Entre deux maux...

Chapitre : 6

C'est pas comme si tu ne savais pas

Que j'ai dit que je t'aimais et je jure que je t'aime encore

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Simon reste quelques instants sans bouger, ne réalisant pas vraiment ce qu'il est en train de se passer... Mike qui dort... En soit c'était déjà quelque chose de rare... Mais avec lui...

Il tend la main vers l'interrupteur à côté du lit et plonge la petite pièce dans le noir. Il ne faut pas longtemps à ses yeux pour s'habituer à la pénombre, l'absence de volet et de rideau aux fenêtres permettant à la lumière de la lune d'éclairer suffisamment la pièce...

Les quelques rayons frôlent le visage de Mike... Rendant le spectacle presque irréel... 

Il n'ose plus bouger, pose sa tête sur son oreiller, prenant le temps de fixer cette scène. 

Il n'arrive pas à décrocher... Pour la première fois depuis qu'il le connaît, il peut le regarder. Pas juste le voir au milieu des autres, devoir le dévisager en douce et être obligé de détourner le regard quand celui-ci devient trop insistant, ou de l'admirer de loin. Il peut le regarder, vraiment. 

Il souligne chaque trait de son visage, courbes et lignes qu'il connaît sans connaître, les précisant du regard, encore et encore... Son nez fin, sa mâchoire mal rasée, jusqu'à sa pommette où est tatouée l'araignée de la Mano. Il imagine derrière ses paupières closes la couleur de ses iris, dont il aimerait pouvoir y voir autre chose que de la colère...

Instinctivement il baisse les siens, qui se portent sur sa bouche... Ses lèvres... Et il sent le rouge lui monter aux joues et une douce chaleur l'envahir... Mais aussi de la honte, comme un enfant qui vient d'être surpris la main dans le bocal à bonbons, une sucrerie mauvaise pour lui, mais tellement tentante... Puis il réalise que personne ne le voit... Personne n'en saura rien et ne pourra lui dire quoi que ce soit. 

Surtout pas Mike... 

Il parcourt son visage encore et encore, dévorant des yeux un spectacle pour lequel il ignorait sa faim... Un subtil mélange de fascination, de désir et de calme l'envahit. D'aussi loin qu'il se souvienne, il lui semble ne jamais avoir autant voulu quelqu'un, aussi fort. Tout semblait impossible entre eux, pourtant il y avait cette envie irrépressible de le toucher, de le prendre dans ses bras, et l'embrasser... Encore... 

Depuis le barrage, tout tournait en boucle dans tête. Il n'arrivait pas à savoir si Mike l'avait voulu ou pas... s'il aurait dû insister... Ou ne jamais rien faire... Sa réaction était tellement contradictoire...

Tout ça va le rendre fou... il doit se calmer, lui et surtout ses envies suicidaires... tout ça n'est juste pas possible. Mike a été clair avec lui. Il ne l'aime pas, il ne le veut pas.

Les heures défilent et il est incapable de trouver le sommeil. Il n'arrive pas à le quitter du regard. Il se cale sur sa respiration, calme et régulière. Il sent ses légers mouvements. Ses sourcils se froncent par moment, annonçant une contrariété, et alors il a peur qu'il se réveille... Mais il s'apaise... Et Simon continue d'imprimer ce moment dans son esprit... 

Il se risque à regarder l'heure sur son téléphone. Il est 4h30 du matin. Une petite enveloppe sur son téléphone indique un message. C'est Jade. 

"Je suis sincèrement désolée que la météo ne soit pas clémente avec toi. Mais, si vraiment il fait froid, au pire, profite pour te réchauffer autrement..."

Trop de doubles sens dans le message. Est-ce que vraiment elle lui conseillait de faire ce qu'il pense ? Il va devoir éclaircir ce point. Il s'apprête à demander des explications à son amie, mais Simon est surpris par un changement dans l'attitude de Mike.

Jusque-là, il avait vu de petits mouvements, signes de rêves classiques... Mais alors qu'il allait répondre à Jade, il entend la respiration de Mike s'accélérer. Il pose son tel et écoute... 

Mike respire de plus en plus vite, devient haletant. Il gémit... Et ses traits se durcissent... Ça ne va pas. 

Simon se sent d'un coup complètement démuni. Il est évident qu'il fait un cauchemar, mais est-ce qu'il doit le réveiller... 

-Non... Pas encore... Pitié...

La voix de Mike se brise, et le cœur de Simon aussi... Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans sa vie, pour être l'homme détruit qu'il est aujourd'hui... Que quelqu'un ait pu être responsable de ce carnage mettait Simon dans une rage folle... 

La souffrance évidente de Mike le pousse à vouloir le réveiller. Il ne peut pas le laisser comme ça. Il a peur de sa réaction, peur qu'il soit en colère, peur qu'il ne comprenne pas la situation. Mais le voir comme ça ce n'était juste pas possible... 

Alors que sa main va pour se presser autour de son bras afin d'essayer de le réveiller en douceur, Mike prononce un mot... un seul...

-Simon... 

À l'écoute de son nom, il s'arrête immédiatement de bouger. Est-ce qu'il est réveillé ? Il cesse même de respirer, s'attendant à voir deux yeux meurtriers le foudroyer... mais non... c'est encore pire... 

La lune qui éclaire toujours son visage fait briller quelque chose... Au creux de son œil, une larme se dessine, brillante, unique, douloureuse... 

Par réflexe, Simon va pour l'essuyer, mais s'arrête immédiatement. Ça va le réveiller... Ne pas le toucher.

Il se rallonge à côté de lui, rangeant ses mains sous l'oreiller. Mike semble s'être calmé... Sa respiration ralentit doucement, jusqu'à retrouver un rythme normal...

Il se sent complètement chamboulé par ce qui vient de se passer. 

C'était quoi ça ? Une larme ? De Mike ? C'était possible ? Et pourquoi son prénom ? 

Pourquoi ça arrivait maintenant ? Est-ce que c'était parce qu'il était à côté de lui ? Est-ce que ça arrivait souvent ? Est-ce qu'il en avait conscience ? 

À cette dernière question il était conscient d'avoir la réponse. Non. Mike semble toujours sûr qu'il ne ressent rien... Simon est intimement persuadé que Mike ressent des choses, mais qu'il n'arrive pas à le comprendre. Ressentir lui fait peur. Et il se défend comme il peut. 

Et souvent, c'est par la colère et l'envie de tout casser, de tuer, et pire encore. 

Et là, ce qui vient de se passer semble le confirmer... Ses rêves prennent le pas sur son monstre, parce que c'est de l'inconscient... 

Simon ne se sent pas tomber, perdu dans ses pensées, il sombre, enfin.