Prologue

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Ce jour n'était pas prévu. Il n'aurait d'ailleurs pas dû se produire. Il avait mis en péril le bien de Gotham, l'efficacité de la sécurité que l'ombre promettait depuis que le Batman faisait justice dans les rues de la ville. Mais qui peut prévoir une telle chose ? Personne. Pas même le grand Bruce Wayne et sa fortune colossale.

Octobre 2004, 23:48

- Tout va bien Alfred, je vous assure que la route est bonne malgré la pluie, assura une voix grave et pleine d'assurance.

- Je vous demande d'être attentif quand même monsieur. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose de fâcheux.

- Pas d'inquiétude. Je serai là dans une heure.

Le téléphone se boucla sur ces mots. Au volant de sa McLaren, Bruce rentrait d'un meeting au nord de New-York.
Depuis quelques années, il se réinvestissait dans Wayne Industries. Il devait faire fructifier l'héritage familial, encore plus s'il souhaitait garder des fonds pour financer ses loisirs nocturnes, si on pouvait appeler cela ainsi.

Un violent et pluvieux orage avait décidé de l'accompagner, et des vents violents ainsi qu'une pluie torrentielle rendaient la route difficilement praticable. Mais, malgré sa double identité qu'on pourrait imaginer lui procurer un minimum de sagesse, Monsieur Wayne avait toujours le côté plein d'assurance de la jeunesse qui lui jouait parfois des tours. Et cette nuit-là, la blague n'avait pas été des plus drôles. Elle avait même changé sa vie.

Bruce prit un virage en épingle. Il avait ralenti, sa voiture rétrogradant avec un doux bruit de moteur puis, avait redémarré à la sortie du virage. Il n'eut pas le temps de voir le tronc qui se fracassait devant lui avant que celui-ci n'atterrisse sur la route. D'un réflexe d'une rapidité déconcertante, Bruce lança son pied sur les freins, donnant un brusque coup de volant. Mais il était trop tard. Sa voiture heurta une branche, se souleva dans l'élan donné par la vitesse, passa par dessus le tronc et continua sa route en tonneau jusqu'à un ravin non loin de là. Le bolide s'engagea alors dans une folle descente alors que le conducteur tentait en vain de se détacher. Du sang coulait déjà de son arcade qui avait frappé le montant de la portière et il tentait de dégager son pied gauche, coincé entre les deux pédales. Sa ceinture le maintenant prisonnier, il ne put que voir l'obstacle arriver. Il était trop tard.

L'arbre qui le cueillit était grand et robuste, son feuillage encore d'un vert éclatant malgré les premiers frimas de l'automne. La voiture s'écrasa contre lui, se pliant comme un accordéon. Les jambes de Bruce furent prises au piège dans une cage de ferraille alors que l'un de ses bras saignait, coupé par un éclat de verre. Son visage était également couvert de petits morceaux de vitre, lui donnant l'air d'un chien au pelage moucheté et sa tempe, ayant frappé une deuxième fois le montant, saignait abondamment. La seule chose dont se souvint le jeune homme avant de tomber dans les pommes était qu'il ne sentait plus ses jambes. C'était donc ça, la mort ?


***

Cela faisait six mois que le grand Bruce Wayne avait été retrouvé inconscient dans sa voiture. Après l'accident, les secours étaient arrivés rapidement. Par chance, Alfred, son majordome, avait insisté pour que son patron installe dans chaque voiture, des détecteurs de choc. Cela permettait d'envoyer une alerte par satellite en cas d'accident ainsi que la position géographique du véhicule. C'était certainement ce qui avait sauvé la vie à celui qui arpentait les rues de Gotham la nuit. Mais ça n'avait pas permis de diminuer les conséquences de l'accident, à son grand malheur.

L'une de ses jambes avait été cassée, brisée au niveau du tibia lorsque les pompiers l'avaient sorti de ce qu'il restait de la McLaren. Il avait subi une lourde commotion cérébrale et avait passé trois mois dans un coma artificiel pour permettre à son corps de se remettre d'aplomb. Lors de son retour au manoir, sa première inquiétude était le lien fait entre son accident et la disparition de Batman. Toute la ville allait découvrir son identité. Mais Alfred l'avait rassuré. Il avait pris sa place pour un temps limité, portant masque et cape en son nom, puis après quelques mois, il avait diminué les apparitions jusqu'à les interrompre. Le Batman n'était plus, du moins pour le moment.

Puis vint le jour où Bruce décida qu'il était temps pour lui de se lever, reprendre là où il avait laissé Gotham. Il n'en pouvait plus de voir, dans les journaux et à la télévision, la déchéance qui s'était emparée de la ville depuis son accident.

Le crime organisé avait repris de plus belle, le trafic de drogue allait bon train, les cambriolages et les agressions de même. Le milliardaire devenait fou et Batman devait revenir.
Mais lorsqu'il posa sa jambe au sol, une douleur lancinante lui traversa le corps et il fut obligé de se rasseoir. Il tomba lourdement sur son lit, Alfred accourant à ses côtés.

- Voyons Bruce, ne forcez pas. Vous n'êtes pas prêt !

- Je me dois de l'être Alfred, Gotham m'attend. Je dois aider ma ville.

- Vous ne pouvez pas, pas encore ! supplia Alfred. Vous risquez votre vie, vous ne tenez même pas debout !

Bruce s'emporta alors, pris d'un chagrin et d'une tristesse déchirants. Il avait fait l'idiot, il s'était montré trop confiant dans cette tempête, et aujourd'hui, Gotham subissait les conséquences de son manque de clairvoyance.

- ALORS DANS CE CAS, JE NE POURRAI JAMAIS ! hurla le jeune homme avant de désigner la porte à son majordome. Dehors !

Ce dernier ordre était donné sur un ton calme mais tranchant, qui démontrait qu'il n'y avait pas intérêt à le contrer. Alfred sortit donc, non sans un dernier regard pour son protégé. Il l'avait élevé comme un fils, lui avait appris tout ce qu'il savait, en terme de stratégie, de combat et il avait tenté de lui transmettre les valeurs qui habitaient, à l'époque, Thomas Wayne, son père. Mais si Bruce abandonnait si facilement, il ne pouvait rien pour lui.

Les jours qui suivirent le lui prouvèrent. Plus de journaux, plus de télévision. Bruce ne voulait plus entendre parler du monde extérieur, ni même des affaires de l'entreprise. Alfred gérait tout, de la même façon qu'il avait vu son patron s'en occuper pendant des années. Il était dévoué à la famille Wayne et il ferait tout pour que Bruce relève la tête, bien que le combat s'avérait vain pour le moment.
Le peu de fois où Bruce dégnait lui adresser la parole, ou même un regard, c'était pour lui demander de le laisser seul, quand Alfred s'occupait de sa chambre, dont le jeune homme ne sortait même plus.

Il fallait espérer un miracle, à présent, pour qu'un jour, Batman protège à nouveau Gotham.

Where is the dark Knight ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant