With You (Tome 1) (Sous Contrat D'édition)

3. Correspondance épistolaire

Tyler

Le doux arôme de la nicotine m'enveloppe tout entier. Lorsque ce poison se répand dans mon être, il m'offre un plaisir indescriptible. Je transpire le désespoir, et la fumée qui s'échappe de mon corps est comme la touche finale de l'œuvre chaotique que je représente. Un tourbillon de souvenirs déferle dans mon esprit à la vitesse de l'éclair. J'étais innocent à ma naissance, telle une toile blanche, puis, aspirant à être artiste, j'ai souillé cette surface pure avec des taches sombres, reflets de mes errances sans fin.

Avec le temps, j'ai compris que cela ne servait à rien de le perdre à me questionner sur qui je suis. En grandissant, les notions de bien et de mal changent, des personnes voient le mal partout et d'autres sont suffisamment naïves pour ne pas retirer ce voile de crédulité qui recouvre leur rétine. Et le vide est glacé, c'est la seule chose dont je suis certain.

Cette nuit-là ne parvient pas à s'évader des murailles qui barricadent mon esprit. Je suis enchaîné à mes vices. Emprisonné dans une cage d'acier. La bière coule dans ma gorge, un remontant éphémère, tout comme ma clope. J'ai envie de chasser mes idées noires ce soir, mais à peine sont-elles écartées qu'elles reviennent à la charge.

J'attends mon cousin dans ce bar qu'il fréquente habituellement. Les rires et les bavardages créent un brouhaha incessant, ce n'est pas le bon endroit pour être au calme, ça c'est sûr. La fumée m'encercle comme un bouclier pour préserver mon espace vital.

Je souffle de mécontentement. Putain, Dan, jamais à l'heure ! Je ne supporte pas qu'on me fasse attendre. Je suis au comptoir, je commande une deuxième bière au barman, qui est un ami de mon cher cousin. Je pose mes coudes sur la surface de marbre et j'inspire profondément avant de boire une autre gorgée. Une main s'abat sur mon épaule, exerçant une légère pression, puis la chaise à ma droite crisse contre le sol.

— T'es trop jeune pour crever d'un cancer du poumon, fait remarquer mon cousin.

— T'es trop vieux pour être en retard.

Je sors une autre clope que j'allume rapidement. La cigarette est un prolongement de ma bouche, une partie intégrante de moi. Emporté par ce goût délectable, je revois sans le vouloir ses yeux marron... ses magnifiques yeux marron qui étaient si expressifs autrefois. Chaque soir je suis hanté par cette image. Chaque jour, je me dis que je l'ai peut-être perdue pour toujours...

— Arrête d'y penser, Tyler.

S'il y a une personne dans ce monde qui me connaît, c'est bien Dan. Mon cousin me connaît sur le bout des doigts... enfin presque. Il n'arrive jamais à anticiper mes réactions, je suis beaucoup trop impulsif. Je suis un feu follet, je bouge dans tous les sens et, comme un volcan, je peux exploser à tout instant. Je suis incontrôlable, les ravages que je cause sont comme le passage de la lave en fusion.

Pris d'une montée d'adrénaline, je me redresse et fais craquer les articulations de mes phalanges tout en toisant mon cousin. Physiquement, la ressemblance n'est pas frappante, s'il a des traits fins, les miens sont plutôt durs. Nos seuls points communs sont nos yeux sombres et nos cheveux bruns. En dehors de ça, tout semble nous opposer. Il est plus vieux que moi de sept ans et, du haut de ses vingt-neuf ans, il est à la tête des Gunners, un club de motards parfois mêlé à des trafics. Dan a un garage qui sert de plateforme à ses petites affaires de troc de pièces détachées, d'armes et de véhicules.

Il m'a pris sous son aile après cette nuit-là, il voulait surtout veiller sur moi, même si cela veut dire que je l'ai constamment sur le dos. C'est exaspérant ! Mais bon, disons qu'il représente le lien de sang le plus indéfectible que j'ai eu dans ma vie. Rapidement, j'ai su faire mes preuves aux yeux des autres membres du club, même si mon impulsivité joue en ma défaveur la plupart du temps. J'arrache la victoire à toutes mes courses de moto. La piste est mon terrain de jeu.