarcation. Ils continuèrent à avancer tant qu'ils le pouvaient ne voyant que des plages et, de temps à autre, une maison solitaire où ils avaient peu de chance de trouver le matériel qu'il leur fallait. À la nuit tombée, ils furent contraints de s'arrêter car l'obscurité les empêchait d'avancer sans risque. Aurélie aida les jumeaux à descendre les voiles et à ancrer le bateau puis, alors qu'elle allait partir se coucher, s'excusa à nouveau.

" T'inquiète, personne ne t'en veut.

- Je t'ai déjà dit que ce n'était pas de ta faute. "

Julie descendit vers la cabine. Il y eut un moment de silence que le Marco rompit assez vite.

" Viens voir. "

Curieuse, Aurélie s'approcha du bord et regarda ce que montrait son ami. Au milieu de l'obscurité du lac, un lieu était éclairé par un rayon de lune qui perçait le feuillage des arbres de la côte.

" C'est joli " , murmura-t-elle. Marco sourit.

" Regarde les poissons, on dirait qu'ils jouent à cache-cache. "

En effet, une ribambelle de petits poissons tournait autour du corail, apparaissant et disparaissant dans ses cavités.

" Ils sont minuscules.

- Ils ne doivent sortir que la nuit car c'est la première fois que j'en vois. "

Les adolescents restèrent ainsi un moment, côte à côte, observant le ballet nocturne.

Aurélie fut réveillée par l'arrêt soudain du voilier. Elle se dépêcha de rejoindre le pont où Julie ancrait le bateau.
" Où sommes-nous ? "
La main en visière pour se protéger des rayons éblouissants du soleil, la jeune Terrienne distingua au loin des habitations.
" Sans doute devant l'un des derniers villages de la zone non-occupée par les rebelles.
- C'est en tout cas ce que nous espérons.
- Et si ce n'est pas le cas ?
- L'ARPE n'a pas encore l'entièreté du contrôle de l'ensemble des territoires qu'ils occupent. Ça devrait aller ...
- L'ARPE ?
- L'armée rebelle des provinces d'Esidie, les rebelles si tu préfères. "

Après un rapide petit-déjeuner, les adolescents sortirent du bateau pour s'approcher du village. Avant de partir, Marco leur fit penser à laisser une trace près de l'embarcation pour leur permettre de la retrouver au retour. Puis ils rendirent le voilier invisible.

En s'avança sur le chemin, les amis voyaient de plus en plus distinctement le village. Si, au premier abord, les maisons paraissaient en bonne état, en s'approchant ils aperçurent des failles courant le long des murs sales. Les lieux semblaient déserts en dehors d'un homme penché en avant, les pieds dans la mer. Les adolescents s'approchèrent et le vieil homme se retourna pour les toiser du regard.

Julie commença à lui parler :
" Bonjour, nous cherchons du matériel pour réparer la coque de notre bateau. Pourriez-vous nous aider ? "

L'octagénaire mit un moment à réagir et les jeunes gens se demandèrent s'il les avait réellement entendu. Ils finit par relever le regard vers eux et répondre:
"- Je n'en ai pas. Désolé. Mais vous pouvez en trouver au village. "

Ils regardèrent la petite ville et allait remercier le vieillard quand celui-ci ajouta :
" À moins que vous préfériez le faire dans un lieu moins dangereux ...
- Que voulez-vous dire ? C'est en lien avec les rebelles, n'est-ce pas ? "

Cette fois-ci ils n'eurent pas de réponse.