Je suis à la fois heureuse, émue et ébahie face à ce qui se trouve devant moi.
Depuis le temps que j'en rêvais ! J'ai vu tant de photos, de reportages qui m'ont fait tomber sous le charme de ce lieu. Et cela est enfin devenu possible. Je n'ai qu'à tendre la main pour parvenir à toucher cette pierre si caractéristique, cette couleur rose orangé si typique. Sans compter qu'à cette heure-là, les rayons du soleil paraissent effleurer la façade, et la baignent dans cette lumière qui accentue le rose.
La porte du trésor est vraiment immense et majestueuse. Grâce à son emplacement assez protégé, le temps qui passe, les effets du climat, de la pluie, qui peuvent parfois être ici ravageurs, sont ici peu visibles, même si les aigles en pierre qui sont tout en haut de l'édifice sont érodées, mais cela n'ôte rien à la magie de cet endroit. Cette architecture est à la fois typique et intrigante. Et je peux distinguer cette urne qui a véhiculé tellement de légendes et qui a donné ce surnom à cet endroit.
Nous avons emprunté le Siq et même si un kilomètre à pied, cela peut être long, l'enthousiasme est également un bon vecteur de motivation. Avant que celle-ci n'apparaisse, au bout de ce raidillon surmonté de paroi vertigineuse où il est encore possible de voir des traces de l'antique système hydraulique, je retenais mon souffle, et là encore je n'en reviens pas. Je profite le plus possible du spectacle avant de reprendre le travail. Je ne peux encore une fois que remercier Lisa de sa proposition. Et là, face à cette splendeur, l'émotion me gagne. Honnêtement, s'il n'y avait pas du monde autour de moi, j'en pleurerai ! Je me prends un instant pour Harrison Ford dans La dernière croisade !
Grâce à mon objectif, je peux observer le travail précis des Nabatéens sur cette fabuleuse façade assez hellénistique d'inspiration, et j'adapte mon regard à celui-ci, saisissant le moindre détail, le travail qui a été fait, et la manière dont il a été effectué.
Depuis que je suis arrivée ici, malgré la chaleur, la vie sous la tente souvent assez spartiate, le sable, les longues journées, je suis enchantée d'être là. J'ai eu de la chance. Et je commence à saisir mon appareil pour prendre les photographies sous différents angles de ce chef d'œuvre humain de près de deux mille ans. Je remplis deux pellicules, avec déjà en tête le fait que choisir les bons clichés sera compliqué, car depuis mon arrivée, face aux paysages si enchanteurs, si dépaysants, si particuliers que j'ai pu observer jusqu'à maintenant, un projet d'une exposition sur ce sujet a germé dans mon esprit, voire un recueil. Il faudra surtout que je trie les clichés qui montrent quelque chose de particulier et que je me documente dessus. Mais pour cela, il faudrait que j'aie plus de temps ! Je pourrais également y ajouter des représentations sous forme d'aquarelle, un de mes hobbys. J'ai tout ce qu'il faut avec moi.
Comme le photographe qui travaillait avec les archéologues avait fait une mauvaise chute et se retrouvait bloqué pour un certain temps, il avait fallu trouver un remplaçant, et même si je n'avais jamais eu l'occasion de faire cela encore, Lisa m'avait appelée, et je n'avais pas tergiversé longtemps pour prendre une décision. La préparation de mon exposition sur de vieilles pierres de mon département était suffisamment lointaine pour que je puisse avoir du temps. Il y avait aussi les travaux dans ma maison à avancer, mais dans l'immédiat cela pouvait attendre, sans compter que cela serait une rentrée d'argent assez intéressante pour acheter des matériaux divers. De plus, une occasion pareille, cela ne se refusait pas ! Le plus difficile fut de trouver un vol. par chance, j'avais eu l'occasion de faire un passeport, il y a deux ans, même si le voyage au Maroc avait été annulé au dernier moment. Après une fois là-bas, on était venu me chercher à l'aéroport. J'étais logée et nourrie. Lisa m'avait prévenue des conditions de vie, sachant que nous étions au plus près du site archéologique pour que le travail avance vite, mais je ne boude pas mon plaisir !
Prévoyante, j'ai apporté des tenues confortables et estivales, avec une veste et un pull à cause des nuits fraîches en plein désert, mon matériel, suffisamment de pellicules pour mes photographies plus personnelles, car je travaillais surtout avec de l'argentique pour mes clichés artistiques, et mon appareil numérique et mon ordinateur qui me permettaient d'être plus réactive pour les prises de vues du travail des archéologues, des découvertes. Tout le reste m'avait été fourni sur place. Cependant, j'étais plus à l'aise avec mes appareils que je connaissais par cœur.
Et je ne le regrette pas.
Ce matin, il avait fallu se lever tôt pour profiter de ce lieu, mais au bout d'une semaine en Jordanie, je piaffais d'impatience, surtout en étant à proximité ! Cependant, à la suite de l'absence du photographe, il m'avait fallu mettre les bouchées doubles pour récupérer ce retard. Nous étions arrivés juste avant le lever de soleil pour ne pas être gênés par les touristes qui ne tarderaient pas à arriver. Nous avons le temps d'y pénétrer et je peux alors remarquer que l'intérieur se résume à une salle carrée sans décoration avec une petite pièce à l'arrière. Mais le moment que je préfère, c'est lorsque je sors et que juchée sur les marches du Trésor, je peux observer tout ce qui se passe devant moi, et en voyant l'expression des touristes qui arrivent, il m'est possible d'envisager avoir eu la même expression ravie. Il est aussi intéressant de voir les premières carrioles à cheval arriver.
C'est quand même avec regret que je suis obligée de revenir sur le chantier, où une fois là je peux directement enchaîner sur le travail. J'espère seulement pouvoir en voir davantage une autre fois avant de partir, car je suis un tantinet frustrée de ne pas pouvoir aller voir le théâtre ou le tombeau de l'Urne. En effet, depuis mon arrivée, j'ai pris l'habitude de faire suivre mon matériel partout avec moi. J'ai juste à prendre le bon appareil, le régler, et je suis prête. Et je découvre que j'adore cela ! Et puis, je retrouve l'agitation familière.
Pour moi, venir travailler dans ce lieu a été une découverte. Certes, j'avais eu l'occasion de voir des reportages sur ce sujet, mais là, être au mitan des événements, c'est vraiment intéressant à vivre, et même enrichissant comme expérience. En revanche, il fallait que je sois présente toute la journée afin d'être prête à pouvoir photographier toute découverte, toute nouveauté : poterie, tessons de mosaïque, traces humaines quelconques ou même de bâtisse... C'était réellement très divers.
Lorsqu'arrive l'heure du repas, je préfère prendre un sandwich au poulet et salade que je déguste derrière un rocher, à l'ombre. J'ai besoin d'un moment de solitude où je peux me remémorer ce que j'ai vu ce matin. J'aime assez la vie dans le campement. Les archéologues passent les nuits dans une maison à Ma'an où ils peuvent entreposer les découvertes pour travailler dessus, avant qu'elles ne soient amenées dans le musée de la Capitale. Mais nous, nous vivons sur le campement afin de toujours être prêts. Et si la vie sous la tente est bien la nuit, grâce à la fraîcheur ambiante nocturne, la journée, c'est un peu plus ardu, la chaleur était souvent étouffante. Par chance, la nourriture est excellente : le cuisinier alterne entre repas traditionnel et occidental. C'est varié, et la gourmande que je suis apprécie.
La suite de la journée, je la passe à trier les photographies sur l'ordinateur, à les classer pour transmettre tout cela aux archéologues afin que celui-ci puisse avoir une idée de la zone de fouille à poursuivre. Puis, après un repas en commun vite avalé, la fatigue me tombe dessus brutalement. Et dans ma tente, je ne mets pas longtemps à me mettre au lit. Et malgré la couche spartiate, avec un lit pliant et la chaleur encore présente, je suis certaine que je vais vite m'assoupir, car ma nuit va probablement être vite envahie des belles images de ce lieu enchanteur. Je dois encore poursuivre la mission pour les trois semaines que je désire aussi enrichissantes, et ainsi avoir encore plus de beautés qu'elles soient naturelles ou archéologiques à découvrir.
VOUS LISEZ
Sous le ciel de Pétra
RomanceEmmy, photographe, suite à une demande de sa cousine archéologue Lisa, remplace le photographe du chantier sur lequel cette dernière travaille. Cette amatrice de paysages va se laisser séduire par ceux de la ville antique de Pétra et de la Jordanie...