Chapitre 11. Rançon.

58 5 11
                                    

PDV Adriánn

Cligner des yeux. Respirer à fond. Remettre mon masque de façade. Et faire finalement de ce mensonge, une réalité...

D'aussi loin que je m'en souvienne, je me suis toujours sentis comme un être regorgeant de puissance mais jamais de défaillances. Cependant, cette impression s'en trouve contrariée dès lors que je me confronte à un seul homme sur cette foutue planète : Jorje Garcia – autrement dit le plus impitoyable de toute l'humanité. Il est ce qu'on appelle l'exception à la règle. L'exception qui me confirme que je ne suis rien, que je n'ai rien et que tout ce que j'ai pu obtenir un jour, je le lui dois à lui.

Ce n'est pas tant à cause de mon cœur, que je peux difficilement soignée, que d'un intense sentiment de solitude comblée par l'omniprésence malsaine de mon oncle. Et à l'instar d'une assiette brisée, mon palpant est en miettes depuis longtemps. En effet, j'aurais beau en récolter les morceaux, il ne sera plus aussi somptueux qu'avant. Et déformé à tout jamais qui plus est.

C'est pourquoi, face à lui, je voue à appliquer ces quelques commandements à la lettre. Je me souhaite délivrer de cette emprise qu'il exerce comme une menace à l'entour de mon cou.

Mais à quoi bon, me direz-vous. Un serpent aura beau se débarrasser de sa peau un millier de fois, il demeurera toujours un serpent. Comme moi. Comme le démon que j'ai toujours été. Voilà ma destinée, celle que j'ai embrasé, celle écrite pour moi.

-         Tu m'écoutes, garçon ?

Encore et toujours, ce surnom ridicule...

Oncle Jorje est la cause de tous mes malheurs. De sa paume, j'ai été façonné. Par ses doigts, j'ai été manipulé. Désormais, je suis la plus redoutable des machines à tuer. À l'instar d'une arme humaine ou d'un fusil de chasse, je n'existe que pour traquer mes ennemies comme du vulgaire bétail. Et il n'y a rien sur terre qui puisse entraver mes actes.

Montre au poignet, le petit doigt levé dans une vaine tentative de me commander et lunettes abaissées en bas de l'arête du nez, tio Jorje a des yeux aussi vicelards que ceux qui déguisent leurs fautes sous un certain dehors d'honnêteté. À travers l'épais voile de brume devant ses iris pâles à l'instar d'une fleur de lys, surmontées d'épais sourcils arqués de désapprobation, il me dévisage d'un regard aussi sombre qu'un dahlia noir.

Je me vêts de ma couverture pleine de faux-semblant, un air blasé s'abat à l'intérieur de mes prunelles et s'étend jusqu'à mes commissures.

-         Tu disais ? lui répliqué-je, entièrement détaché.

Mon oncle parait affligé par ma réponse impudente. Il s'applique à desceller les lèvres pour répliquer quelque chose mais s'abstient, ébauchant un sourire obscène à la place.

-         Sale petit vaurien...

La couleur métallique de ses iris semblable à un ciel orageux s'échoue sur ma prisonnière qu'il dévisage soigneusement. Aussi abattue qu'un damné aux peines de l'enfer, elle se triture les mains dans l'espoir ultime de se libérer de ses entraves. Le désespoir se lit dans ses prunelles qui incarnent celles d'un martyr. Les mêmes qui m'implorent silencieusement de la délivrer. Les mêmes qui s'accrochent fermement aux miennes, comme si j'étais une sorte de bouée de sauvetage dans cet océan tumultueux de perdition. Audace ou bêtise ? Je l'ignore. Après tout, c'est en grande partie par ma faute qu'elle se retrouve prise au piège parmi les requins.

Ô Rose luxueuse.

Pleure...

Pleure...

MARIA ROSAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant