Chapitre 1 - Lana

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Mes yeux vont et viennent vers l'horloge en bois. Plus que dix petites minutes, et je termine le travail pour aujourd'hui !

Qui dit fin août, dit inventaire, ce qui signifie que je ne vais pas profiter de cette dernière journée avant de reprendre les cours, et je suis complètement épuisée. Compter des milliers de livres dans une librairie est plus fatiguant qu'il n'y paraît. Mais avec le temps, on s'y fait.

Depuis que je travaille ici, je fais de mon mieux pour moderniser nos outils, mais Catherine, la gérante, insiste pour tout faire manuellement. Elle refuse catégoriquement d'utiliser les nouvelles technologies pour scanner et enregistrer le tout sur ordinateur. Sérieux, qui compte encore à la main de nos jours ? Je soupire en comptabilisant une énième pile de livres, pressée d'en finir. J'aimerais pouvoir respirer et me détendre avant demain. Mais au moins, je suis heureuse de constater que ma vie a changé depuis que je suis arrivée, il y a deux ans, dans l'Ohio.

Avoir une famille qui possède l'une des dix plus grandes firmes en développement sur le marché du logiciel n'est pas quelque chose de facile à vivre. Dans leur monde parfait, j'aurais travaillé pour eux après le lycée... Mais ça ne s'est pas passé ainsi. Quand mon père me l'a proposé, je lui ai clairement expliqué que je ne voulais pas. J'ai besoin d'étudier, d'obtenir mon diplôme en marketing et de pouvoir être fière de moi en gravissant les échelons par mes propres moyens. Le jour où le nom de « Lana Miles » sera affiché sur la porte de mon bureau, ce sera uniquement grâce à la sueur de mon front. J'ai trop longtemps dépendu de ma famille, et ça m'a coûté davantage que je ne le pensais. J'ai dû faire semblant d'être ce que je n'étais pas durant plusieurs années. Tout ça, pour leur plaisir. Mais cette mascarade est terminée.

Tout a changé pour moi.

Je termine l'inventaire sans omettre la moindre pile, en notant le nombre exact de chaque exemplaire, encore et encore. Quand arrive enfin l'heure de m'en aller, je souhaite une bonne soirée à Catherine. Elle attache ses cheveux blonds avant de me dire au revoir et de me remercier pour ce soir. Je profite de la fraîcheur de cette soirée en observant les passants qui profitent sûrement de leur dernier jour de vacances avant la reprise du travail ou des cours.

Lorsque j'arrive à mon appartement, le silence provoque un évident contraste. Et pour cause, ça fait une semaine que ma colocataire, Maria, est partie pour étudier à Princeton, loin de l'Ohio. Je me souviens encore qu'à mon arrivée, elle a gentiment proposé de me faire faire le tour du campus pour m'aider et éviter que je me sente seule. Je la trouvais un peu délirante, parfois même dans l'excès, mais elle est authentique, pétillante, et pleine de vie. Quand elle a postulé pour un master à Princeton, elle n'y croyait pas, mais je l'ai poussé à le faire, en lui disant que si elle ne se bougeait pas, son rêve lui passerait sous le nez. Aujourd'hui, voir ce même rêve devenir réalité me touche autant que si c'était le mien.

— Je suppose que le proprio va faire louer ma chambre et que tu auras bientôt une nouvelle colocataire... avait-elle lancé en baladant son regard sur l'appartement que nous partagions depuis déjà deux ans.

— Sans doute, ai-je répliqué d'une voix teintée de tristesse.

Elle s'était ensuite rapprochée, et m'avait pris le visage entre ses mains en souriant.

— Quoi qu'il arrive par la suite, crois en toi et tu iras loin.

La réussite de Maria me rend fière d'elle, mais je ne peux pas réprimer le sentiment de solitude qui s'installe en regardant autour de moi. Plus de soirée film avec le pop-corn à moitié carbonisé de Maria, plus de pizza le mardi soir, plus de séances ridicules de yoga à chaque fois qu'elle est énervée.

Tout va me manquer. Tout, sans exception. Même lorsqu'elle révisait à voix haute dans le salon.

Une semaine après son départ, le proprio de l'appartement m'a contactée pour m'annoncer qu'une personne voulait visiter l'appartement, et que c'était urgent, sauf que je n'étais pas disponible. Alors nous sommes tombés d'accord pour qu'il puisse faire la visite durant mon absence.

Deal With it - Edité par Collection&HTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang