[Sterek] Un monde de brume

Chapitre 13

Samedi 23 Janvier 2015 - 12h40.
Loft de Derek Hale.

Derek immobilisa sa voiture sur une place de parking et coupa le moteur avant de tourner un regard inquisiteur vers l'adolescent qui l'accompagnait. Il aimait le voir ainsi, presque comme avant. Le regard soucieux, l'esprit en ébullition et le pied agité, qui frappait le sol frénétiquement. C'était bien son Stiles.
Stiles avait finalement enfilé son sweat rouge. Peu importe qu'un mystère voile son histoire, l'adolescent savait y tenir plus qu'à n'importe quel autre objet.

- Je connais cet endroit.
- Tu y es venu souvent, ces dernières années. On se réunit ici avec la ... Avec les autres.
- C'est ton loft.

Derek afficha une mine satisfaite avant de défaire sa ceinture pour quitter l'habitacle de sa camaro. Il réajusta son blouson et fit le tour du véhicule pour rejoindre Stiles. Les autres ne devraient plus tarder, maintenant. Mais il avait quelques minutes devant lui pour profiter de son humain, loin de l'indiscrétion de la meute.

Le bruit de la porte coulissant sur ses gonds, ramena Stiles dans ses souvenirs une fraction de seconde. Il connaissait bien cet endroit, oui. Il reconnaissait chaque meuble, chaque mur, chaque poutre. Il s'avança, descendit les quatre marches sans même les regarder, comme s'il l'avait fait la veille. La pièce était spacieuse et une immense baie vitrée perçait un mur pour laisser entrer la lumière. Stiles s'approcha d'une poutre métallique et y posa la main pour en caresser la surface froide.
Derek n'avait pas bougé de l'entrée, il observait l'adolescent qui semblait redécouvrir les lieux ou peut-être chercher les repères qu'il avait eu par le passé.

- C'est ici qu'on a fêté mes dix-huit ans.

Derek acquiesça tout en posant sur Stiles un regard intrigué : il avait laissé sa main sur la poutre de métal et ne semblait pas décidé à l'en retirer.
L'adolescent resta silencieux quelques secondes, puis releva les yeux vers son vis-à-vis avec un léger sourire en coin.

- Je parlais trop.
- Comment ça ?
- Tu n'aimais pas ça, tu essayais toujours de me faire taire.
- Je n'essayais pas de/
- Tu me plaquais contre les murs. Et ici, sur cette poutre.
- Je ...

Stiles ne semblait même pas en colère. Mais Derek était mal à l'aise. La culpabilité le rongeait parce qu'aujourd'hui, les incessants monologues de Stiles lui manquaient affreusement.

- Nous étions souvent en désaccord. Ce n'était pas tant pour te faire taire, que pour t'obliger à abdiquer face à mes idées, en fait.
- Abdiquer ?

Derek haussa machinalement les épaules en descendant les marches pour se rapprocher tranquillement de Stiles.

- En clair, j'essayais de te soumettre.
- De me soumettre ?
- Oui, je ... enfin ... je n'aimais pas que tu me contredise.

Stiles haussa un sourcil provocateur. Le même genre que Derek avait si souvent eu envie de lui faire ravaler.

- Et tu y es arrivé ?
- A te faire taire ?
- A me soumettre.

Derek lui faisait face, désormais. Il posa ses yeux dans ceux de Stiles, pris d'une envie soudaine de l'embrasser alors que jusque là, il était parvenu à faire taire ses sentiments pour l'adolescent.

- Jamais.

Stiles ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit, coupé dans son élan par le grincement de la porte. Le visage de Scott s'illumina en croisant son regard et derrière lui, tous ses amis qui bavardaient gaiement, s'arrêtèrent en l'apercevant.

- Stiles !
- Chaud devant !

Isaac se faufila entre Scott et Kira qui menaient la marche, et traversa le salon pour déposer une pile de pizzas sur le comptoir de la cuisine. Stiles afficha un sourire franc. Il se sentait bien, ici. Il était enfin à sa place et surtout, il était intimement convaincu d'être en sécurité, pour une fois.

- Tu vas bien ?
- Comme les deux cent précédentes fois où tu me l'as demandé, Lydia.
- Ne sois pas arrogant, ça te va mal.

La jeune fille s'installa automatiquement dans l'un des canapés, suivie de près par Maila et Liam qui s'installèrent près d'elle. Kira prit place sur un accoudoir et Scott alla aider Isaac en cuisine. Stiles les aimait, tous. Et il aimait profondément ce moment, alors que chacun agissait exactement comme s'il avait toujours été là avec eux. Il adorait avoir cette impression de faire enfin partie d'un Tout. Il posa un regard sur Derek, dont il sentait les yeux lui percer la nuque depuis quelques secondes. Il lui sourit avec bienveillance et haussa légèrement les épaules, l'air de lui demander ce qui pourrait bien manquer à la scène.

- Va t'asseoir, je vais aider les autres.
- Je peux aider aussi.
- C'est bon, pas besoin d'être quatre.

Stiles haussa un sourcil mais l'air insistant de Derek le convaint d'aller s'asseoir. Et puis, il ne l'avouerait pas, mais il doutait encore de sa capacité à tenir un couteau suffisamment longtemps pour découper autant de pizzas.

Derek contourna le plan de travail pour faire face à Scott et Isaac qui s'affairaient à ouvrir les différents cartons de pizzas. Il avait une vue imprenable sur le salon, et surtout Stiles qu'il n'avait plus envie de quitter des yeux ne serait-ce qu'une seconde.

- Ca va, Derek ?

Scott parlait à voix haute, ce qui ramena Derek à lui. Ce dernier baissa d'un ton pour chuchoter, s'assurant d'un coup d'oeil que Stiles n'écoutait pas. Lydia avait accaparé son attention et Derek la remercia mentalement de le maintenir occupé.

- Il faut que je vous parle.
- De Stiles ? Il y a un problème ?
- Il se souvient.

Scott écarquilla les yeux et tourna discrètement la tête vers le salon pour observer Stiles. Il n'avait pas l'air d'un humain qui aurait des souvenirs de loups-garous en tête. Il semblait bien plus à l'aise et épanoui qu'il n'avait pu l'être durant les mois qui avaient précédé son accident.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je veux dire que ce matin, il m'a dit qu'il m'imaginait en loup noir avec des yeux bleus. Il s'est souvenu de son dix-huitième anniversaire, quand j'ai dit qu'il était notre chaperon rouge. Et il a parlé d'images atroces qui le perturbaient. Je n'ai pas essayé d'en savoir plus là-dessus mais je crois que ça remonte à Noël. Il se souvient, Scott. Il croit qu'il devient fou.

Scott ne répondit pas, perdu dans ses pensées, tandis qu'Isaac avait cessé de faire aller la roulette sur les pizzas. Son regard passait de Derek à Scott avec circonspection, se demandant ce qui allait se passer maintenant. Fallait-il remettre Stiles dans la confidence ?

- Il n'est pas encore totalement remis.
- On n'a pas le choix, Scott. Sa mémoire lui renvoie des scènes qu'il ne comprend pas. Il va vraiment devenir dingue, si on ne lui dit pas que ses cauchemars n'en sont pas.
- Ce serait comme le jeter dans le vide sans parachute et espérer un miracle.
- Si tu veux mon avis, il est déjà dans le vide. Ses souvenirs le perdent. Il ne remontera pas à la surface tant qu'on ne lui aura pas tout expliqué.

Scott soupira profondément en se pinçant l'arrête du nez. Il avait bien imaginé en parler à Stiles, un jour. Mais pas maintenant. Pas si tôt. Il avait espéré préserver son meilleur ami plus longtemps que ça.