Chapitre 12. Highway to hell.

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PDV Maria Rosa

L'averse battante contre la vitre.

La lumière du Seigneur.

Et enfin, le ciel argenté défilant à toute vitesse.

C'est ce que mes paupières perçoivent dès leurs premiers battements. Les lèvres obstruées par un mouchoir en fine dentelle noire, les seins écrasées à l'encontre du cuir moelleux de la banquette arrière et le rein incrusté dans la boucle de ceinture, je peine à souffler. Dans ma poitrine, mon cœur galope en quête de liberté à l'instar d'un pégase chevauchant vents et marrées. Une fervente douleur comme la trainée d'une lave incandescente coule mes veines, de mes épaules jusqu'au bout de mes jointures. Là, juste au-dessus de mes fesses où mes mains sont les captives d'une corde aussi épaisse que résistante.

Durant une seconde, à peine une pulsation, j'ai une vague sensation de déjà-vu. À l'instar d'une fugitive qu'on monte à l'échafaud, je sens la mort m'épier de son œil morne et accablé, tant j'en effleure la lisière. Tel est mon destin, le Créateur m'a fait tirer la mauvaise carte, celle de la servitude. La liberté n'est qu'un sursis pour moi. Et le trépas en est la fatalité. Suis-je vouée à en subir les conséquences pour le restant de mes jours ? La réponse est oui. Maudite destinée !

Doucement, mes pensées s'estompent et la réalité se mélange à la souffrance. À chaque à-coup, mon corps menace de chuter dans le cosmos d'un univers sombre dépourvu d'étincelle, où règne solitude et désarroi. Est-ce la soif qui me fait délirer ? Peut-être que oui finalement. Je n'ai pas avalé un grain, me semble-t-il. Alors, les séquelles en sont d'autant plus épatantes.

- Mmhhh... Mmhh... tenté-je d'articuler, malgré l'amas de tissu sur la langue.

La berline serpente sur une route tantôt granuleuse, tantôt déprimante déclinant sur un paysage alpestre, à la chaine de montagne majestueuse. À travers le mouvement cadencé des essuie-glaces qui frappent l'eau de chaque côté du pare-brise courbé, j'aperçois l'éther brodé de grosses nuées à l'instar d'une ombre planant sur le bas monde. Impitoyable Horloger, est-ce-toi ? Essaye-tu de me faire signe ?

Bientôt, la terre sèche se mouille. N'est perceptible, que le tambourinement de la pluie, mon oraison funèbre. Et celui de mes pieds, aussi nus que le jour de ma naissance, contre la portière froide.

- Mmhh ! Mmhh ! Chh ! Mmh ! m'agacé-je.

Dé-ta-chez-moi !

Dans l'habitacle isolé, un parfum s'élève. Des notes boisées très agréables, comme un soupçon de ma maison d'enfance, là où je demeurais avec mes parents avant que l'un d'eux ne devienne qu'un malheureux souvenir. Ces aromes sont étroitement mêlés à quelques senteurs mentholées, l'ensemble réhaussé d'un brin de nicotine. Et pour cause, mon chauffeur qui n'est autre qu'Adriànn Castillo tire sur sa cigarette presque comme un forcené, puis en recrache la fumée par la vitre à demi ouverte. Son passager, quant à lui, mache bruyamment ce que je présume être un chewing-gum à la menthe, d'où les senteurs fraiches qui arpentent l'atmosphère.

- On dirait bien que tache de rousseur se réveille.

C'est de moi dont il parle ?

Un large sourire à la dentition aussi laiteuse qu'aveuglante cerne mon champ de vision, comme ceux qu'on voit sur nos écrans. Le genre de sourire hyper « bright » et « white » tant prisé par nos stars de télénovas mexicaines. Mes sourcils se joignent instantanément. Je méconnais son nom. Pourtant, il est vrai que je ne l'affectionne guère. C'est celui qui par pure provocation m'a accusé de n'être, je cite : « qu'un sac à problèmes à trimballer partout ». Étant donné que je suis là contre ma volonté, il est évident que je me sois senti offusqué. Ce a quoi je me suis empressé gentiment de répondre, c'est-à-dire par un crachat dégoulinant qui a maladroitement atterris en plein milieu de son front. Je crois que depuis, il ne me porte pas spécialement dans son cœur. Tant pis ! On ne peut pas être apprécier par l'univers. Et la vérité est que je m'en passerais bien moi, de sa fichue présence !

MARIA ROSAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant