Chapitre 3

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— Où tu étais ?

À peine arrivée dans son dortoir, sa partenaire de chambrée Lia Jones sauta sur (T/P), les cheveux en pétard et la tête dans le guidon. Elle avait déambulé dans le couloir comme un zombie avant d'atteindre sa destination. Des taches de flous aveuglaient sa vision, elle avait beau cligner des yeux, elle aggravait la situation. Ses jambes tremblaient à chaque pas. Et elle tentait du mieux possible d'oublier ses courbatures. Elle aurait aimé mettre cet état sur le dos de cette nuit merveilleuse, mais elle ne pouvait ignorer le fait que sa maladie empirait.

— J'ai dû mettre plein de coussins pour faire croire que tu dormais. Je leur ai même fait une scène pour qu'ils ne tirent pas la couverture ! La honte !

Elle s'effondra sur son lit et ferma les yeux pour récupérer deux, trois secondes de sommeil en plus. Un défi quasi impossible à relever quand son ami lui hurlait de bouger ses fesses et de se préparer avant de partir déjeuner. En pensant à la nourriture, elle eut un haut-le-cœur. Elle se sentait incapable d'avaler quoi que ce soit, comme tous les jours. Même quand Erwin lui ordonnait de finir son assiette. Son repas terminait toujours étalé sur l'herbe derrière le bâtiment.

— Je te rejoindrai plus tard, déclara la soldate dans le coaltar.

— Tu ne t'es pas pointée hier et avant-hier. Tu sèches les entraînements. Tu passes tes nuits dehors. Et tu espères qu'on te laisse mener une expédition ? La réunion, c'est cet aprèm.

Elle l'admettait ; elle avait des arguments convaincants. Seulement là, tous ses muscles lui imploraient de ne faire aucun geste. Ses paupières s'alourdissaient lorsqu'elle essayait de garder les yeux ouverts. Et son cœur battait la chamade après cette petite balade entre la chambre de son capitaine et la sienne. La journée allait être éprouvante, pensa-t-elle.

— Très bien. Je te suis dans cinq minutes.

Elle s'aida des barreaux de son lit pour se redresser. Une épreuve difficile qui ne l'enchantait pas pour la suite. Elle posa ses deux pieds au sol et s'appuya dessus, une main sur son dos en compote.

— On dirait une vieille de quatre-vingts balais, sérieux.

— Je t'emmerde, Lia.

Dans son armoire, elle chopa des vêtements de rechange et s'extirpa de la chambre pour s'enfermer dans les cabines des salles d'eau communes. Elle se jeta une bassine réchauffée sur elle et bénit l'effet que ce liquide transparent produisait sur son corps. Si Lia n'avait pas été là pour l'extraire de cette cascade ardente, elle se serait endormie sur place. Et pour la première fois, elle crut qu'elle n'aurait pu ne jamais en revenir. Cette pensée déclencha un stress foudroyant dans son ventre. Deux semaines. Bientôt, elle disparaîtrait et peu de personnes le savaient.

Lia prit l'initiative de remplir le plateau de (T/P) de toute sorte de nourriture pendant que cette dernière grimaçait de dégoût. Elles s'installèrent à une table avec tous les membres de leur escouade et Lia entra dans la conversation comme si elle y avait toujours été. Quant à la soldate, elle triturait sa purée du bout de sa cuillère. Son genou tremblait sous la grande planche en bois et la sueur perlait le long de son dos. Au regard noir de Lia, elle se força à manger une bouchée. Elle l'avala en manquant de la recracher et recommença deux fois de suite jusqu'à ce que son ami détourne son attention sur ses compagnons.

(T/P) lâcha sa cuillère et apporta ses prunelles fatiguées sur l'arrivée de son capitaine en haut des escaliers. Il les descendit en compagnie du major. Un homme chauve, un peu boudiné, mais qui aimait dorloter ses soldats. Elle les observait ; son homme plus que l'autre, et un sourire amoureux courba un bout de ses lèvres. Elle revivait son réveil à son bras. Ses caresses sur son ventre nu. Ses baisers sur son front. Le bonheur irradiait ses traits. Elle espérait pouvoir revivre un tel moment avant la fin.

Ma femme // Erwin X readerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant