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            - Monsieur Du Pontier ? je demande.


            Le type assis sur l'un des fauteuils d'attente lève les yeux de son téléphone portable. Il reste figé une à deux secondes puis, il se lève pour me rejoindre. Je lui tends ma main en me présentant. Le client avait eu à faire à mon adjoint lors de son premier rendez-vous.

            Je marche devant le blond, m'arrêtant à quelques bureaux de l'open-space pour réclamer quelques documents puis, je rentre dans mon bureau.


            - Asseyez-vous, je vous en prie, dis-je à Monsieur Du Pontier.


            Il s'asseye, se pinçant les lèvres en me regardant avec insistance. Je me passe la main dans les boucles noires sur mon crâne puis, je le regarde en retour. Il ne semble pas vouloir démordre du sien. Il essaye quelque chose ? Qu'est-ce que je ne pige pas ? C'est plutôt gênant mais je continu de faire bonne figure en étalant mes plans sur la table qui remplit l'espace entre nous.


            - Voilà ce que j'ai à vous proposer, je lui dis. J'ai essayé de


            Je vois bien qu'il ne m'écoute pas, mais il fait mine de regarder tous les plans. Comme il l'avait demandé à mon adjoint, je suis resté centrer sur quelque chose de plutôt sobre. Il a l'air convaincu et même étonné de ce que je lui propose mais, quand j'en ai fini avec mon speech de mec qui vend son travail pour conclure un contrat, le blond me regarde en s'enfonçant sur sa chaise. Je ne sais plus s'il veut me tuer ou s'il essaie juste de m'intimider. Il a un regard insistant et déstabilisant.


            - Donc si ça vous convient, on peut démarrer ça le mois prochain, je précise.


            Monsieur Du Pontier regarde l'heure sur sa montre, se massant la barbe juste après.


            - Combien de temps ça prendrait ? il demande.

            - Vu l'étendue des rénovations, un à deux mois, pouvant s'étaler sur trois si des imprévus se présentent, je réponds. Vous vivez dans le logement ?

            - Pas encore, il dit.

            - Et quand est-ce que vous comptez emménager ?


            Il hausse les épaules.


            - Cet été, finit-il par prétendre.

            - Donc aucun souci... je souffle.

            - Vous serez sur place ? il demande.

            - Je viendrai m'assurer que tout se passe comme prévu, oui, je réponds.

            - Où est-ce que je signe ? il questionne.


            Je lui demande de se diriger vers mon bureau alors il le fait en me laissant le devancer. Je le sens reluquer ma démarche mais je fais mine de rien. Il s'asseye sur le fauteuil en cuir pendant que mon téléphone personnel se met à sonner. Je le mute et je m'asseye à mon tour. Je donne un stylo au client puis, les différents exemplaires du contrat. Le type ne semble pas prendre le temps de lire les closes et prêt à signer tout de suite. J'en fronce doucement les sourcils.


            - Vous devriez peut-être lire le contrat avant de signer, je lui conseil.

            - Parce que vous êtes indigne de confiance ? il suppose.


            Je ne lui réponds pas. Pour être franc, je m'enfonce dans ma chaise. Je fronce les sourcils et lui, il se met à signer la première page du premier exemplaire. Quand il en a terminé avec le tout, il pose le crayon que je lui avais donné puis, se permet d'entrer dans l'observation de mon poste de travail. Je le vois regarder le cadre contenant une photo de ma fille mais je ne dis rien. Je vérifie que les pages soient bien signées puis, je lui rends un exemplaire.


            - Donc on se revoit quand ? demande le blond.


            Je lève la tête, moi qui m'apprêtais à me lever pour le raccompagner. Le type sourit nerveusement de me voir réagir. Il a l'air de savoir exactement ce qu'il fait, mais il fait aussi semblant que ce n'est pas le cas. Je commence à me demander s'il n'est pas homosexuel.


            - Comment ça ? je questionne.

            - Pour ça, dit-il en secouant le contrat. On va se revoir, j'imagine...

            - T'es en train de me draguer ou je rêve ? je demande.

            - Ah on se tutoie maintenant, il souffle.


            Je ris doucement. 


            - Tu es gay ? il demande.

            - On va se mettre d'accord tout de suite, je débute. Je ne couche pas avec mes clients.

            - Je ne suis pas gay, je demandais juste, il prétend.

            - T'es pas gay ? je rigole doucement. Tu t'es vu ? Tu n'as rien écouté de ce que je t'ai dit, tu passes ton temps à essayer de m'intimider mais t'es pas gay ?

            - Donc tu as le sens d'observation, il souligne. Dis-donc...


            Il se lève, maintenant.


            - Bonne journée Monsieur Legrand, dit-il.


            Je le laisse partir sans le suivre. Je n'en ai pas envie. Enfin du moins, je n'ai pas l'impression qu'il attend de moi que je sois professionnel à ce point. On dirait même qu'il s'est amusé de la situation et qu'il continu de le faire. Je me râcle doucement la gorge et j'attrape mon iPhone pour écouter le message qu'on m'a laissé. C'est Marie, la mère de notre fille, qui me demande si je peux passer prendre la petite plus tôt que prévu. J'étouffe mon souffle à l'idée. Je regarde l'heure sur ma montre et me rendant compte qu'on approche dix-sept heures, j'imagine que je n'ai plus choix que de partir parce que j'étais censé arriver chez mon ex à dix-huit heures.


            Gabriel - Je quitte le bureau, je serais là dans une demi-heure.


            Ma vie depuis la rupture avec Fai se porte plutôt bien, moi qui pensais que je m'effondrerai comme une loque. Marie a accouché il y a un mois. Pour l'instant tout se passe bien même si Gregory essaie de faire en sorte que je sois éloigné de l'éducation de ma propre fille. Côté cœur, je suis toujours célibataire mais j'ai fréquenté énormément de garçons, durant mon voyage en Europe. Je suis rentré à la naissance d'Héloïse. Je voulais être présent et du coup, ça m'a fait reprendre le travail moi qui avais entreprit une cure. Côté famille, ma sœur se marie en Juin, comme c'était prévu et mon père me fait toujours la tronche. Je ne le vois plus. En revanche, ma mère essaie de sauver le peu qu'il me reste à lui donner mais sinon, je ne vois plus personne. C'est même rare que je voie Léa. Elle m'en veut pour avoir fait mon coming-out comme je l'ai fait, et m'en veut aussi pour ne pas faire plus d'efforts que ça. C'est une situation assez délicate mais je m'y suis accommodé, je n'avais pas le choix. Il s'agissait de survivre à ce que la vie m'imposait. Il est vrai que j'aurais peut-être dû faire autrement mais je ne referais pas le passé alors, tant pis. Ma vie est comme elle est aujourd'hui et je trouve que c'est plutôt admirable. J'aurais pu me morfondre au point de devenir une épave or, j'ai décidé de voyager, d'expérimenter des choses, d'avoir des amours d'une semaine ou deux et de continuer ma vie comme si rien n'avait d'importance. Je n'ai jamais mieux vécu depuis que je me suis mis en tête que demain n'existait pas.

Gabriel - Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant