Prélude : - NOUR -

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- J'ai décidé de ne pas allouer plus de moyens à notre ministère des armées.

Nour savait que cette phrase allait faire réagir son conseil des ministres. Elle ne le savait que trop bien. C'est pour cela qu'elle voulait prendre conseil auprès d'Assa avant de leur annoncer.

- Tu sais que tout le monde va prendre ça pour un signe de faiblesse ?

Nour s'était préparée à cette remarque mais cela l'agaçait qu'elle vienne de sa compagne. Assa partageait pourtant ses idées pacifiques et progressistes alors pourquoi parler de faiblesse ?

- Helios est un royaume fort, un des plus forts du continent Sud. Nous sommes un modèle dans le monde entier, argumenta Nour. On nous jalouse pour notre qualité de vie, nos technologies, notre environnement, nos chercheurs ... Nous sommes à la pointe du progrès. Personne ne sera assez naïf pour penser que nous sommes faibles. Je ne vois vraiment pas l'intérêt de constituer une armée. Nous avons tout ce qu'il faut pour nous faire respecter de l'étranger sans les intimider, trancha la reine.

- Je sais que tu en es convaincue, répondit Assa avec douceur en voyant sa reine se raidir. Ce que je dis, c'est simplement que nos frontières ne sont plus aussi sûres qu'avant et que je ne sais pas si nous arriverons à repousser une éventuelle attaque à coup de livres et de jardins.

- Personne ne nous attaquera, il n'y a aucune raison de nous attaquer, s'agaça Nour. Nous avons toujours été coopératifs et diplomates avec tout le monde. Nous armer serait trahir notre crainte. Je préfère que nous paraissions tellement sereins que personne n'aura l'idée d'être belliqueux. Je suis sûre de moi.

- C'est toi la Reine, c'est toi qui décides ... Mais je ne suis pas sûre que cela plaise beaucoup.

Assa se leva du canapé où elles étaient assises pour s'approcher des fenêtres de leurs appartements. Nour connaissait par cœur les détails de sa peau noire, de son corps musclée et de son visage tranquille mais elle ne ratait jamais une occasion de continuer à les apprendre. C'était sa cartographie préférée.

- Tu as vu Ahlem aujourd'hui ? demanda-t-elle en se levant pour la rejoindre.

- Non. Ta fille est un véritable ouragan. Elle déjeune et elle disparait.

- Notre fille, corrigea Nour en souriant, passe en effet un peu trop de temps dehors. Tu ne crois pas que c'est inquiétant, pour son âge ?

- Onze ans, ce n'est pas si jeune ... murmura Assa, les yeux perdus dans le jardin sous leurs fenêtres. J'imagine qu'elle s'amuse bien.

Nour sourit en enlaçant la main de sa compagne dans la sienne. C'était une journée parfaite, comme beaucoup à Hélios. 

Hélios était une cité à la force tranquille, qui régnait depuis des années sur les déserts alentours. 

"Qui voudrait affronter les grands déserts pour amener son armée jusqu'à nous ?" pensa Nour. 

La ville était autosuffisante depuis des années et limitait son contact avec l'extérieur à l'important de ressources rares qui ne pouvaient être fabriquées sur place. Hélios ne devait rien à personne. Son peuple vivait, créait, produisait, travaillait, construisait et consommait par et pour lui-même depuis des décennies. Pas d'armée, pas de remparts, pas de ministre de la guerre et aucune bataille à son actif. Il n'y avait chez ses habitants et leurs dirigeants successifs aucun instinct de conquête, aucune ambition stratégique. Juste le désir puissant et nécessaire de continuer à vivre à paix pour pouvoir faire avancer la science, car la science permettait à la ville de rester à l'écart du monde - et donc, de vivre en paix. 

C'était un parfait cercle vertueux dont Nour avait hérité. 

Elle ferma les yeux, déterminée à assumer jusqu'au bout sa position.

« Nous sommes la ville soleil, pensa-t-elle, et la ville soleil ne craint personne car personne ne nous craint. » 

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