Toujours plus

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Le soleil se dépose sur la table citadine qui bronze par-delà la baie vitrée. Quelques taches claires s'aperçoivent sur les coins jaunis en plissant les yeux, comme des cicatrices, et informent de son vielle âge.
Mauvaise langue, le vieux meuble en plastique parvient encore à supporter le corps d'un homme qui lézarde. Ses épaules blanches à nues agressées par les rayons ne disent rien, rougissent un peu, changent de peau. Le propriétaire s'est endormi par mégarde.

Vu de l'intérieur, il semble qu'il fait chaud dehors, ondulation mirageuse sur le bitume. Les nuages fuient la scène, lentement ; le vent a décidé de ne pas sortir aujourd'hui.

Les arbres crèvent, ils s'affaissent, subissent la chaleur depuis ce matin, depuis le début de l'été ; ils n'en peuvent plus, ils ont soif. Le mystérieux propriétaire les nargue alors, s'éveillant, un peu pataud, la main frivole dérobant le verre d'eau à glaçons.
Il ne peut pas s'empêcher de penser que c'est méprisant de sa part, et en même temps le paysage lui plait.

Regarder Izuku être hautain, dans toute sa lassitude royale -je m'en foutiste- lorsqu'il repose dans un fracas le verre vide et c'est là un des spectacles les plus rares à voir de loin.

De quoi incendier un monde, Izuku se tourne doucement, se caresse l'épaule qu'il expose dangereusement à son regard. Il commence un massage, visiblement.
Ah ! Il ne fallait pas s'endormir comme un idiot au Soleil, murmure le loup aux yeux affamés. Il grommelle, si seulement il n'avait pas perdu ses jumelles quelque part...

Puis vint le moment où les yeux se croisent, et Katsuki ferme le rideau de sa chambre brusquement.

Il a encore dépassé la limite de bienséance.
Un peu trop voyeur sur les bords, il le sait. Cette envie irrésistible de le regarder, ne le lâchant pas des yeux, épousant l'intimité de son voisin d'en face.

Quelque chose qu'il s'accapare seul, un précieux moment avec lui-même et le désir de ses rêves.

Intimité volée, il rit.
Il ne vole rien après tout, il touche des yeux seulement. De là à parler d'un viol, quel scandale de sourd ! Comme s'il allait écouter sa mère pour la première fois lorsqu'elle crache des mots préconçues, déjà entendu à la télé, ou de par sa voisine trop bavarde. Du réchauffé irréfléchi, de quoi couper l'appétit.

Le dos heurte le matelas, un peu trop dure, le contact s'estompe dans un bruit étouffé, et Katsuki souffle.
Izuku l'obsède, constamment. Son visage lui apparaît rien qu'en fermant les yeux, tatouage indélébile sur les paupières. Comment une telle graine a pu germer dans son cerveau ? C'est de sa faute, à lui. A sa peau blanche parsemée de tache, irrégulière, on s'attarde à les compter. Les boucles fines, qui s'emmêlent, un semblant de médusa. Exactement, il s'est fait ensorcelé. Les yeux dont la couleur l'interpelle ne le transforme pas en pierre, mais il sait qu'il vaut mieux les éviter.

Et puis, la chose sur laquelle il s'attarde le plus c'est sûrement sa peau, d'un blanc maladif, presque calcaire. Au soleil, elle brille, elle reflète les rayons comme un diamant de collectionneur, cette peau qui recouvre un cou long, des omoplates arrondis, et des hanches à ne savoir où donner de la tête...

Il se touche.

Sans s'en rendre compte, instinctif, le désir s'étend jusqu'à l'inconscient, ça prend trop de place. Izuku prend trop de place dans sa propre tête, ses rêves, ses gestes et ses actions.

Je me suis fait ensorceler. Putain.

Peste t-il encore, rejette-t-il la faute sur son cadeau divin, il l'imagine. Il ne l'imagine même pas nue, seulement face à face, avec une chemise blanche bien trop claire, un sourire en demi lune vivement accroché à ses lèvres. Et puis, dans un brassement léger du vêtement, alors qu'il se tient droit et stoïque à ne plus savoir quoi faire de ses mains, Izuku s'avance, et frôle dangereusement sa bouche de la sienne. Ce contact imaginaire et léger suffit, son ventre et ses mains sont maintenant trempés.

Fait chier.

Il râle, pas que le moment lui a déplu, au contraire. Il se sent pris au piège de quelque chose qu'il ne contrôle pas, et les mouchoirs remplis de toutes cette souillure se jettent dans la poubelle plus loin.

Cette béatitude amère après masturbation le rend un peu aigris. Son corps est satisfait, mais une partie de son cerveau, le droit à l'occurrence celui du rationnel, bouillonne à faire fondre le crâne. Bien sûre qu'il les a vu, les émissions de ces voyeurs, passés sous la caméra, visage flouté, une pancarte invisible avec inscrit "pervers" en gros caractère.

Il n'est pas pervers... c'est Izuku qui est trop... lui ? Merde, il ne sait pas. Il n'a pas les mots ni les explications, culpabilités sournoises, désirs malsains.

Il l'avoue.

Il lui a volé quelques vêtements, seulement parce qu'ils séchaient dehors, en passant, il les a humé d'abord, les a mis dans sa poche ensuite. C'est arrivé 5 fois. Seulement 5 fois !
Et puis, il avoue, il s'est peut-être introduit dans sa chambre, une fois. Son odeur, ses produits, ses secrets... à portée de ses mains râpeuses, la seule fois où il a jugé avoir dépassé une certaine limite sociétale.

Ce n'est pas de la fourberie, Katsuki n'a même pas l'impression d'être conscient quand tout cela arrive, lorsque même en y repensant sa main se glisse dans la table de chevet retirer l'un des vêtements de Medusa.

Son odeur l'envoute sérieusement. Ce n'est pas humain. Il ne peut pas s'en empêcher, que son excitation reprend déjà vigueur.

Katsuki va devenir fou, tandis que le soleil se prélasse encore, et qu'il se sent à moitié satisfait. Besoin de plus.

Et plus il prend, plus il veut. Ça ne suffit jamais.
Une fatalité lorsqu'il se retrouve maintenant dehors, devant la fenêtre de la chambre qu'il a déjà empruntée. Les yeux louchent sur l'embrasure, quelque chose le happe, une incantation inaudible.

Plus.

Son poignet connaît le mécanisme, et l'entrée interdite s'ouvre, le passage récent de sa créature. Il n'est pas là.

Toujours plus.

Véritable chasseur, Katsuki se dissimule, efface les empreintes qui trahiraient son intrusion dans le couvain. Il se fond dans le décor, se cache dans le placard : l'odeur lui pénètre déjà les narines profondément, il se sent frileux.

Puis, le tremblement de pas sourd se perçoit sur la pulpe de la plante des pieds, Katsuki se paralyse, son cœur s'accélère, s'intensifie et s'arrête soudainement. La nymphe a pris possession des lieux, discrètement. Par-delà les stries du placard, sa vision se met au point. Jamais il ne lui a semblé le voir de si près, véritable entité divine.

Les bouclettes sautillent en même temps que son corps, il s'avachit sur son lit et souffle d'aise. Et puis pour la première fois il l'entend parler, articuler quelques phrases banales, c'est à la fois beaucoup et pas assez. Son visage, sûrement trop rouge, inscrit en mémoire la tonalité, presque trop aigüe des quelques mots prononcés par négligence.

Puis la créature se retourne, les jambes fines inconsciente se plis et se deplis avec lassitude, laisse apercevoir les détails dans toutes ses coutures, l'intérieur des cuisses rosées, et ses bras se perdent un peu partout, notamment sur les endroits rougis par le soleil : Izuku fait la grimace.

La vision est plus réelle que chacun de ses rêves, il sent qu'il ne va pas pouvoir se retenir bien longtemps. Le cœur pulse, trop fort jusque dans sa tête. Son souffle a réchauffé la température du placard d'au moins 5 degrés. Il étouffe, il n'en peut plus, ses yeux n'arrivent plus à se détourner.

Ses mains tremblent d'une excitation à le faire sourire, il salive, comme le renard près à bondir sur la proie. Ils sont si proches, qu'il entend les bruits du tissus se froisser, et sa peau... cette peau à portée de main...

Le lobe droit a cédé à l'animal, cliquetis du placard qui s'ouvre, souffle arraché, cri étouffé...

Katsuki veut plus...

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Merci encore à AriaAizawa pour la correction !
En espérant ne pas vous avoir trop choqué, on m'a suggéré d'en faire une suite, j'y réfléchirais !

>Contre_Intuitif< [Reccueil Os_Katsudeku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant