chapitre 16

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Lorelei

Monte ! Comment ça monte ? Il est fou ou quoi ce type ? On n’a pas élevé les moutons ensemble que je sache ! Je ne le connais ni d’Adam ni d’Eve et il me dit : « monte » comme si j’étais sa copine de sa belle voix. C’est quoi ces manières ? Pff ! S’il croit que je vais monter sur cet engin de la mort avec lui c’est qu’il rêve en plein jour. Ici c’est Libreville, on ne connait pas les zémidjans !

Le ciel se couvre dangereusement… A croire que c’est lui qui a emmené ce temps orageux qui s’accorde parfaitement avec sa mise. Quand il traine dans les parages, j’ai la sensation étrange que tout s’obscurcit autour de moi. C’est flippant. On se regarde toujours. Ca devient gênant là. Le tonnerre gronde au loin. Aucun de nous ne bouge. J’inspire un grand coup et me lance. Il suffit juste que je lui dise que je m’en vais, je traverse la route pour rejoindre la rue en face et l’affaire est close. 

- Tu as traité mon petit frère d’handicapé ? je lâche d’une traite.

Rhooooo ! Lola, c’est ça partir ? Ma bouche s’est réveillée de sa léthargie on dirait. Finalement je suis assez fière de moi. C’est bien la première fois que j’arrive à aligner une phrase cohérente en sa présence. Quelle progression ! A son expression, je devine qu’il comprend enfin pourquoi je tenais à le voir la première fois qu’on s’est rencontré dans son dojo. Et qu’il était… bref, passons à autre chose. Pas la peine d’attarder mes pensées sur le corps de rêve enfui sous le tee-shirt noir.

- Tu l’as traité d’handicapé ou pas ?
- Je ne sais pas faire de faveur. 

Il parle toujours doucement, sans élever la voix. C’est agréable d’entendre sa voix. Il est beau. Encore plus beau que dans mes souvenirs. J’ai l’impression de voir apparaitre sur son nez de petites taches de rousseurs. Et ces yeux ! C’est la première fois que j’en remarque la couleur. Son regard bien que doux est mélancolique. J’arrête de l’observer avec insistance. 

- Qui t’a demandé une faveur ?
- Je n’entraine pas les gamins. J’entraine les compétiteurs, je suis exigent. Il ne tiendra pas un seul cours avec moi. 
- Il n’est pas aussi gamin que tu le penses. Il est très en avance…
- Je ne peux pas faire d’exception pour lui sous prétexte qu’il est handicapé. 
- Mais…
- Si je le traite différemment ce serait comme lui faire une faveur parce qu’il est sourd. Pour moi, les enfants sont tous les mêmes. Raphael est comme les autres, donc pas d’exception. 

Il ne parle pas beaucoup. Il est précis, dit ce qu’il a à dire puis se tait. C’est étrange de discuter avec quelqu’un d’aussi rigide quand on a trainé avec un certain Valentine au bagout irrésistible et à la tchatche nonchalante. 
Mais étrangement, je comprends ce qu’il essaie de m’expliquer. Il traite Raphael comme tous les autres élèves du dojo. Lui accorder une faveur serait mettre l’accent sur son handicap et de ce simple fait avouer qu’il est plus faible que les autres et qu’il mérite un traitement de faveur. Le raisonnement se tient même s’il semble un peu dur. 

Mike

Je ne sais pas si je réussis à me faire comprendre d’elle. Pourvu qu’elle ne se mette pas à crier au scandale et à me traiter de tous les noms d’oiseau. Je ne supporterai pas qu’elle me fasse une scène. Aujourd’hui contrairement à la première fois que je l’ai vu, je me sens … à l’aise bien qu’intrigué par la facilité avec laquelle elle me parle alors qu’on ne se connait pas. 

- Je comprends. Merci de m’avoir expliqué.

Elle a compris ! Je me détends. Son … opinion sur … moi … compte ? Je devrais arrêter de donner du poids à tout ce que ma grand-mère me raconte, ça commence sérieusement à me griller le cerveau. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai proposée de monter sur ma bécane. Et maintenant que nous nous dévisageons depuis deux bonnes minutes, je ne sais pas si je dois insister pour qu’elle monte ou si je dois partir sans plus demander mon reste. 

Love SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant