Virgulous, l'enfer d'une ravagée de la virgule

19 3 8
                                    

La Confrérie des Littéraires ConfrerieLitteraire propose une nouvelle activité d'écriture sur son serveur Discord pour ce mois de mai. Suite à une discussion animée sur la ponctuation de nos histoires, le thème est venu tout seul.

Selon les mythes et les croyances, il existerait neuf cercles dans les enfers. Plus le cercle est d'un niveau élevé, plus le crime de ceux qui s'y trouvent est « grave » et la sentence qu'ils reçoivent « horrible ». Chacun de ces cercles infernaux est surveillé et géré par un gardien. Alors, s'il n'y avait pas neuf, mais dix cercles ? Et si ce dernier, du niveau le plus élevé de tous, était celui... de... la... PONCTUATION ! Horrible, n'est-ce pas ?

Décrivez ce cercle, celui où ceux considérés comme étant pire que les traîtres les plus sanglants y seraient enfermés. Quels seraient alors les monstrueux démons chargés de cet endroit et de punir les coupables ? Qui serait le gardien de ce cercle ? À vous de nous le dire... Imaginez donc cet affreux endroit, décrivez les étranges créatures qui y vivent et les âmes errantes qui y sont enfermées, sans oublier le gardien, primordial pour éviter les déserteurs ! Ainsi, nous vous laissons l'opportunité de décrire une scène comique ou horrifique et de choisir pour acteurs qui vous souhaitez, le tout en 4 000 signes.

Découvrez ma production...
version longue ici, parce que oui, impossible de m'arrêter à 4000 signes lol

— C'est la virgule de trop ! Umi, vous êtes condamnée à passer le reste de votre existence dans le dixième cercle des enfers

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

— C'est la virgule de trop ! Umi, vous êtes condamnée à passer le reste de votre existence dans le dixième cercle des enfers.

— Mais... Je ne comprends pas... Il fallait mettre une virgule ici et...

— Je ne veux plus rien entendre ! Trop de virgules tuent la virgule, hors de ma vue !

Une trappe s'ouvre sous mes pieds et je chute à une vitesse folle. Je peux à peine apercevoir les paysages abominables qui défilent sous mes yeux. Je traverse les dix cercles de l'enfer ; plus épouvantables les uns que les autres. Même celui de la luxure me semble horrible. La tempête qui s'y déchaîne me malmène.

Je tente de me redresser à la manière des parachutistes, mais avoir la tête en bas et la perte de contrôle de mes membres attise ma frayeur.

Le huitième cercle, celui de la ruse et de la tromperie, me paraît apocalyptique. Ses différentes fosses me donnent un haut-le-cœur. Je ne parviens pas à réprimer mon vomissement, mais seules des virgules sortent de ma bouche. Est-ce cela, mon châtiment ? Je ne pensais pourtant pas à mal en mettant partout ces fichues croches ! Tout ça parce que j'ai demandé à un auteur d'en rajouter pour la énième fois... Fichtre !

Lorsque je passe le dernier cercle, Lucifer en personne me salue, sourire au coin des lèvres. Il se délecte de ma détresse.

Soudain, le choc. J'atterris avec violence dans un océan de ponctuations diverses et variées. Je rassemble mes esprits et me mets à nager entre les points d'interrogations et d'exclamations, ingurgitant au passage des tirets qui me font boire la tasse. Ce n'est que lorsque j'arrive à maintenir la tête hors de tous ces signes que je remarque des points de suspension m'entourer. Ils se mouvent tels des poissons. Plus loin, des points-virgules sautent au-delà de la marée typographique.

Un bruit sourd se fait entendre derrière moi, je panique. Mon visage se tord d'effroi quand je me retourne et découvre le tsunami de virgules qui s'approche. Je vais finir noyée par mon pire cauchemar si je ne me sors pas rapidement de là...

