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La nuit lui avait paru laide. Fatiguée, avec des cernes, Cézanne ne désirait pas délaisser son lit. De 22 heures à 5 heures elle avait repensé à Christian et à tous les mystères qui l'entouraient. Elle avait déjà pris sa décision. Elle allait fouiller son téléphone, ce ne serait pas difficile, il n'avait pas de mot de passe. Il fallait qu'elle lise ce message, qu'elle fouille ce téléphone. Il contenait des réponses à ses questions.

C'est durant ce moment de résolution qu'elle fut éblouie par la lumière de sa chambre. Sa mère venait d'appuyer sur l'interrupteur.

- Que fais-tu encore couché Cézanne, n'as-tu pas cours ce matin ?

- Si, répondit la jeune fille en baissant les yeux, et en ayant une petite voix, je me sens juste ballonnée.

- Ce n'est pas sorcier, vu tout ce que tu engloutis, répliqua sa mère en méprisant du regard son corps, pense un peu à faire du sport ma chérie, sinon tu finiras comme toutes ces filles grosses qui prennent les chats pour leurs enfants. Et dépêche-toi, ce matin je dois me rendre assez tôt au travail, tu as trente minutes.

- Oui, maman, répondit Cézanne d'une voix qui cachait mal sa peine. Ses draps froissé par ses mains.

Cézanne avait pris sa douche en pleurant, se remémorant les mots que lui disaient constamment sa mère : tu es grosse... fais plus de sport... ne mange pas autant... tu finiras vieille fille... attends toi à avoir beaucoup de chat...

Toute sa vie durant Cézanne avait été nourris par cette pensée. Elle était grosse et finirait vieille fille. Que ce soit depuis le primaire jusqu'au lycée, elle s'était toujours entendus dire qu'elle était une fille au corps repoussant. Même sa propre mère le lui disait alors c'était vrai. Sauf qu'une seule personne pensait le contraire. C'était Christian Martin. Quand certains insultait ses rondeurs, lui il les appréciait. Lorsque d'autres lui affirmaient qu'elle était peu belle, il trouvait qu'elle était parmis les plus jolie. Et seul lui croyait qu'elle trouverait un homme bien pour elle, brisant ainsi cette vision où elle finirait avec des chats en étant vieille fille. Christian Martin avait été un ange gardien, un ami que lui avait envoyé la providence, et maintenant il était son copain. Et peut-être même il serait son époux.

6h30 révolu, c'était l'heure à laquelle Cézanne fut déposée devant son établissement par sa mère. Cette femme brune, à la peau écrue, et à la taille de guêpe. Cette femme à qui Cézanne voudrait bien ressembler, mais dont le corps, pensait-elle, était le premier obstacle.

Depuis la mort de son père, son seul réconfort fut la nourriture. La nourriture ne la jugeait pas, elle l'empêchait de pleurer. De plus Christian était content lorsqu'elle mangeait, ce n'était pas comme sa mère qui scrutait son plat à chaque diner ressentant bien le dégoût de cette dernière lorsqu'elle se servait de nouveau.

Quand le véhicule de sa mère fût assez loin, Cézanne sortit de son sac un grand sandwich et se mit littéralement à l'engloutir. Ce sandwich lui faisait du bien, il chassait durant quelques moments - comme réussissait à le faire Christian lorsqu'ils étaient ensemble - les mauvaises pensées que créait sa mère.

Ayant terminé, elle gagna la salle d'aisance. Cézanne était sur le siège des toilettes, regrettant d'avoir autant mangé. Hier, elle avait terminé la tarte de madame Martin, puis la moitié des lasagnes qu'avait préparer Sophie - l'aide à domicile - et ce matin son ventre avait à peine récupéré qu'elle s'était remplie la panse avec ce délicieux sandwich à la mortadelle, jambon, fromage. Oui, elle trouvait qu'elle avait trop mangé. Mais elle n'y pouvait rien, c'était un péché que de résister au réconfort que lui offrait ces délices.

En voulant tirer la chasse, elle fût interpellée par la présence de personne qui venaient d'entrer dans les toilettes et qui avaient prononcé son nom.

- ... mon DIEU, c'est incroyable, émit une voix aigu, un ton persifleur.

- Eh bien si, crois-le ou pas cette grosse s'est trouvé un mec, et il n'est pas mal du tout. Peut-être ils sortaient déjà ensemble maintenant qu'on y pense.

- C'est vrai qu'elle et ce Christian machin truc, traînaient toujours ensemble. Mais tout le monde croyait qu'il était gay...

- Apparemment non ou alors il est bi, néanmoins, il sort avec le jambon sur patte. Mine de rien elle s'en sort bien, il n'est pas mal comme mec, reste à savoir si ça va durer.

- Le pauvre garçon, je le pleins tout de même, ajouter ce jambonneau à son tableau de chasse...

Les deux filles se mirent à rire. On entendit le bruit d'un robinet qui venait d'être fermé, puis d'une porte qui avait été traversé. Les rires s'éloignèrent.

Toujours était-ce ainsi. Les commentaires insultants sur sa personne. Et pourquoi ? Car Cézanne Delavallée avait eu le malheur d'être différente de la majorité dominante. Son corps qui était pourtant aussi fonctionnel que d'autres était sujet à des railleries et médisances. Certes elle n'était pas fine, elle n'était pas la plus belle, mais elle restait une personne. Une personne avec un cœur et des sentiments, et ça beaucoup l'oubliaient dans un monde tombé dans la critique perpétuelle. Ce à quoi la jeune fille s'y était faite. Elle était parvenue à ne pas tenir compte de cette douleur, de cette persécution, de ce mal profond qu'était son quotidien. Et c'était parce qu'elle ignorait, car se disait-elle en ne leur accordant aucune importance ils n'en avaient pas.

Sauf que non, en son fond intérieur elle ne voulait pas ignorer ces insultes, cette discrimination. Elle réclamait justice ! Elle souhaitait que le monde change, qu'il s'ouvre à la vérité. Il existait aussi de la différence, une multitude de différence. Il n'y avait pas que la majorité dominante. Il existait aussi cette minorité de personne différente. Et ça, Cézanne voulait que cela soit reconnue et accepté, qu'il ait une voix pour défendre cette minorité. Que ce soit sa voix qui défende ces personnes qui comme elles sont discriminées. C'était son rêve, être celle qui défend le droit des personnes n'appartenant pas à la majorité.

Homosexuels, yeux bridés, personnes aux teints différents, toutes ces multitudes de différences, elle souhaitait défendre leur droit et être la voix qui crie leur revendication. Elle rêvait d'être avocate comme sa mère malgré que cette dernière la prédestinait à être médecin comme l'avait été son défunt père.

Cézanne essuya ses larmes, expira un bon coup et tira la chasse d'eau puis quitta la salle d'aisance. C'est à ce moment qu'elle aperçu son copain discutant avec Mattéo Devis, près de l'allée qui menait au balcon offrant une vue sur la cour. Elle fut saisit par une sensation bizarre. On aurait dit un courant électrique qui la traversait.

Mattéo qui fixait la jeune fille n'avait pas terminer de parler que Christian se retourna au même moment. Le jeune Martin exprima de la gêne à travers ses gestes. Mattéo s'en alla, une mine prostrée, traversant la jeune fille. Cézanne, toujours interdite, voulait avancer jusqu'à son copain, sauf qu'il vint jusqu'à elle.

BORN IN RAINBOW ( BxB )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant