Le salon a changé, mais seulement dans les détails.
Il est vide. On entend seulement les cris d'une personne.
Léanne entre dans son apparence qui semble être la plus récente. Ses vêtements ont changé.
Elle porte un tailleur noir avec un chignon.
Elle est enragée, son maquillage à coulé.
Une musique se lance alors qu'elle s'installe sur le canapé, défaisant son chignon hâtivement.
Sa veste est lancée sur le sol. Un boom sonore se fait entendre suivi d'une sonnerie.
Son téléphone.
La musique se coupe, elle laisse sonner.
Silence.
Léanne.
Je les hais. Je le hais.
Ce putain de patron qui se pense meilleur que moi, qui se croit légitime de dire ce qu'il souhaite de moi, de faire ce qu'il souhaite.
Les réflexions, je les supportais. Ouais. Pas le choix. Comment je pourrais manger sinon ? Payer les charges ? L'emprunt ? L'essence ?
Je voudrais démissionner, ouvrir ma gueule, mais je ne peux pas. Et quand le moment sera venu, on dira que c'est trop tard. « Pourquoi n'en avez-vous pas parlé tout de suite Madame ? »
Silence.
Léanne.
C'est vrai ça.
Pourquoi je n'en ai pas parlé tout de suite ? Alors que j'expose mes idées féministe à n'importe qui, que je suis la première à défendre et crier aux injustices ?
Pourquoi, face à une, je n'arrive pas à réagir ?
Pourquoi ?
Je pense que c'est une mauvaise question, un peu comme les « et si » avec lesquels ont refait un monde.
Une mauvaise question, ouais. Qui parfois fait du bien. Dans un sens, on peut parfois trouver des réponses à nos questions, non ?
Silence.
Léanne se rattache les cheveux de manière précipitée.
Elle se lève, se mettant à faire les cents pas.
Léanne.
J'ai souvent pensé, à pourquoi mon corps refusait d'agir, de répondre, d'appliquer toutes ses belles paroles, de les intégrer.
Je me suis souvent demandée, pourquoi je n'arrivais pas à me défaire de ses années d'injustice qui pesait sur moi, sur mon genre et mon sexe.
Justement. Je crois que c'est ça, le problème.
Les années.
Des années, des dizaines, des centaines que les femmes sont méprisées. Durant tout ce temps, encore maintenant, elles se battent, luttent, meurent.
Y a-t-il eu un temps, où elles ont pu se poser, respirer, et simplement sourire sans avoir peur de mourir, de ne plus jamais pouvoir rire ?
Elle se stoppe, regardant face à elle.
Léanne.
Est-ce qu'une femme peut lever la main, en disant qu'elle n'a jamais eu peur en présence d'un homme, avec un petit « h » dans sa vie ? Qu'elle ne s'est pas faite humiliée, qu'elle n'a jamais vu une autre femme se faire harcelé ?
Qu'elle ne s'est pas tue. Que son instinct ait agi pour elle ?
Je pense que c'est pour ça, que les femmes sont réputées dans les clichés pour avoir un sixième sens. Un sixième sens qu'elles conservent, qu'elles agissent, qu'elles lèguent sans même comprendre.
Le silence, la lutte, la parole, les actions, la peur.
La peur.
Ouais. Je pense que c'est ça, ce « sens ». Plus que de l'instinct, qu'une volonté de progrès, d'égalité, ce n'est qu'une peur transmise et intériorisée de génération en génération.
Elle se manifeste de différentes manières, peut donner lieu à de la colère, du défaitisme, de l'altruisme.
Elle se lègue,
Au fil des ans.
Noir.
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Quelle fin.
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