Je mets toutes mes forces pour me sortir de cette situation, mais la vague gigantesque finit par m'emporter. C'est le trou noir quand je reprends connaissance. Je suis toujours coincée dans ce même cauchemar et à la fois étonnée d'être toujours en vie. Ce qui est, somme toute, prévisible, puisque j'ai reçu, à priori, la damnation ultime pour avoir conduit tout le monde vers la folie avec mes corrections de ponctuation.

Allongée sur le dos, à même une surface que je n'ose encore contempler, je fixe le ciel nuageux. Des barres obliques, collées deux par deux, volent en groupe. On dirait aussi qu'il va pleuvoir...

Je redresse le buste afin de m'asseoir et plonge les mains dans ce qui ressemble à du sable. En y regardant de plus près, je me trouve sur une plage de points. Le cœur battant la chamade dans ma poitrine, je suis envahie par l'horreur. Je laisse mon regard glisser vers le large et aperçois quelque chose se déplacer dans ma direction. Une silhouette se trouve dans une parenthèse transformée en embarcation. La forme se tient debout et rame avec des tirets cadratin. Lorsqu'elle atteint le rivage, des crochets me tombent sur la tête.

— Aïe ! Mais ça fait mal !

Des virgules ne cessent de s'extirper de ma bouche dès qu'un son sort de ma gorge, ce qui devient très enquiquinant.

— À quoi t'attendais-tu, vile casse-pieds ravagée de la virgule ?

La voix qui s'adresse à moi possède un timbre grave, presque suave. Intriguée, je loge une main au-dessus de mes sourcils pour mieux observer le nouvel arrivant qui vient de s'échouer sur les points. Son corps, fin comme un trait vertical, est couvert d'une longue cape noire. Il se déplace en survolant les grains et se retrouve rapidement face à moi. Sa tête ronde ne me lâche pas des yeux. Je frissonne sous son œillade ponctuée tels des traits d'union et me lève. Je le découvre plus grand que moi. J'ouvre la bouche pour rétorquer, néanmoins, une nouvelle virgule en sort et me cloue le bec. Je décide de me taire, c'est préférable.

— Suis-moi, je vais te guider vers ton dernier lieu de mort.

Charmant.

J'apprécie que les hommes me donnent des ordres quand nous sommes en tête-à-tête. Malgré le son de sa voix agréable à mon oreille, je pense bien ne pas avoir droit au traitement que j'aimerais. Je m'apprête à lui emboîter le pas, toutefois, un tourbillon de guillemets nous transporte.

Je m'effondre dans une pièce insalubre. Seule une meurtrière laisse passer une faible lumière. L'odeur qui y règne possède de multiples nuances nauséabondes, un mélange d'égout et de viande avariée. Je ne peux empêcher mon relent et les quelques virgules que je régurgite. Des plaintes lugubres résonnent, je ne suis pas la seule à être piégée ici. J'en ai froid dans le dos.

Sur les murs, j'avise des griffures de toutes formes : des traits bien droits qui, au fur et à mesure, deviennent moins nets, comme si les précédents occupants perdaient leur force ; des points qui s'estompent ; des virgules dans tous les sens. Des traces de sang stagnent près de tout cet amas de ponctuations. À l'exception d'un bureau, l'endroit demeure vide.

À mes côtés, mon bourreau se tient droit et apostrophe la sentence :

— Ta peine sera de réécrire des textes en supprimant toutes les virgules. Au moindre oubli une fois le travail fini, tu recevras mille coups du fouet-tiret. Prends place et... puisses-tu en baver autant que ceux que tu as accablés avec tes ajouts intempestifs de virgules.

Les larmes montent et me brûlent les yeux. Je souffre plus que de raison, comme si l'enfer venait d'emménager en moi. J'essuie ma paupière et découvre une virgule qui se tortille de douleur sur mon doigt.

Ponctueusement vôtre...

Lε ოօղძε ძε մოἶOù les histoires vivent. Découvrez maintenant