Bonne lecture !
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Le garçon regarde la voiture de ses parents partir avec une certaine appréhension.
Déjà, lorsqu'Ilyass est présent, ces deux-là peuvent difficilement passer plus d'une heure ensemble sans finir par se crier dessus. Quand il entre dans une pièce, ils arrêtent une seconde en se disant qu'il n'a pas à voir ça, mais finalement continuent tout de même car sa mère trouve que la femme de ménage n'a pas bien fait les choses et son père lui reproche de trop travailler, alors qu'il fait la même chose mais bien sûr non ce n'est pas la même chose puisque c'est elle la mère, c'est elle la femme. Ilyass ne comprend pas tout, pas trop, alors il ressort de la pièce et il va dans sa chambre faire ses devoirs.
Alors oui, ces deux-là peuvent difficilement passer plus d'une heure ensemble sans finir par se crier dessus, alors il préfère ne pas imaginer comment ça doit être lorsqu'il est absent.
Assis sur les marches du perron, Ilyass l'observe s'éloigner de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un petit nuage de poussière au loin, seul vestige de sa présence. Sous ses fesses, il peut sentir la pierre brûlante chauffée par le soleil de la journée passer à travers son short. L'air lui parait étrangement clair, étrangement respirable. Il ne sait pas vraiment à quoi c'est dû, mais c'est une sensation assez agréable qu'il craint pourtant d'apprécier. Il devait être triste, et non se sentir soulagé de voir disparaître les disputes de ses parents. Il devait être triste car il se sent à présent coupable de commencer à changer d'avis, lui qui a fait un tel cinéma lorsque sa mère lui a annoncé qu'il passerait l'été chez ses grands-parents paternels.
Lily entend quelqu'un se poster derrière lui, et sent presque aussitôt comme une odeur de monoï lui chatouiller les narines. Un léger coup d'œil en arrière lui apprend que c'est elle, justement. Sa grand-mère.
— Lily, dit-elle simplement comme si ce simple mot contient bien plus de secret et de signification qu'une banale appellation.
Elle s'assoit à ses côtés, lentement, puis lève sa main vers son visage afin de lui écarter quelques mèches du front. Tous ses gestes sont si doux que le cœur de Lily se serre.
— Tu es triste ? demande-t-elle en regardant à son tour l'endroit où la voiture a disparu.
Son honnêteté le prend par surprise et il ne sait que répondre. Il n'a pas l'habitude qu'on le traite autrement que comme un enfant : il est considéré comme un enfant lorsque les choses deviennent sérieuses, et est traité comme un adulte à chacune de ses bêtises. Prendre ses responsabilités, voilà ce que sa mère lui répète sans cesse. Alors au fond, triste ? Peut-être pas à ce point. Ce n'est qu'un été après tout, il va les revoir bientôt.
— Non, répond-il donc.
Mais il n'a pas l'impression que c'est l'exacte vérité.
Et comme si elle l'a deviné, elle lui offre un nouveau sourire.
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— Ils sont enfin partis ?
Lily sursaute. Il réussit à ne pas se relever immédiatement, restant assis sur la marche qu'il occupe depuis un moment. Derrière lui, un grand homme aux cheveux blancs se tient dans l'encadrement et regarde l'horizon avec les sourcils froncés. Son air sévère l'impressionne mais en vérité il ressemble à l'expression que fait son père lorsqu'il a fait une bêtise et que ce dernier s'apprête à le gronder.
Alors que les mots « je suis désolé » sont sur le point de passer ses lèvres, la voix de sa grand-mère le ramène au présent.
— Oui. Ils ne sont pas restés longtemps. Larry est le seul à être descendu.
Le regard de l'homme se pose sur lui et sans même s'en rendre compte, Lily se ratatine sur lui-même.
— Ça m'étonne pas. Je ne l'ai jamais aimé celle-là de toute façon.
Parle-t-il de sa mère ? Si tel est le cas, Lily ne s'en offusque pas vraiment.
— Je sais, répond-elle en se relevant. Tu le dis à chaque fois que tu entends parler d'elle.
Elle lui tend sa main, et il la regarde comme s'il ne savait pas quoi en faire.
— Tu as fait un long voyage jusqu'ici. Tu dois avoir un peu faim. Juste avant que vous n'arriviez, j'ai sorti un gâteau du four. Si tu en veux, je t'en coupe une part.
Tout à coup, le visage un peu bourru de l'homme semble s'éclairer, et cette fois Lily a l'impression d'y retrouver quelques traits avec son père, lorsqu'ils partagent un moment complice tous les deux. Ça arrive parfois.
— Mais oui, mais oui, rit-elle alors qu'elle prend dans sa main celle de Lily. Tu en auras aussi, gros balourd. Tu connais le chemin de la cuisine ou faut-il que nous y allions ensemble ?
Et même si Lily est persuadé qu'il le connait, ce chemin, son grand-père se place tout de même à leur hauteur et la laisse passer son bras sous le sien.
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La première nuit, Lily dort affreusement mal. La chambre est grande et sent bon — tous ses amis à l'école lui disaient toujours que la maison de leurs grands-parents sentait le vieux et le renfermé, pourtant chaque pièce de celle-ci a un parfum d'été et de douceur, comme si des confiseries y sont fabriquées tous les jours. Malgré ça, il ne parvient pas à échapper à l'expression courroucée de sa mère. Ses yeux qui se rétrécissent avec sévérité, sa bouche pincée en une ligne droite et blanche, son nez qui se plisse légèrement lorsqu'il fait quelque chose qui lui déplait... En vérité, il ne fait quasiment rien qui parvient à trouver grâce à ses yeux, mais Ilyass essaie encore dans l'espoir de la voir un jour le féliciter pour quelque chose.
Il ne peut s'empêcher de se dire : et si elle parvient à convaincre son père de ne pas venir le chercher ? Et si finalement la maison est bien plus silencieuse et agréable sans lui à l'intérieur ?
Cette peur lui donne les mains moites chaque fois qu'il ferme les yeux.
De plus, la pièce est décidément trop sombre. Les volets fermés, il ne réussit même pas à apercevoir le bout de ses doigts lorsqu'il tend le bras. Chez lui, la ville est toujours bruyante et éclairée, et il se laisse souvent bercer par le son des aller-et-venus des voitures en contre bas. Là, si on enlève les quelques cris de hibou et autre animaux nocturnes, la nuit est parfaitement silencieuse.
Trop silencieuse pour qu'il puisse se concentrer sur autre chose que les battements effrénés et effrayés de son cœur.
Il ne réussit à s'endormir que sur les petites lueurs du matin, lorsqu'une forte odeur de café et de toasts grillés emplie la maison.
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Sous le soleil, l'été
Romance| Boy's love | Histoire en cours | Tous les étés à partir de ses six ans, Ilyass est emmené dans la maison de ses grands-parents, à la campagne. Là-bas, il apprend à vivre, à respirer, et se fait un ami qui pourrait bien changer sa vie. Mais les a...