Chapitre 1 -Partie 2

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Je n'avais pas vu passer la semaine, ni même la suivante. Entre les cours, la préparation aux partiels, et mon jeu mobile, le temps m'avait manqué. Même Noah, qui était pourtant en prépa d'ingénieur, semblait avoir plus de temps que moi. J'avais néanmoins pu rencontrer Juliette, et elle m'avait promis de m'envoyer sans faute ce soir les premiers concepts art pour mon application. Elle avait jusqu'à minuit pour le faire, et j'espérais qu'en rentrant, je les aurais déjà sur ma boite mail pour, peut-être, m'y pencher sans attendre.

J'appréciais la ponctualité, surtout dans un projet commun. Je n'aimais pas dépendre des autres. Les travaux de groupe n'étaient pas mon fort. Mon manque de sociabilité n'était pas la seule cause. Les piques assiettes étaient fréquents, et c'était bien ce qui m'excédait. Pour mon application, je n'avais pas le choix : je n'avais rien d'un artiste. Je maîtrisais mieux le langage binaire et Python* que l'art des ombres et lumières sur une feuille de papier. Donnez-moi un clavier, même une calculatrice, et j'étais capable de créer un programme à partir de rien. Mais mettez-moi devant une feuille et un crayon, au mieux, j'étais capable de sortir un bonhomme bâton.

Si l'art m'était abstrait, il était nécessaire pour mon projet. Et mon projet était plus important que mes soucis sociaux. J'allais d'ailleurs les mettre aux placards pour une virée au centre commercial. J'avais fini par convaincre Noah – même si je n'avais pas besoin de son aval – de m'accompagner spécifiquement aujourd'hui pour ça. Pour cause, c'était lui qui avait le permis. Je me contentais des transports pour ma part. De toute façon, la fac était bien desservit et j'avais un petit appartement pas loin à pied. D'autant plus qu'avec les chaussures que j'allais porter ce soir, conduire n'était pas dans mes plans.

Je réajustai une dernière fois mes cheveux – ceux de la perruque que je portai –, vérifiai si mon rouge à lèvres couleur pêche était bien mis, défroissai une énième fois mon chemisier tout en replaçant la bretelle de mon soutien-gorge. Un regard d'ensemble dans la glace et je me trouvai...

— Tu crois pas que tu en fais trop ?

Parfaite.

— Non. Anna a toujours été comme ça, dis-je en me penchant encore sur le miroir pour analyser mes lentilles de contact.

Si je cachais mes cheveux sous une perruque, trichant sur leur couleur et leur longueur, ce n'était pas le cas avec mes yeux. Quand je me glissai dans la peau d'Annabelle, que je me maquillais pour rendre mon teint comme de la porcelaine, que je coiffais l'une de mes perruques – ici la rose –, je les trouvai bien plus beaux que d'ordinaire. Ce bleu qui faisait tache sur mon visage de geek premier de la classe n'avait rien à voir quand il était frangé de cils de biche et accompagné d'un blush rosé. Il était cristallin, comme dévoilé par les vêtements clairs que je ne portais qu'en fille, embellit par ce visage qui n'était plus tout à fait le mien, révélé par la personnalité même d'Anna.

Ce n'était pas le même bleu que celui que je portais quand j'allais en cours. Celui-ci me plaisait bien plus. Je me plaisais comme ça. Je me trouvais belle. J'avais confiance. Bien plus d'assurance que je n'en avais jamais.

Ça me faisait du bien ; de m'apprécier, de me sentir forte, prête à tout pour vivre tout ce que je voulais et qu'Adam n'assumait pas.

J'étais maintenant Annabelle.

— Bon, princesse, t'es prête ?

— Oui.

Je me détournai du miroir et attrapai mon manteau blanc, mes bottines et mon sac à main. Nous descendîmes les escaliers de mon immeuble et je montai côté passager dans le vieux coucou de Noah. Malgré l'âge de cette voiture, il en prenait grand soin, à croire qu'il avait une Ferrari dans les mains. C'était loin d'être le cas. Si cette mamie pouvait dépasser les 115km/h, c'était un miracle, mais alors tout tremblait à l'intérieur.

Par-Delà les ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant