𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟺

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Bonne lecture !

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C'est durant un après-midi particulièrement chaud que Lily trouve enfin le courage de sortir un peu des limites de la maison. Certes, ils sont sortis ensemble peu après son arrivé dans le village le plus proche, mais il a passé tout son temps à se cacher derrière les longues jupes de Camille, donc il ne peut pas réellement compter ça comme une aventure à l'extérieur.

Cette fois-ci, alors que son grand-père fait la sieste dans le salon, assommé par la fatigue d'avoir passé tous les jours de la semaine sur la réparation du vélo, il décide de faire preuve d'un peu de courage et de suivre le sentier qui descend vers... et bien, quelque part.

La veille, Raphaël lui a prêté sa montre et lui a montré comment les aiguilles se déplacent sur le cadran.

— Lorsque les aiguilles se trouveront ici, je veux que tu sois à la maison, d'accord ? lui a-t-il dit en accrochant l'objet à son poignet. On peut pas savoir où tu te trouves, alors on veut être sûr qu'il t'arrive rien. C'est un coin tranquille, mais t'es encore jeune.

Puis il s'est contenté de le décoiffer un peu avant de hausser les épaules en affirmant qu'ils ne peuvent de toute façon pas le séquestrer à l'intérieur. Apparemment les garçons de son âge ont besoin de bouger, même si lui a l'habitude de rester dans l'appartement de ses parents toute l'année.

Décoinçant une branche qui s'est bloquée dans la lanière de son sac à dos, Lily reprend son petit périple et descend le sentier qui devient de plus en plus pentu. Bien trop vite, il est obligé de sauter de rocher en rocher, s'accrochant à des arbres pour ne pas tomber. En contre-bas, il peut entendre des courants d'eau et des petits clapotis, et manque de glisser, distrait, alors qu'il est enfin presque arrivé.

Le soleil tape très fort et il sent ses joues chauffer de plus en plus. Son t-shirt se colle à sa peau déjà bien dorée. Ses cheveux aussi se sont largement éclaircis depuis son arrivée, avec tous les jours qu'il passe à lire ou à jouer sur la terrasse devant la maison.

Quand il débouche enfin sur les bords d'une rivière, un sentiment de fierté gonfle dans sa poitrine. Satisfait, il prend la décision d'aller s'asseoir sur l'une des pierres qui longent l'eau, à l'ombre de cette chaleur qui commence à le rendre légèrement étourdi. Quand il pose ses fesses dessus, le rocher est froid.

Ilyass soupire de plaisir en enlevant ses baskets et en plongeant ses orteils dans l'eau fraîche. Il s'allonge sur le dos, les bras en étoile, puis ferme les yeux pour écouter la nature. Lui qui a trouvé ça si effrayant lors de ses premières nuits se sent à présent particulièrement calme en entendant des criquets et le bruit des feuilles.

Un poisson passe à côté de son pied et il sursaute à la sensation visqueuse. En ouvrant les yeux, il ne peut s'empêcher de crier — hurler, même — en constatant que quelqu'un est penché au-dessus de lui.

Il se relève et rampe jusqu'au bord de l'eau, les yeux écarquillés.

— Non mais ça va pas ? crie le garçon qui a sursauté suite à son cri et est tombé en arrière.

Il se relève en grognant sous le regard toujours hagard d'Ilyass qui observe chacun de ses mouvements avec attention.

— T'es qui ? demande-t-il en rangeant son espèce de filet dans son sac à dos — dont la moitié dépasse encore. Je viens ici presque tous les jours et je t'ai encore jamais vu.

Lily sent enfin les battements frénétiques ralentirent considérablement. Devant ses yeux, le garçon croise ses bras sur sa poitrine et hausse un sourcil, attendant une réponse. Ses cheveux bruns, presque noirs, sont courts et bouclés : autant que ceux d'une fille de sa classe qui est revenu comme ça un jour de chez le coiffeur alors il se demande si c'est naturel. Ses yeux noirs sont surmontés d'épais sourcils froncés, et Lily se compte que ce dernier lui a posé une question.

Et il attend, visiblement.

— Je suis arrivé y'a quelques semaines, répond-il doucement. Je connais pas trop les environs, alors j'avais envie de faire un tour, mais il fait trop chaud, donc...

— Ouais, m'en parle pas ! J'étais parti pour attraper quelques insectes mais même eux se cachent. T'es nouveau donc ? T'as déménagé ?

Il secoue la tête.

— Je suis chez mes grands-parents. Ils habitent en haut de la —

— Oh ! Les Arcuri ? T'es leur petit-fils ?

Ses sourcils se haussent de surprise mais Lily hoche tout de même la tête.

— C'est trop cool, ils sont vraiment sympas. Ils viennent manger chez moi parfois, ma mère les adore. Et en plus Camille fait vraiment des gâteaux super bons.

Il vient s'asseoir à côté de lui et enlève également ses chaussures — de petite sandales à scratchs marron — puis lui offre un grand sourire. Il lui manque l'une de ses canines du haut.

— Je m'appelle Axel, et toi ?

— Ilyass, répond-il.

En voyant ses sourcils haussés, il ajoute :

— Tu peux m'appeler Lily.

De près, sa peau est bien plus bronzée que la sienne. Et il sourit en entendant son nom.

— C'est mignon, Lily. Personne te dit jamais que c'est un prénom de fille ?

— Si, tout le temps.

— Pourquoi tu demandes pas à te faire appeler autrement, alors ?

— Parce que j'aime bien Lily. Je trouve ça joli.

Axel l'observe un instant, puis acquiesce.

— T'as raison. Dans ma classe, y'a une fille qui s'appelle Marcelle. Ça, c'est pas joli. Elle se fait appeler Micy.

Devant le sourire d'Ilyass, il ajoute tout à coup :

— J'ai six ans.

— Cinq...

— Ah, je le savais ! Je suis plus grand que toi ! T'as l'air tout petit en même temps.

Lily fronce les sourcils et le fusille du regard.

— Tu ne fais que quelques centimètres de plus que moi à peine.

Ce dernier ouvre grand les yeux et un rictus apparait sur ses lèvres. Il le bouscule un peu avec son épaule, et Lily fait la même chose.

— Peut-être, mais c'est toujours quelques centimètres de plus que toi.

Ils rient, et le soleil est soudain la dernière de ses préoccupations.

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Sous le soleil, l'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant