Chapitre 12

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Samedi 23 Janvier 2015 - 11h54.
Maison des Stilinski.

- Toujours pas.
- Bon ! J'en ai mare !

Stiles se leva d'un bon de sa chaise. Ils avaient passé la matinée ici, à tenter désespérément de ramener à la surface de sa mémoire les cours de son niveau scolaire. Mais chaque fois qu'une réponse semblait lui venir, elle appartenait à une question précédemment travaillée ou n'avait simplement aucun lien avec la matière étudiée. Ils avaient beau faire des pauses régulières -très régulières- rien ne semblait fonctionner. Il n'arrivait pas à se concentrer plus de quelques minutes d'affilées et la moindre distraction l'empêchait de revenir à l'exercice.

- Calme-toi. Tu as bien travaillé.
- Tu te fous de moi, Derek !? Ca fait des heures que tu es là, et j'ai répondu à trois questions d'anglais ! De l'anglais, Derek !

Derek soupira doucement. Il ne savait pas comment rassurer l'adolescent. Lui-même avait toujours eu certaines facilités à l'école et l'esprit brillant de Stiles avait des capacités bien supérieures. Il pouvait aisément comprendre la frustration du garçon quand à ses nouvelles inaptitudes.

- Peut-être que tu devrais demander à Lydia ?
- Pour qu'elle me crie dessus ? Non merci. Je déteste sa voix euh ... aigüe ? Stridente. Oui, stridente.

Derek plissa les yeux une seconde mais ne releva pas la remarque de Stiles. Lydia ne criait jamais. Elle s'agaçait, élevait peut-être un peu la voix mais on ne pouvait pas dire qu'elle criait. Elle était bien trop noble pour se rabaisser à un tel comportement. En revanche, il y avait une chose que Lydia faisait : elle hurlait. Mais ça n'avait aucun lien avec une quelconque vie ordinaire. Que Stiles y fasse référence ne pouvait être qu'un signe de plus que ses souvenirs n'étaient pas bien loin dans son esprit.
L'adolescent tournait en rond dans sa chambre, se passant les mains dans les cheveux avec frénésie, comme s'il pouvait trouver quelque chose en agissant ainsi. Derek l'observa quelques secondes et se sentit bêtement rassuré de le voir s'agiter de la sorte : Stiles n'était pas tout à fait différent, en fin de compte.

- Stiles ...

L'adolescent s'arrêta, posa des yeux furieux dans ceux de Derek et l'instant d'après, se radoucit. Le calme de Derek avait quelque chose de rassurant, d'apaisant. Il était toujours si ... stoïque.

- Allez, enfile un sweat, je t'emmène prendre l'air.

Stiles l'observa en silence et son esprit s'évada sans crier gare.
Il se vit face à ses amis, tous réunis dans un endroit qu'il reconnaissait sans pouvoir le nommer. Il se sentait bien, là, malgré les poutres métalliques et l'évident manque de confort. Scott, Isaac, Lydia ... Tous ses amis étaient là. Scott venait de déposer entre ses mains un cadeau souple et léger. Ils souriaient tous d'impatience et c'était bien la première fois que Stiles ne les voyait pas en train de mourir. Il se vit ouvrir le paquet. Il ressentait une excitation folle à l'idée de découvrir ce qu'il contenait. Le ruban tomba au sol et le papier multicolore ne tarda pas à le rejoindre, laissant entre les doigts de Stiles une boule de tissu rouge sombre qu'il apporta rapidement à son coeur.

- Félicitations, tu es officiellement notre petit chaperon rouge.
- Très drôle, Derek.

Mais il riait, parce qu'il était vraiment heureux de ce présent. C'était décidé, il ne se séparerait plus jamais de son sweat.

- Stiles ? Stiles ?
- Hein ?

Il cligna fortement des paupières alors que les doigts de Derek claquaient devant ses yeux. L'adolescent recula pour permettre à ses yeux de refaire une mise au point, puis il posa sur son armoire un regard intrigué.

- Ca va, Stiles ?
- Oui ...
- Qu'est-ce qu'il y a ?

Derek suivit son regard mais ne comprit pas pourquoi il fixait ainsi le placard. Cherchait-il dans ses souvenirs, où il était sensé trouver un sweat ?

- Tu veux de l'aide ?
- Non.

Stiles s'approcha des portes en bois et les ouvrit lentement, avant de fouiller sans conviction dans la penderie. Il passa les mains sur les manches qui pendaient et caressa les tissus comme s'il les découvrait pour la première fois. Et puis, son regard accrocha celle qu'il cherchait : une manche rouge bordeau, qu'il agrippa entre ses doigts avant de remonter pour attraper le cintre. Il décrocha le pull et tendit le bras devant lui pour mieux le contempler.

- Vous me l'avez offert.

Derek s'approcha vivement, alerté par l'attitude de son humain. Il semblait à cheval entre le monde perdu de son esprit, et la réalité. Le loup ne savait pas comment le ramener complètement dans l'instant présent ni s'il devait le faire ou le laisser fouiller encore les méandres de sa mémoire défaillante.

- Oui, pour tes dix-huit ans. Tu te rappelle ?
- Tu as dit que j'étais votre chaperon rouge.

Derek resta silencieux, cette fois. Devait-il approuver ou démentir ? Ne trahirait-il pas Scott, s'il acquiesçait ? Et si ça faisait remonter de mauvais souvenirs ? Et si Stiles se rappelait et prenait peur ?
Il n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps. Stiles se tourna brusquement vers lui et plongea son regard whisky dans le sien, le clouant sur place.

- Pourquoi tu as dit ça ?
- Parce qu'il ... est ... rouge ?
- Pourquoi tu as dit que tu aurais les yeux bleus, tout à l'heure ?
- Stiles, attends, tu vas trop vite ...
- Je t'ai imaginé. J'ai vu un loup noir aux yeux bleus. Mais les loups n'ont pas les yeux bleus. Alors ça ne pouvait être que ces images bizarres que je vois sans arrêt dans ma tête. Alors je n'ai rien dit. Mais toi, tu as dit que tu aurais les yeux bleus. Pourquoi ? Pourquoi tu as dit ça, Derek !?
- Stiles, s'il te plait ...
- Qu'est-ce que tu me cache ? Qu'est-ce que vous me cachez tous !?

Stiles s'était remis à marcher de long en large dans sa chambre, serrant fortement le sweat dans ses mains. Il essayait de comprendre, de faire des liens qui se refusaient à lui. Derek pouvait entendre les battements de son coeur qui accéléraient la cadence à mesure que la tension du garçon augmentait.

- J'essaie de me souvenir ! Je sais qu'il manque quelque chose ! J'essaie mais ... Il y a ces choses horribles ! Et je ne veux plus voir tout ça et ... Maintenant tu dis ça ! Et vous m'avez offert un pull rouge pour que je sois votre chaperon rouge et ... Pourquoi ... Il y a toutes ces choses atroces que j'entends ! Et ... Je suis ... Je deviens complètement barjo, Derek, je ... Je suis complètement dingue et je ... J'ai peur, je ...

Les sanglots qui le secouèrent brièvement, ramenèrent Derek à la réalité en une fraction de seconde. Il avait laissé l'adolescent arpenter sa chambre comme un lion en cage, libérant sa conscience d'un poids qu'il avait certainement gardé pour lui depuis un bout de temps.
Le loup s'approcha d'un pas et encercla Stiles de ses bras puissants, pour le ramener jusqu'à lui et le serrer contre son torse.

- Calme-toi, Stiles. Tu n'es pas fou, je te le promets.
- Tu n'as pas idée de ce que je vois dans ma tête, Derek ...
- Tu n'es pas fou, Stiles. Fais-moi confiance. Tu n'es pas fou.

Au creux de ses bras, Stiles se sentait mieux. C'était comme si là, contre lui, ses cauchemars ne pouvaient plus l'atteindre. Ou en tout cas, ils ne semblaient plus si effrayants. L'adolescent fixa longtemps le sweat qu'il tenait encore dans sa main droite. Il lui manquait encore quelque chose, mais si Derek disait qu'il n'était pas fou, alors peut-être qu'il ne l'était pas.

[Sterek] Un monde de brumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant