mon expérience de: l'anorexie

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TW / TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

en général, les gens pensent que l'anorexie résulte d'un régime qui tourne mal. d'une trop forte exposition aux photos de kate moss, d'un désir de rentrer dans les critères de beauté. je pense que c'est faux. l'expérience de l'anorexie est propre à chacun.e, mais pour moi en tout cas, c'était beaucoup plus complexe.

pour mettre un contexte, je m'approchai d'un léger surpoids au collège. quand je regarde les vieilles photos, précieusement conservées dans un tiroir du bureau de ma mère, je suis désolée pour la petite fille que j'ai été. parce qu'en soit, j'avais juste un petit ventre rond de bébé. et même si ça n'aurai rien justifié, je n'étais pas grosse du tout.

il y a eu plein de facteurs qui faisaient que je ne me sentais pas bien dans mon corps à un âge où j'aurai seulement dû me préoccuper de si oui ou non ludmila allait ruiner la prestation de violetta. ma grand-mère (qui n'a jamais voulu voir un psy, mais qui, j'en mettrai ma main à couper, est elle même anorexique) et ses remarques blessantes - « ce sera une fille ou un garçon ? » « tu es sûre que tu peux manger ça? » « tu vas finir par devenir une grosse patate ». Mes harceleurs au collège, qui m'avaient mis dans la tête que personne ne pourrait jamais me trouver jolie. Mon trouble dyspraxique, pas encore diagnostiqué, qui rendait mes mouvements gauches et accentuait mon sentiment d'être à côté.

Puis est venu le traumatisme de toute une vie; mes bourreaux, deux garçons de l'année d'au dessus. la guillotine, dans les toilettes du collège.
j'ai commencé à me faire vomir, pour pouvoir rater les cours, et les éviter un maximum. si mon corps me dégoûtait déjà suffisamment avant, il m'était devenu insupportable, parce que je refusais de le voir comme le mien tant il me semblait sale. et j'ai remarqué qu'à force de dégueuler dans la salle de bain, je perdais du poids; et tout autour de moi, on m'a félicitée. on m'a dit que j'étais jolie, pour la première fois depuis une éternité.
quand les deux garçons sont partis du collège, j'ai eu mon année de paix, et même si je me coupais, même si mon rapport à la nourriture restait malsain, mes doigts restaient sagement loin de ma bouche.

puis je suis arrivée au lycée ; un lycée où personne ne me connaissait, où les gens étaient ouverts, et où j'avais l'opportunité de me réinventer. c'était l'époque des teintures néon et des boissons énergisantes. c'était l'époque où j'ai rencontré ceux que je pensais être mes premiers vrais amis, tous aussi décalés, aussi perturbés que moi. j'ai rencontré cette fille triste, qui se plaignait tout le temps d'avoir trop froid et qui portait des vêtements trois fois trop grands. elle a marqué ma vie au fer rouge, et peut être qu'un jour j'écrirais sur elle.

j'avais beau être entrée dans un nouveau monde, où j'étais appréciée par des gens de mon âge et où je pouvais être la cool kid que j'avais toujours rêvé d'être, je n'étais pas heureuse. j'avais attendu du lycée que mon mal être disparaisse, qu'il reste hanter les toilettes du collège. mais il était toujours là. et si jusqu'ici j'avais été une élève brillante, je commençais à perdre le contrôle sur mes notes, et sur ma vie en général.
c'est installé avec la fille une sorte de compétition de qui mangerai le moins, de qui maigrirai le plus vite. si je devais être honnête, je dirais que je me suis infligée l'anorexie à moi même. à l'époque, je ne l'aurai avoué à personne (et encore moins à moi même), mais je savais ce que je faisais. je pleurais à l'aide. je voulais faire peur à voir, parce que c'était le meilleur moyen de montrer aux autres à quel point j'allai mal. je voulais me détruire, pour qu'on puisse me sauver.
et je me nourrissais des supplications de mes parents, de la diététicienne qui me disait que le nombre de calories que j'avalais par jour était dangereusement bas, et rapidement, je suis devenue addict à voir les chiffres descendre sur la balance, à la fierté d'avoir le ventre vide. je me sentais puissante de mon diagnostique, puissante quand ma psychologue m'a annoncé qu'elle ne pouvait plus rien faire pour moi et que j'avais besoin de me faire hospitaliser.

mais c'était faux; je n'avais jamais été aussi faible. je perdais mes cheveux, je m'évanouissais, j'étais obnubilée par les chiffres sur les étiquettes et j'étais terrifiée par la moindre goutte d'huile. j'étais de plus en plus malheureuse et de plus en plus angoissée. et un jour, j'ai fini par vider l'armoire à pharmacie et avaler tout ce que j'arrivais à avaler.

un mois plus tard, j'entrais dans une clinique psychiatrique. en pleine période covid, et en plein dans les fêtes. c'était dur, parce que manque de chance, mon groupe était rempli d'anorexiques et de boulimiques. l'esprit de compétition qu'il y avait avec cette fille de mon lycée était multiplié par 10. je m'ennuyais à mourir (on avait pas le droit au téléphone), ma famille me manquait, et je vivais mal l'enfermement. donc j'ai recommencé à manger (avec l'aide de la super diététicienne de la clinique), seulement pour pouvoir sortir, en me disant que je pourrais recommencer après, que je faisais juste une pause le temps qu'on me foute la paix. j'y suis resté un mois, et j'y ai même passé le nouvel an. je terminais mes assiettes et, j'avais réussi à me débrouiller pour ne pas prendre trop de poids.

le problème après mon retour à la maison c'est que soudainement, tout s'est mis à aller trop vite. je ne comprenais pas pourquoi je n'arrivais pas à faire comme j'avais fait pendant des mois, et pourquoi j'avais toujours besoin de me resservir trois fois.
plus tard, j'ai appris que j'avais laissé penser à mon corps confus que j'étais en état de famine, et il profitait que j'aie baissé la garde pour refaire les stocks.
j'ai suivi le chemin classique de la guérison : une phase boulimique, puis hyperphagique, avant un retour à la normale ponctué de rechutes qui duraient une ou deux semaines.

aujourd'hui, je me considère comme guérie; et si jamais quelqu'un me lis, je voudrais lui dire,  que l'anorexie est une maladie mortelle. que jamais elle n'a rendu quelqu'un heureux. que c'est un chemin qui ne mène nulle part et sur lequel on se déteste tous les jours un peu plus. qu'il n'y a rien de glamour à recevoir le retour de l'eau des toilettes sur son visage, à se sentir constamment nauséeux.se, à collectionner les smectas, ou à perdre ses amis et sa famille dans une spirale de crises de boulimie, de honte, et de restriction - sans jamais se sentir compris.e.

tout le monde mérite de guérir, peu importe si on ne se considère « pas assez malade ».
choisir de guérir, c'est choisir la vie plutôt que la mort. et c'est la chose la plus courageuse que l'on puisse faire.

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