02. BLESSÉ(E)

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Demi-papounet . 2

"Petit, viens voir par ici, viens voir demi-papounet
J'vais t'raconter une belle histoire avant d't'endormir"












Une semaine était passée. Guillaume avait jugé que le mieux à faire était de faire le mort. La politique de l'autruche. C'était la solution. Il n'avait rien vu, ni rien entendu et n'était responsable de rien.

Sa nouvelle vie était marquée principalement par le silence. Il essayait d'instaurer une petite routine de retraités. Ça le faisait rire de se penser retraité, parce que ce n'était pas tout à fait vrai. Il était simplement en retrait d'un système qui avait fini par le lasser, mais pas totalement exclu de celui-ci.

Guillaume se levait le matin, buvait son café, fumait sa clope puis essayait d'écrire. Peu importe le sujet, il s'imposait deux heures d'écritures chaque jour. Il n'en était jamais satisfait, mais c'était agréable de le faire, de se vider la tête. Ensuite, il prenait une douche et généralement vers dix heures, il allait se balader dans les bois.

Ce matin-là, en sortant de sa douche, il s'habilla et alla vérifier sa boîte aux lettres. Sa maison était légèrement en retrait des autres, mais il croisait très souvent ses voisins.

La majorité était des cinquantenaires et des personnes âgées.

En se dirigeant vers la boîte aux lettres, il croisa un voisin qui lui sourit et Guillaume, qui n'était pas habitué, força à son tour un sourire.

Il prit le courrier. Le changement d'adresse n'était pas encore totalement effectif, certains courriers arrivaient à son ancienne adresse et la poste se chargeait pour l'instant de les lui transférer. Il tomba sur cette enveloppe, écrit à la main, ce qui l'intrigua.

De retour à l'intérieur de sa maison, il ne tarda pas à l'ouvrir. Il tomba sur une feuille, arrachée à un cahier avec un petit mot écrit à la main. D'abord une écriture d'enfant et plus bas celui d'une personne adulte.

« Aujourd'hui, à l'école, Marie m'a demandé pourquoi on ne voyait jamais mon papa. Je ne voulais pas avoir l'air bête alors je lui ai dit qu'il travaillait beaucoup. Elle m'a demandé où, puis j'ai dit que je n'avais pas le droit d'en parler. Je crois qu'elle ne m'a pas cru parce qu'elle m'a répondu qu'elle pensait qu'il était mort. Et que ce n'était pas grave, d'avoir un papa mort.

Je crois que moi aussi, j'aurais voulu que tu sois mort papa. Ça aurait été plus simple à expliquer aux autres enfants.

Maman ne parle jamais de toi. Elle dit que ce n'est pas important, mais pour moi, ça l'est. Est-ce qu'on se ressemble papa ? Tu es grand ou petit ? Est-ce que tu aimes dessiner ? Moi, j'adore ça. Je veux devenir dessinatrice. J'aime aussi écrire, c'est trop bien d'inventer des histoires où tu es avec moi, tout le temps.

Je joue aussi du piano et bientôt, je vais commencer la contrebasse. Maman préfère le violon, mais je trouve ça nul. Maman dit que je dois apprendre de nouveaux synonymes pour arrêter de toujours dire « nul » ou « ennuyeux ».

J'en ai trouvé un autre dans le dictionnaire.

Rébarbatif.

Le violon est rébarbatif. Tu es fier de moi ? Je vais apprendre plein de mots et chaque jour, j'en écrirais un nouveau.

J'espère que tu me cherches papa. J'espère que toi aussi, tu t'inquiètes pour moi.

Fais attention à toi mon papa.

C'est la vie [GRINGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant