Chapitre 3

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10h05

Le cri résonne dans la rue vide, sous forme d'écho. Un cri de détresse et de douleur à la fois. Puis plus rien. Le silence. Pesant. Je reste un moment figé par ce que je viens de voir. Cela semble tellement irréaliste que je doute de la réalité de tout ça. C'est vrai, je viens de m'évanouir, je dois à présent avoir des hallucinations, non ? J'espère que c'est bel et bien des hallucinations. Lorsque je sors de ma léthargie de quelque secondes, la peur me tenaille le ventre. Mon pouls s'accélère, j'entends à nouveau battre mon cœur.

Mon premier réflexe consiste tout simplement à fermer cette fenêtre. Mon second réflexe me pousse à prendre mon téléphone en main, et à composer le numéro de la police. Je tombe sur une voix automatique qui me demande de patienter, avec une petite musique au piano en arrière plan. J'attends. J'attends. J'attends encore et encore, plusieurs minutes. La même voix me répète en boucle : « Merci de patienter quelques instant, nous allons transmettre votre appel ». Sauf que ces « quelques instants » s'éternisent. Ce n'est pas si long. Pour les services d'urgence tel que la police ou les pompiers, le délai d'attente est d'en général inférieur à une minutes. En général. Mais si tout cela est bien réel – ce que semble confirmer cet appel – soit les standards d'appel sont surchargés de coup de fil tel que le mien, soit – cette possibilité me fait froid dans le dos – il n'y a plus personne pour répondre. Impossible, me dis-je d'abord. Puis je repense à cette créature. Si les secours étaient encore là, ils s'efforceraient de se battre contre ces choses et de mettre les gens à l'abri. On devrait entendre les sirènes de leurs véhicules et celles de la ville. Mais rien. Il n'y a sans doute plus personne pour nous venir en aide, ou alors pas en nombre suffisant.

Je veux en avoir le cœur net. J'appelle successivement les pompiers, le SAMU, la mairie, l'hôpital, et même à la caserne de l'armée présente dans la ville, et, à chaque fois, je reste plusieurs minutes en attente, en compagnie de la voix préenregistrée, et d'un fonds de musique différent à chaque appel. Cette éventualité est terrifiante. Toujours sur mon téléphone, je prends l'initiative de regarder les réseaux sociaux et Internet à la recherche d'informations. Rien. Internet fonctionne, les réseaux également, mais ils ne s'actualisent plus. Les articles et les publications les plus récentes remontent à la veille. Il s'est vraiment passé quelque chose de grave cette nuit, me dis-je. Ou alors je me fais un délire hallucinatoire sévère. Mais plus le temps passe, plus je penche pour la première hypothèse.

Soudain, je pense à mes proches, une boule se forme dans mon ventre. Leurs est-il arrivé quelque chose ? Je commence à composer le numéro de ma mère. Personne ne répond après cinq appels. Celui de mon père. Personne. La panique commence à me gagner. Je compose alors le numéro de Clémence. Je prie pour qu'elle décroche. Elle ne réponds pas. J'ai peur. Je recompose le numéro.

10h25

Son téléphone sonne. Un premier appel vient de la réveiller. Elle tends la main et attrape son téléphone, à tâtons. Elle l'approche de son oreille et demande, d'une voix matinale :

– Allô ?

Charles lui répond, visiblement soulagé.

– Clémence ! C'est toi ! Je suis si content tu peux pas savoir ! (Il reprend d'un ton plus grave) Il faut que tu m'aide, je crois que je deviens fou c'est horrible.

A ces mots, elle se redresse, et s'assoit sur le bord de son lit :

– Qu'est ce qui se passe Charles ?

– Il... Il y a eu un cri qui m'a réveillé. C'était flippant. J'ai regardé par la fenêtre, et il n'y avait personne, pas de voitures, pas de bruit, rien du tout. Et après... et après je me suis mis à saigner du nez et je suis tombé. J'ai fait un malaise je crois. Après j'ai entendu les cri d'une femme dans la rue et elle était poursuive par une créature, j'avais jamais vu ça, et elle l'a tuée je crois ! J'ai... j'ai voulu appeler les secours mais personne ne répond ! Même mes parents ne répondent pas ! J'ai si peur il faut que tu m'aides je t'en pris, je perd la tête.

Elle reste silencieuses quelques secondes.

– Clémence ?

– Oui, oui je suis là. Mais je ne comprends rien à ton histoire. Tu as fait un malaise ?

– Oui je te l'ai dit. Tu fais quoi là ?

– J'étais en train de dormir.

– Écoute, j'ai vraiment besoin que tu regarde par ta fenêtre s'il te plaît.

– Je vais regarder si tu veux.

Elle se lève. Elle se sent nauséeuse. Elle fait quelques pas, appuie sur un bouton sur le mur, et le volet commence à se lever. Elle est éblouie. Lui, commence à l'impatienter.

– Alors ?!

– Attends un peu le volet s'ouvre.

Elle comprend vite qu'au son de sa voix, quelque chose s'est passé. Elle patiente quelques secondes avant de regarder à l'extérieur, le temps que ses yeux s'habituent. Elle prend également ses lunettes, ne voyant guère sans elles. Elle observe l'extérieur.

– Alors ?! Demande Charles.

– Il... il n'y a personne.

– Comment ça ?

– Il n'y a personne dans la rue. Pas de voiture non plus.

– Est ce que tu entends du bruit.

– Non je ne crois pas. Attends (elle ouvre sa fenêtre) non, il n'y a aucun bruit.

– C'est pareil ici... ça veut dire... qu'il s'est vraiment passé quelque chose.

– Mais de quoi tu parles ? Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de bruit que c'est anormal, Charles.

Avant qu'il n'eut le temps de répondre, elle reprit la parole, paniquée. Une silhouette noire, courant extrêmement vite venait d'apparaître, puis disparu de l'autre côté de la rue.

– Mais c'était quoi ce truc !?

– Qu'est ce qu'il y a ? Qu'est ce que tu as vue ?

– Un... Une bête courir dans la rue !

Elle comprend alors ce que venait de lui dire Charles. Il n'avait pas perdu la tête semble-t-il. Mais qu'est ce qui a bien pu se passer durant cette nuit ?

L'Ere du PrédateurWhere stories live. Discover now