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Le principal, monsieur Blanchet, fit son entrée dans la salle de classe. Tous les élèves se levèrent pour le saluer. Il était accompagné d'un surveillant général et du censeur. Cézanne cessa de focaliser son esprit sur le mensonge de son copain.

— Asseyez-vous les enfants.

Le proviseur avait la mine grave. Toute la classe l'avait remarqué. Le silence s'imposa seul.

— Nous sommes ici pour vous faire part de deux nouvelles. La première étant, que d'ici là semaine prochaine débuteront comme prévu les examens blancs du baccalauréat. Nous attendons de vous beaucoup de rigueur et de sérieux. Vous ne devez point ménager vos efforts, au contraire nous vous encourageons à redoubler d'ardeur dans vos travaux. Ceci garantira votre réussite à l'examen.

Le directeur racla sa gorge, puis reprit avec une voix plus morne.

— Nous sommes dans le regret de vous annoncer qu'à partir d'aujourd'hui, comme cela devait être le cas à cette heure, monsieur Hamilton ne vous dispensera plus de cours de mathématique. Son cadavre à été retrouvé ce matin dans une rue de la capitale. La police enquête déjà pour éclaircir cette affaire macabre.

Un séisme de paroles incongrues envahit la salle. Chacun exprimait ses émotions. D'aucuns étaient toujours tétanisés par cette nouvelle, d'autres spéculaient sur les raisons de ce qui ressemblait à un meurtre et il y avait cette minorité qui ne pouvait refréner cette joie de ne plus revoir le vieux professeur de mathématiques. Christian Martin, lui, n'était pas indifférent à cette nouvelle. Certes Hamilton et lui, depuis qu'ils se connaissaient, entretenaient des rapports loin d'être cordiaux, mais il était convaincu qu'il ne méritait pas une telle mort.

Les cinq jours marquant les examens du baccalauréat blanc s'étaient achevés. L'établissement se remettait peu à peu du départ brutal de Hamilton. Les journaux avaient même couvert sa mort, non pas qu'il était une personnalité importante à Lutèce, mais il était la pièce maîtresse dans l'affaire que les médias avaient surnommé : le meurtre du Marais. À la surprise générale, Hamilton était gay.  Il s'était vu ôter la vie en sortant de l'Escape au bras d'un jeune homme et malheureusement pour eux ils avaient sauvagement été agressés et laissé pour mort. D'aucuns disaient que c'était l'œuvre des casseurs de pédé, malgré les affirmations de la police qui tuaient cette hypothèse.

Cette nouvelle avait défrayé des débats incessants  dans le forum de la classe à Christian. Certains approuvant cet acte extrémiste, d'autres le réprouvant au contraire. Toujours était-il que l'administration semblait partager l'avis des élèves trouvant le châtiment du vieux professeur approprié. Car aucun hommage ne lui avait été rendus, malgré ses nombreuses années au sein du lycée. Même si le proviseur avait expliqué cela par le fait que la famille du défunt ne souhaitait pas une telle cérémonie. Néanmoins, certains élèves du lycée - y compris Christian Martin - avaient déposé des bougies et des fleurs devant le portail de l'établissement pour lui rendre hommage. D'autres s'étaient même rendus à la manifestation porté par une association gay pour exiger du gouvernement de faire cesser cette chasse aux gays qui perdurait. Christian avait supporté cette initiative dans son cœur, il n'avait exprimé aucun avis lorsque se présentaient les occasions de le faire. Il ne souhaitait en aucun cas être associé, d'une quelconque manière que ce soit, à la communauté dont il faisait partie de part sa nature profonde.

Hamilton ou du moins sa mort, avait relancé le débat sur la place des gays dans la société. Leurs droits, surtout. La télévision parlait des gays, les journaux parlaient des gays, et même sur les réseaux on parlait des gays. Beaucoup de soutient, que ce soit de certains politiques, que ce soit des personnalités publiques, ou même de stars mondialement connues. Redonnant un nouveau souffle à la procédure voulant permettre de voter la loi autorisant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe.

C'était loin de penser jouir de cette loi, si elle venait à être promulgué, que Christian Martin entama son week-end. Ce vendredi après-midi, il était bien trop occupé à profiter de son lit. Il n'avait point dormit durant la semaine car il ne croyait pas à l'adage qui disait : « on ne nourrit pas la poule le jour du marché. ». Lui il la nourrissait, même à la dernière seconde. Depuis la sixième c'était ainsi, et cela lui avait toujours réussi.

Une notification attira son attention alors qu'il venait de se réveiller. Il était 23 heures révolus. C'était un message de Daniel - depuis l'application verte.

— Salut mon chou, alors tu t'es bien reposé ? On se voit ce week-end, n'est-ce pas ?

Depuis la semaine passée le cousin de Cézanne avait été très entreprenant dans ses avances. Messages aguichant sur l'application verte, fleurs déposées devant la maison, bijoux, paquets de chocolat, et même des poèmes.

Christian avait trouvé toute ces attentions adorables. Il en fut flatté, et il ne pouvait nier que Daniel le séduisait par ces dernières. Toutefois, il en était  gêné lorsqu'il pensait à Mattéo. Soudainement, son téléphone sonna, alors qu'il réfléchissait à la proposition de Daniel. C'était Devis. Christian eut un sourire niais.

— Salut mon chéri, tu viens de te réveiller ?

— Oui mon cœur, j'ai encore dans la tête l'épreuve de mathématique qui me tourmente, mais ça va, avoua-t-il sur un ton badin.

Mattéo rit à la plaisanterie, ce qui amena Christian à l'accompagner.

— Tu veux que l'on se voit demain ?

— Bien évidemment, déclara Christian avec un immense sourire.

— D'accord, alors je passe te chercher dans la matinée, ça te va ?

— Oui.

— Dans ce cas, repose toi encore car risque d'être épuisant, si tu vois ce que je dire.

Christian ne put s'empêcher de rire.

— D'accord acquiesça le jeune Martin, toujours avec un large sourire.

— À plus tard mon amour, je t'aime.

— Moi aussi.

Christian raccrocha avec un léger pincement au cœur. Cela n'était pas dû à la rapidité de la conversation avec Mattéo, mais plutôt parce qu'il ne pouvait pas lui dire comme lui : « je t'aime. ». Christian se contentait toujours de répondre par des : « moi aussi... c'est adorable... Ditto. ». Pour le jeune Martin prononcer ces trois mots relevaient de la sincérité, cela devait venir du plus profond de son cœur, il devait le penser. C'était contre sa nature de le dire sans en ressentir le besoin. Sans être sincère. 

BORN IN RAINBOW ( BxB )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant