- On va le surmonter ce blizzard, t'en fais pas.
Je ne comprends pas ce qu'elle me dit, mais ses mots résonnent en moi comme un soulagement. Comme une épine qu'on me retire du pied. Jai envie de serrer son petit corps contre moi. Jaimerais tellement qu'elle me pardonne, qu'elle oublie ces derniers jours et qu'on revienne à ce fameux cours, lorsque c'était elle qui pleurait.
Je suis plus fort que ça, je ne devrais pas pleurer, et encore moins devant elle. Mais je suis rongé, est ce si difficile à comprendre ?
Elle ne semble pas me juger, elle. Elle ne dit rien d'autre cependant. Elle attrape mes larmes à la volée, comme un jeu, aucune ne doit lui échapper. Elle paraît très concentrée. J'aimerais lui dire la vérité, peut être que ca me soulagerait. Mais jai peur de sa réaction, je ne suis pas prêt à franchir ce cap. Avec quiconque.
Je ne sais pas trop ce qui m'a prit de venir la rejoindre, surtout dans l'état actuel dans lequel je me trouve. Mais en meme temps, ca me fait beaucoup de bien. Je l ai vu pleuré, maintenant c'est à elle, on est quitte.
Ca n arrivera plus.
Lorsque j'étais petit, j'avais une grande soeur. Elle était belle, et intelligente. En fait, je dirai même qu'elle était parfaite, en tous cas à mes yeux. Ca lui arrivait d'être pénible mais c'était surtout ma faute.
Un jour, elle s est tranchée les veines, et je n ai jamais compris pourquoi. Je lui en veux, et en même temps, je m en veux à moi aussi. Elle avait pas à faire ça! Et puis moi, j'étais pas là. J'aurais pu l aider, enfin peut être.
Elle m a abandonné. Depuis, jaime pas les filles, elles t abandonnent toujours. Même lorsqu'elles sont mères...
J'aime pas non plus voir les gens pleurer, sauf quand ils le méritent.Jaime pas que Malene ait pleuré l autre jour, car ma soeur, elle pleurait aussi en cours. Et je sais comment ça finit.
Malene, c est pas ma soeur, mais c est une fille. Et les filles, c est nul. Mais je l aime bien, jai pas envie qu'elle pleure. Alors je me dis que si je pleure aussi, elle se sentira moins seule. Jaime pas pleurer, mais parfois ca coule tout seul, je sais pas pourquoi.
Et c'est là que je l'ai senti se rapprocher, que jai vu son visage proche du mien. Elle me fixe, comme si elle essayait de lire mes souvenirs. Regarde bien, tu les verras couler sur mes joues...
A cet instant, jai envie de l'embrasser, de faire des trucs sales pour oublier. Mais je veux pas l'utiliser.
Alors, à contre coeur, je m'écarte. Elle essaye de me suivre, mais je la stoppe avec ma main. Je vois tout flou. Elle le prendra surement mal, mais je préfère que notre relation ne dégénère pas. Elle ne mérite pas ça.
Mais elle mérite que je l'aide. Et lui montrer mes larmes aujourd'hui, est pour une façon de le faire, de lui dire « regarde, t'es pas seule ». Coucher avec elle ne serait pas l'aider.
Alors jamais je ne la toucherai.
Ces pensées me blessent, pour une raison que j'ignore encore.
Je n'ai pas envie de partir, mais il le faut. Je ne dois pas lui faire espérer des choses qui n'arriveront jamais, pour son bien.
Alors, tout en me détournant d'elle, j'annonce :- Ca va aller.
J'essuie du revers de la main ce qui me reste de larmes, et je pars sans me retourner.
Chacun de mes pas est lourd, mais je continue quand même. Je ne dois pas la blesser, elle est peut être, ce qui me connecte encore un peu à ma soeur. Ça peut paraître absurde, mais je vois en elle, en ces larmes, celles qui roulaient sur ses joues autrefois.Et je crois qu'en cet instant, tout ce dont j'ai besoin, c'est de son amour fraternel. Et je sais que peut-être, tant que je vivrai, il ne sera pas mort. Mais je sais aussi que sans elle, il sera à jamais différent.
***
Quand je rentre à la maison, personne ne me salut, ma présence est elle si habituelle que je ne mérite pas un "bonjour"?
Peu importe, je tente de l'ignorer, et je monte dans ma chambre. Une fois sur le lit, je contemple le plafond. Il est un peu sale, mais pas affreux non plus. Il y a quelques toiles d araignées dans les coins.
Mes pensées dansent, s'entremêlent, et s'éloignent, au rythme de la musique que je fredonne du bout des lèvres.
Mais tout revient sur elle.J'ai l'impression qu'en l'aidant, c'est comme si je lui donnais ce que ma soeur aurait voulu qui l'on apporte au moment où... je secoue la tête, je ne veux pas revivre cet instant. Mais c'est comme si l'aider, me reconnectait à elle, l'espace d'un instant. Peut être est ce, ce qu'elle aurait voulu que je fasse. Si c'est le cas, alors je jure devant dieu que je donnerai tout pour sauver Malene. Quoi qu'il m'en coûte.
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Un jeu, Une fille
RomanceMalene vit seule, trop seule. Elle a son quotidien, bien rythmé et organisé par l'université. Jules s'ennuie, cet ennuie l'empoisonne, lui fait remonter trop de mauvais souvenirs. Alors il cherche, désespérément, un moyen de se divertir. Mais la so...