Il y a, aux frontières des abondantes plaines du riche royaume d'Amarat, sur les rives du lac des neuf fleuves, au pied des montagnes des sept pics qui n'en comptent que six, dans la direction des trois déserts nomades ; le marais de la jungle sans terre et sans ciel, les sables brûlants du soleil sans lune, et les terres de la nuit polaire éternelle ; un chemin que seuls ceux qui se perdent empruntent. Moins qu'un chemin, c'est un sentier sans orgueil ni promesse. C'est là, fleurtant avec le désespoir, que s'était aventuré le jeune Fel orphelin de sa tribu, rejeté en raison de son pelage et de sa peau encore blanche. Le cœur à bout d'amertume, ayant connu le rejet, la violence, et les humiliations que lui valut sa différence durant toute son enfance et son adolescence. L'âme à bout de son souffle, rongé par la culpabilité de ne pas être comme les autres, épuisé d'essayer de se faire accepter et de se maltraiter à force d'efforts et et de s'imposer milles exigences inaccessibles jamais reconnues, il en était jusqu'au seuil de vouloir en finir. Fuir, loin, la douleur aiguë qui siphonnait tout plaisir et engloutissait peu à peu jusqu'à l'envie d'exister croyant que son calvaire devait ne pouvait connaître d'autres fin. Peut-être tenu par un fil fil d'espoir fragile, il avait pris les chemin des terres d'exil.
Depuis des jours il marchait seul et résigné. Et le voilà qui se retrouvait sur le chemin des confins que seul les différents et les marginaux avait l'idée de s'y avancer pour braver leur courage de s'aventurer sur les terres sans retour.
C'est ainsi qu'au dernier soir de ses espoirs, il aperçu enfin dans la pénombre de la nuit tombante les lumières vacillantes des fenêtres d'une chaumière isolée, posée là, en ce cul de sac au bord du lac salé. On entendait une source d'eau couler et qui faisait tourner le petit moulin à aube de la maisonnette. On sentait le parfum des épices de cuisine émanant de la fumée de cheminée. Accablé par la soif, la faim, et la fatigue, inquiet et hésitant à aller au devant de la porte de cette demeure sans équivalant d'architecture, ne sachant qui pouvait être le résident de cet hermitage inattendu, c'est porté par ses besoins que Fel se résolut à aller gratter la porte.
À peine arrivé sur le seuil, la porte s'ouvrît devant Fel le prêtant de cours dans son élan. Derrière, se tenait un vieil homme dont Fel ne reconnaissait pas le pelage.
- bienvenue, jeune homme, dit le vieil homme. Je t'attendais.
- Vous m'attendiez ? Demanda Fel, manquant à toute civilité. Vous saviez que j'allais venir, demande-t-il ?
- Non, jeune homme. Mais je t'ai sentit approcher.
Fel frémit en entendant le mot sentir en pensant aux légendes anthropophages de son enfance, ce qui fit sourire le vieil homme.
- Non, je ne t'ai pas renifler d'aussi loin avec l'intention de te manger. Mon dîner est déjà prêt et je t'invite à le partager. Je suis simplement un peu sourd. J'ai développé d'autres aptitudes assez aiguës que certains prennent parfois pour de la prescience. Il en est souvent ainsi de ceux qui sont différents des autres s'ils veulent survivre. N'est-ce pas, jeune homme ?
Fel se sentit à la fois intrigué et gêné. C'était un peu comme si le vieillard savait lire en lui, tout en ne sachant pas très bien ce qu'il pouvait percevoir... son histoires ? des qualités que lui-même ne saurait s'attribuer ? Et que pouvait-il en être aussi de ses noirceurs ?
- un peu de tout ça, dit le vieux sage, comme s'il avait lu dans ses pensées. Entre donc, nous n'allons pas resté planté ainsi devant la porte. Prends place à ma table, je vais servir le repas. Et dit moi donc comment tu t'appelles ?
- Fel, on m'appelle Fel, répondit le garçon avec de la honte dans le cœur. S'appeler Fel, c'est à dire du nom de son espèce revenait à dire qu'il n'en avait jamais reçu et se traduirait par « le sans-nom ». Cela en soi en disait long sur l'absence de considération que le jeune homme avait reçu de toute sa mémoire. Et vous... Monsieur ? S'empressa de reprendre Fel comme pour ne pas s'attarder sur le sujet.
- On m'appelle le passeur (« the giver » en anglais). Appelle-moi Passeur. C'est mon nom et ce que je suis.
- Passeur ? Qu'est-ce que cela signifie, demanda Fel ?
- Je suis celui qui est allé sur tous les chemins où il est interdit d'aller et qui en est revenu. Ainsi en est-il de ma nature. Et je suis là pour transmettre ce qu'il y a à en savoir pour que ceux qui veulent les suivre fassent leurs choix et s'y préparent pour y survivre. Voilà qui je suis ! Et ce soir, je suis là pour toi. Ma connaissance est à ta disposition. Mais dans l'instant, je suis là pour que tu vives, et après t'être abreuvé, nourri et reposé, tu me diras le nom que tu te choisis. Il sera le tien, car nul ne mérite de rester sans nom, et toi seul peut décider de ce qu'il doit être.Dans les temps de nos errances, quand nous perdons le fil de nous-mêmes, il existe quelque part, quelqu'un qui sait nous faire traverser le vide. Certains comme Fel le trouvent par hasard. Mais tous n'ont pas cette chance. Il m'appartient à moi, Le Passeur, de vous dire de ne pas perdre espoir. Je ne suis pas le seul à me nommer Passeur. Vous en rencontrerez plusieurs au cours de votre vie. Nous sommes l'épaule pour se reposer, le guide pour vous orienter, la lumière dans une obscurité. Nous ne jugeons pas. Nous sommes animés de bienveillance. Et que vous le croyiez ou non, nous savons par quel chemin vous êtes passé et là où vous en êtes. Et si nous sommes là, c'est que nous en sommes revenu. Lecteur, c'est toi qui choisis le Nom de ton avenir. Mais n'oublie jamais que le seul qui puisse nous anoblir en nous donnant le nôtre, c'est toi ! Alors, veillez, âme chagrine ou douloureuse, et regardez, écoutez et respirez autour de vous. La suite de votre chemin est à côté de vous.
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METAMORPHES : L'ÂME DES FURRIES
PuisiHistoires courtes de furries (animaux anthropomorphes)