JOUR 1 Chapitre 1

4 0 0
                                    

21/09/An 0

Jour 1

9h12

Un hurlement. Très puissant, à glacer le sang. Ni humain, ni animal. D'où vient-il ?

Je passe en un instant de la position couché à la position assise, les yeux écarquillés. Je suis en sueur. Je regarde autour de moi, terrifié. Il n'y a rien, sinon le noir et les quelques meubles de mon appartement, que je parviens à distinguer grâce au faible rayon de soleil traversant les volets fermés. Mes poils sont dressés, j'ai la chair de poule. Mes mains tremblent. Mes jambes aussi. Mon corps tout entier, à vrai dire. Ai-je rêvé ? Ou ce cris est-il bien réel ? Je ne parviens pas à le dire. En revanche, je peux dire que mon cœur bas si vite que je n'entends que lui dans cette pièce silencieuse. Silencieuse ? Étonnant. Habituellement, je perçois toujours les bruits des voitures, de la circulation, les pas de mes voisins du dessus, mon appartement étant en plein centre ville. Mais ce matin, rien. Rien sauf mon cœur au bord de l'explosion, qui semble cependant ralentir un peu. Je prends une grande inspiration. L'air est tiède, moite, lourd.

Mon cœur se calme enfin, la panique passe. Je me détends. L'espace d'un instant, la tentation est forte de me rendormir. Cela ne doit être qu'un mauvais cauchemar, pensais-je. Mais quelque chose m'interroge : pourquoi aucun bruit ? La municipalité a-t-elle fermée la rue pour des travaux ? Si c'est le cas, j'espère qu'elle sera libérée lundi, car dans le cas contraire, je serais en retard à l'université. Et je n'aime pas ça. Mais si la rue est bloquée par des travaux ne devrais-je pas entendre de bruit ? En tout cas, je dois tout de même vérifier ce qu'il se passe.

Calmement, je bascule sur le côté de mon lit. Je tends le pied et enfile ma paire de Minorquines. Je me lève et me dirige vers la seule et unique fenêtre de mon habitation. Je commence à tourner la manivelle du volet roulant. Les rayons du soleil pénètrent dans la pièce, me poussant à fermer les yeux, habitués à l'obscurité. Les yeux fermés, je continue de tourner la manivelle jusqu'à ce que le volet s'arrête contre le buttoir au dessus de moi. J'ouvre la fenêtre pour changer l'air chaud de la pièce. J'observe la rue. Déserte. Pas une seule voiture en circulation, pas un piéton, pas un vélo. Seulement les deux rangées de véhicules stationnés de chaque côté de la rue, la séparant du trottoir. Ni travaux, ni voitures, ni vélo, ni piétons. Même pas un chat. Ni une souris. Rien. Le silence me pèse. Il y a quelque chose d'anormal. Même si ma rue était barrée – ce qui ne semble pas être le cas – je devrais au moins percevoir les bruits de la ville, les véhicules, les gens qui parlent dans les rues adjacentes. Même le plus petit bruit lointain me rassurerais. Mais je n'entends que le bruit d'une légère brise qui, si elle n'existais pas, me donnerais l'impression que tout s'est figé à l'extérieur. Je détourne le regard de la rue pour me tourner vers mon bureau sur lequel repose mon téléphone. Il y aura peut-être des informations là-dessus, me dis-je. Je fais un pas avant de sentir un picotement dans mes narines ainsi qu'une vive douleur au front. Mes oreilles se mettent à siffler. Je saigne du nez. Ma vision se brouille. Un liquide chaud coule le long de mon cou et de mes joues. Je l'essuie de ma main. En observant cette même main avec le peu de vision qu'il me reste, je distingue une couleur rouge. Du sang. Je saigne. Mon nez, mes oreilles et même mes yeux saignent. Je sens la panique me gagner. Mais que m'arrive-t-il ? Ma tête tourne, j'ai des vertiges. Je m'appuie sur l'angle de mon bureau pour me retenir. La douleur que j'ai au crâne deviens plus forte à chaque seconde. Mes paupières me pèsent, je tombe à terre.

09h57

Mes yeux se rouvrent. Je ne suis pas mort. Ni aveugle. Je gît de tout mon long sur le sol, face contre terre. Je m'appuie sur mes bras pour me relever. Je me sens faible. Les saignements se sont arrêtés mais j'ai toujours une affreuse douleur au crâne. Je parviens à me mettre à genoux. Il y a des tâches de sang sur le sol, dont une ayant pris la forme de mon visage. On peut très clairement discerner l'empreinte de mon nez, de ma joue et d'une partie de mon oreille dans le sang. Je passe ma main sur ma joue et constate que j'en suis couvert. Je décide de me relever. Mais qu'est ce qui se passe aujourd'hui ? Cela commence à faire beaucoup pour la même journée : un réveil en sursaut par un hurlement terrifiant, plus personne ni aucun bruit nul part, et enfin ces saignements et cet évanouissement. Que se passe-t-il ? Il faut absolument que je récupère mon téléphone pour découvrir ce qui ne tourne pas rond.

Je me relève. Mais jambes tremblent puis se stabilisent. Je me sens faible, nauséeux, mais je tiens debout malgré la migraine. Il n'y a toujours aucun bruit. L'atmosphère est sinistre. La peur monte en moi, je ne sais rien de mon état de santé. Suis-je malade ? Je ne l'étais pas les jours précèdent pourtant. Qu'est ce qui peut expliquer tous ces symptômes ? Je ne sais pas, et ce n'est sûrement pas bénin et certainement pas banal.

A peine relevé, un autre hurlement s'élève, identique au précédent, mais bien plus puissant. Plus proche. Il s'agit d'un hurlement très aigu, strident même. Mes cheveux se dressent, mon sang ne fait qu'un tour : je suis à nouveau terrorisé par ce son. Mes jambes ne répondent plus. Je reste debout, immobile, comme fixé au sol. Un cri me sort de ma tétanie. Un cri humain. Un cri de panique, de détresse. Le cri d'une femme. Je me précipite à la fenêtre. Il ne se passe rien les premières secondes. Les cris de cette femme résonnent dans les rues vides, lorsque soudain, elle apparaît. Elle cours de toutes ses forces. Elle doit avoir mon âge, quoique peut être un peu plus vieille. Elle cours sur le trottoir en face de la fenêtre, dans ma rue. Je ne comprends pas bien durant un infime laps de temps. Soudain, je la vois. Une créature. Une bête. Je ne saurais la décrire, sa vitesse est hallucinante. D'un noir profond, cette créature poursuis sur ses quatre pattes la femmes qui tente de lui échapper. La femme courant toujours, tourne dans une rue voisine, je la perds de vue. La créature, rattrapant sa proie, tourne à son tour.

J'entends le grognement de la bête, puis, un ultime cri.

L'Ere du PrédateurWhere stories live. Discover now