Chapitre 2

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De Moi à Anonyme :
Qui es-tu?

C'est le SMS que j'ai fini par lui envoyer après deux heures de tergiversation. Je me demande encore pourquoi j'ai choisi de répondre sans demander leur avis à mes amis. Je crois que je n'ai pas envie de leur en parler. Je flippe assez toute seule alors pourquoi ajouter leur inquiétude à la mienne ? Il est clair que je ne veux pas prendre le risque que le passé me revienne en pleine tête.

Il est une heure du matin et j'attends qu'il me réponde. J'allume l'écran de mon téléphone toutes les deux minutes au cas où j'aurais raté la vibration. C'est débile, je sais, mais je ne peux pas m'en empêcher : c'est compulsif. Est-ce que je dois le relancer ? Non, je ne suis pas cinglée, je ne vais pas le faire. J'aimerais tant qu'il me réponde, car ça voudrait dire que c'est une vraie personne de l'autre côté. Et ça, c'est quand même bien plus facile à imaginer qu'un bout de papier ou un dessin sur une fenêtre. Un humain, ça se gère, n'est-ce pas ? S'il est amoureux, je l'éconduis courtoisement et voilà tout. Je lui expliquerai tranquillement que ce n'est pas comme ça qu'on aborde quelqu'un, que c'est légèrement flippant, mais que ça s'apprend. Bref, je serai gentille et bienveillante. Tout se passera bien et nous en plaisanterons ensemble. Oui, tout va bien se passer.

La sonnerie de mon réveil me sort d'un songe dans lequel je donne des cours de séduction au lycée. N'importe quoi. Je jette un coup d'œil à mon téléphone et m'aperçois que j'ai reçu un SMS peu après six heures :

De Anonyme à Moi :
C'est MOI qui décide où et quand nous entrons en contact. Et n'oublie pas : je te vois.

C'est officiel : c'est un taré ! À la limite, sa réponse ne m'inquiète pas plus que ça. Elle me met plutôt en colère ! Il veut jouer avec moi, mais pour cela, il faut que je joue avec lui. Si je ne joue pas, la partie tombe à l'eau. Je vais l'ignorer et ça finira par s'arrêter. Sans réplique de ma part, il sera contraint à abandonner son jeu malsain.

Avec un profond soupir, je m'extirpe de mon lit et je commence à me préparer pour cette nouvelle journée de cours. Au rez-de-chaussée, mes parents semblent plus amoureux que jamais. Leur sortie a dû les rapprocher, c'est une bonne nouvelle. Ces derniers mois ont été difficiles pour tout le monde et j'en suis la cause. Je ne culpabilise plus, cependant, car j'ai compris que de toute façon, ça ne servirait qu'à me faire encore plus de mal. Nous avons tous été meurtris, inutile d'en rajouter. Noa est revenue déjeuner avant d'aller au lycée. La voici, attablée en mode « tout me saoule », comme à son habitude. J'hésite à prendre le temps de petit-déjeuner avec elle. Elle a trois ans de moins que moi et nous avons toujours été proches jusqu'à l'été dernier. Si personne ne fait d'effort, notre relation ne risque pas de s'améliorer. J'attrape donc un bol et le remplis de lait et de sucre avant d'y verser des céréales.

— Tu vas bien, toi ? demande soudainement ma sœur, les yeux plissés.

— Heu, oui, ça va. Et toi ?

— Tu as une sale tête !

— J'ai mal dormi, ce n'est rien.

— J'espère que tu sais que si tu as un problème, tu peux m'en parler.

Je suis tellement étonnée que je reste bloquée, la cuillère à quelques centimètres de ma bouche ouverte. Noa continue à touiller son chocolat chaud, comme si de rien n'était, alors que c'est la discussion la plus aboutie que nous avons depuis des mois. Il faut dire que ma rancœur est encore présente et que j'ai du mal à digérer ce qu'il s'est passé.

— On apprend tous de nos erreurs, reprend-elle en baissant le nez sur sa tartine. Je n'ai pas présente quand... tu sais... Je n'ai pas tout compris. Mais si tu as besoin, ne te renferme plus. Parle à quelqu'un, même à moi.

Stalk&Love - EditéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant