chapitre 17

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Lorelei

Pourquoi une chose aussi simple que chanter devient une corvée lorsque Valentine y mêle ses exigences ? Me coller un coach de chant ! Je ne savais même pas que ça existait au Gabon. Combien il paie cette vieille blanche pour me débiter ses conneries ? WTF chanter c’est maintenant une science ? 

« La voix entraine des émotions, qui entrainent des gestes qui eux-mêmes provoquent d’autres émotions, ainsi de suite … bla bla bla…Par la pratique régulière de l’émission de sons, on peut mieux maitriser l’intensité de sa voix … il faut travailler l’organe respiratoire, les muscles faciaux, respiratoire et de la gestuelle …»

Pff, j’ai oublié l’autre moitié de ce qu’elle m’a racontée. Quand je pense qu’il me reste encore neuf cours à subir. 

Pensons à autre chose !

Mike a accepté de m’entrainer à condition que je ne parle pas pendant le cours. Il ne supporte pas mon bavardage incessant et aime travailler en silence.
Franchement, je ne sais pas pourquoi il a accepté ma demande. Enfin, je le devine mais je préfère ne pas y penser. J’ai promis à Nadine de gérer, alors je gère du mieux que je peux. 

Tous les jours après la répétition au studio Valentine, je vais au dojo. Les une heure et demie pendant lesquelles il entraine les ceintures noires qui font de la compétition, je révise mes cours assise sur le banc réservé aux parents pour ne pas accuser de retard. Mon CAP est un objectif primordial à atteindre cette année. Je sais que dans la vie tout est question d’organisation. Si je consacre un peu de temps à chaque chose, je me dis que j’y arriverai forcément. Le courage et la force de travail ne m’ont jamais manqué, seules les opportunités m’ont fait défaut. Et pour la première fois de ma vie j’en ai une qui s’offre à moi alors je ne compte pas lâcher l’affaire. 
Ce matin encore, il a fallu me réveiller très tôt le matin pour puiser de l’eau à la pompe des voisins incognito parce qu’un agent de la Société d’Energie et d’Eau du Gabon est venu nous couper l’alimentation en eau devant tout le monde. J’ai essayé de négocier avec lui comme je l’avais déjà fait les dernières fois en lui glissant un billet dans les mains. Mais il a refusé. Il fallait absolument qu’il nous coupe. C’est pour éviter à ma famille et moi ce genre de situation humiliante que je m’accroche à mes cahiers alors que j’ai sommeil, que je supporte les cris de Valentine quand je fais une gaffe, que je suis Lola à longueur de journée: Lola, celle qui veut s’en sortir. 
Je soupire et referme le cahier un instant pour les regarder s’entrainer. Mike n’est pas très massif comparé à ses élèves mais il est tellement rapide que ça déstabilise souvent ses adversaires. Quand il saisit un bout de kimono pour faire tomber celui qui se trouve en face de lui, ça se passe en quelques secondes. A les regarder, on sent que ses élèves sont impressionnés par sa technique mais ils restent tous silencieux. L’ordre est le même pour tous : on travail en silence. 
Quand il en a fini avec eux, il prend une pause, se douche rapidement, change son kimono usé contre un jean élimé mais qui parait confortable et un tee-shirt noir et après c’est le moment que je préfère. Pendant juste cinq minutes: la terre cesse de tourner. 

Pourquoi ? Parce qu’il me regarde de ses yeux mélancoliques, sans bouger ne serait-ce qu’un cil. Je sens son regard glisser sur mon profil et j’ai comme l’impression qu’il ne sait pas par où commencer avec moi, qu’il rassemble son courage pour me supporter… Et que je ne sais pas pourquoi, ça me touche. 

- On commence !

Je sors de ma rêverie. Je me lève et commence les échauffements. Toujours les mêmes gestes, jamais de fantaisies sinon il pète un câble et me remet sèchement à ma place. Puis je me mets à courir pour chauffer mes muscles, je fais du renforcement et enfin commence le plus dur. Le travail de la sangle abdominale pour les exercices de respiration, un corps à corps précis avec lui. 

Love SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant