Un dimanche matin

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Il me regardait, je le regardais, nous nous regardions.

Il n'y avais pas d'ambiguïtés dans notre échange, si bien que les paroles ne pouvaient être. Le silence parlait déjà beaucoup. Un souffle, un regard, un haussement de sourcil, un geste doux : une valse qui commence.

Je le regardais, il me regardait, nous nous regardions.

Nous ne nous connaissions pas, ou plus, je ne saurais vous dire. Mais il y avais cette petite étincelle familière nichée dans sa pupille qui me susurrait constamment à l'oreille : « tu es à la maison ».

Je me trouvais à environ un mètre du miroir quand je décidais à écraser mon poing violemment contre cette surface innocemment douce et coupablement tranchante. Une main, en sang, un regard, apeuré, et mon corps qui refusait de bouger.

Ce long échange que j'avais entretenu avec mon reflet semblait avoir remué en moi quelque chose dont je n'avais encore jamais connu ne serait ce que l'ombre, le reflet. Et cette chose, je crois que c'était la vérité.

J'avais vu dans ce miroir, quelqu'un que je ne connaissait pas, mais avec une apparence familière, et nos âmes semblait danser entre elles comme si elle l'avais toujours fait.

Il m'avais semblé pendant un court instant que cette forme inconnue et familière m'avais susurré à l'oreille un mot, un nom, un prénom : « personne ».

Je n'en tenais compte qu'après avoir senti une perle de sang couler le long de mes doigts et qu'après avoir regardé cette même perle s'échouer entre les fibres de cotons que constituait le tapis de la salle de bain.

Un appel, au loin, et mes pensées vagabondes s'enfuirent comme un nid d'oiseaux que l'on a perturbé : c'était manifestement mon réveil, qui venait de me délivrer de ce rêve pour le moins bizarre.

Pourtant, je ne pouvais me détacher de ce regard que mon imagination avait façonné pour moi. Brulant, froid, mystérieux, familier : une pupille pleine de paradoxe et de portes fermées soigneusement à clef.

Tu étais là pourtant, toi, les yeux pourtant fermés, à me supplier dans le creux de mon oreille de me rendormir : parce qu'on est dimanche, et que le dimanche, on ne fait, concrètement, rien.

Et j'était là, à me demander pourquoi je m'obligeais à aller tous les dimanches matins dans cette salle vide et sombre que l'on appelle plus communément le cinéma.

Une danse à deuxWhere stories live. Discover now