Chapitre 2 : La filature

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Palawan, 6 mois après le dénouement du braquage de la fabrique de la Monnaie et du Timbre. Sergio, allongé sur un lit, reprenait lentement ses esprits. Dans la sorte de chambre où il se trouvait, la lumière était tamisée et, alors que sa vision était encore floue, il distingua au fond de la pièce la silhouette d'une femme en train de ranger des flacons et des seringues sur un chariot :

S* Raquel... C'est toi ?! Non, ce n'est pas elle... Cette femme est brune... Je ne la connais pas, je ne connais pas non plus cet endroit... Qu'est-ce que je fais là, et pourquoi je suis en caleçon...?*

L'esprit embué, Sergio rassembla toutes ses forces et sa concentration pour ouvrir la bouche :

S - Où...Où suis-je ? articula-t-il difficilement.

- Mr Marquina, vous êtes réveillé ! S'exclama la femme et se tournant vers lui. Restez calme, je vais chercher le médecin, dit-elle avant de disparaître dans le couloir.

Sergio referma les yeux, sa tête le faisait terriblement souffrir mais il fallait qu'il réfléchisse :

S* Elle connaît mon nom, elle sait qui je suis... Est-ce Interpole qui m'ont trouvé ? Ils ont dû me droguer, je ne me souviens plus de rien... Non, quelque chose ne va pas, je ne suis pas attaché...*

Soudain, un homme en blouse blanche fit irruption dans la pièce, suivi de la dame de tout à l'heure.

- Mr Marquina, je suis content de vous voir réveillé ! S'exclama-t-il.

Méfiant et toujours dans les vapes, Sergio se contenta de le fixer sans rien dire, ne sachant pas si ces personnes constituaient ou non une menace.

- N'ayez pas peur, tout va bien, c'est normal que vous soyez un peu désorienté, reprit le soi-disant médecin. Vous êtes chez moi, c'est vous qui êtes venu, vous vous souvenez ?

Cette fois, c'était la confusion qui prédominait dans l'esprit du Professeur. Pourquoi était-il venu ici de son plein gré, alors qu'il était toujours caché dans la forêt le temps que les choses se tassent ? Ça n'avait pas de sens.

- Je vous ai trouvé sur le pas de ma porte, avec une vilaine infection à la jambe, j'ai bien cru que j'allais devoir l'amputer d'ailleurs ! Vous étiez dans un piteux état. Mais finalement, tout est rentré dans l'ordre.

- Le serpent... Oui, ça me revient maintenant, murmura Sergio en regardant le bandage qu'il avait à la jambe gauche.

Il se remémorait la scène qui avait eu lieu... quand avait-elle eu lieu d'ailleurs ? Il ne savait pas combien de temps il avait dormi. Ce qu'il savait, en revanche, c'est que c'était bien une vipère de Wagler qui l'avait mordue ce jour-là. Il vivait depuis des mois dans sa cabane dans la jungle des Philippines, en attendant que les autorités se lassent de le trouver. Seul, désormais sans plus aucune famille, il ressassait ses remords. Andrés, Moscou, Oslo : ces noms résonnaient encore et encore dans sa tête, ces noms de personnes disparues, en partie par sa faute, qu'il ne pouvait oublier. Et Raquel, la femme qu'il aimait et qu'il ne reverrait probablement jamais. Il était aux Philippines, après avoir réussi le braquage de sa vie comme il l'avait toujours rêvé. Seulement, il avait aussi rêvé d'y vivre avec son frère, et pendant un instant, assez court certes à l'échelle de sa vie mais plus puissant que tout ce qu'il avait pu vivre, il avait rêvé d'y vivre avec la femme qu'il aimait. Ce qu'il était pathétique : lui qui avait toujours dénigré l'amour, il en payait le prix aujourd'hui en réalisant que jamais plus il ne ressentirait ce qu'il avait ressenti en présence de cette femme. Pour ne pas sombrer à cause de la culpabilité qui le rongeait et du mal d'amour qui ne le quittait pas, il s'était réfugié dans ce qu'il savait faire de mieux : préparer un braquage. Il avait dépoussiéré ce vieux plan de son frère, s'y consacrant corps et âmes pour faire le deuil d'Andrés mais aussi pour s'en sortir, pour retrouver un but dans sa vie. Négligeant son apparence, se nourrissant de boîtes de conserve, il n'avait pas été dans les conditions optimales d'attention requises lorsqu'on vit dans la forêt lorsqu'un jour, en sortant pour aller chercher de l'eau, un serpent jaune et noir avait jailli des fourrés pour mordre son mollet. Il avait d'abord été soulagé que ce ne soit qu'une vipère (dont le venin était puissant, mais pas au point de tuer un homme) mais il avait vite déchanté quand la blessure s'était infectée. Son état s'était aggravé et, à bout de forces, dans un ultime instinct de survie, il s'était rendu dans la ville la plus proche, là où il avait cru repérer une sorte de cabinet médical officieux. Le reste demeurait un trou noir.

Ne t'en va pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant