Chapitre 1. Mes ailes arrachées.

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PDV Maria Rosa

- Vamos Maria despierta !

Lorsque ma mère tire les rideaux translucides qui ornent ma fenêtre, l'aube dont les vapeurs limpides obstruent la propagation des premières lueurs du soleil devient apparente. Ainsi, quand ma chambre enténébrée s'illumine progressivement, la faible chaleur de cet astre réputé caresse ma peau de son voile sensuel et enflamme mes rétines jusqu'à que l'obscurité derrière mes paupières se soustrait à une teinte crépusculaire. Je m'entends alors pousser un grognement animal tandis que sa voix perçante m'arrache au paradis illusoire de mes rêves enfouis.

Ma liberté.

- Mamá, todavía es temprano ! (Maman, il est encore tôt !) Laisse-moi dormir un peu.

Depuis un temps, l'hiver qui pointe le bout de son nez à balayé le chant des oiseaux qui m'éveillait. Leur doux piaillement n'est qu'un lointain souvenir évincé par le timbre stridulant de ma mère. La tête dans un brouillard de somnolence, je me réfugie alors sous ma couette et m'enveloppe de mes draps tiédis par la fine pellicule de sueur froide qui longe la cambrure de mon dos. D'un geste agacé, j'écarte les mèches échevelées qui me collent à l'épiderme et pianote sur mes bras constellés de chair, avide de les échauffer.

Je crains le pire.

Car je sais ce qui m'attend.

Son absence de réponse anime mes joues d'une teinte vermillon à mesure que les secondes coulent mais je ne peux la percevoir, son visage est englobé d'une lumière aveuglante presque céleste qui égratigne mes prunelles déjà endolories. Elle ressemble à un ange excepté qu'elle est - très, très - loin d'en être un. Elle est plutôt le genre à avoir des cornes rouges sanglantes et une petite queue fourchue.

- Ne me dis pas que tu as oublié Maria Rosa ! Aujourd'hui, c'est le grand jour, tu vas te marier mi querida.

Et voilà, c'est dit. Simple comme bonjour !

Les mots d'amertume que je redoute tant s'échappe finalement de ses lèvres crispées. Mon cœur se voit louper un battement et l'émotion qui l'accompagne est douloureuse – dévastatrice. Une douleur dont l'empreinte ne s'effacerait peut-être jamais. Une douleur dont elle est toujours la main. Elle se répand dans ma poitrine comme de l'encre sur du papier tandis qu'un arrière-gout cendré se distille au fond de ma gorge.

Il lui suffit d'une étincelle pour incendier mon âme tout entière.

Et elle en est consciente.

Malgré la bienveillance étonnante dans sa voix - presque un miel empoisonné - mon esprit clair discerne le venin dans son intonation douce, légèrement cambrée, que j'assimile à de la hâte, à l'impatience même de baigner dans des richesses abondantes. Elle escompte que je lui sourisse en retour. Que je baisse ma garde, que j'égare méfiance et me délie de toute prudence... pour que finalement elle fasse de moi ce que bon lui semble. En m'abandonnant au cruel sort qui m'attend.

Comment peut-elle agir de la sorte ?

Comment peut-elle me faire ça ?

MARIA ROSAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant