Chapitre II : Journée

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À six heures trente, mon portable sonne. Je m'étire tranquillement. Je me sens reposée et prête à démarrer une nouvelle journée. Ce matin est plus tranquille, car aujourd'hui, il n'y a pas d'excursion prévue. En me levant, mon premier geste avant de poser les pieds par terre est de vérifier que nulle bête rampante ne se trouve sur le sol, ainsi que dans mes chaussures. Ce sont des gestes de sécurité devenus très vite des réflexes, car ils sont vitaux dans ce pays où des scorpions et des serpents peuvent se montrer curieux et se faufiler un peu partout. Puis je vais faire une toilette à la bassine prévue à cet effet, derrière le paravent pliable, puis je m'habille.

Je n'ai qu'à faire un pas pour me retrouver au travail, car je dors dans la tente où se trouve tout le matériel de photographie. Comme il n'y a que moi qui en ai l'usage, cela n'est nullement gênant. D'ailleurs, en attendant son retour, j'ai laissé dans un coin les affaires de mon prédécesseur. Tout est bien rangé pour qu'il puisse tout récupérer à son retour.

J'ai pris mon rythme peu à peu. Et je me mets à travailler alors que la température est encore supportable sous la tente.

Alors que je suis plongée dans mon écran à visualiser les clichés du jour précédent et à les classer, à poser les étiquettes sur chacun, j'entends dans mon dos cette voix à l'accent si particulier :

— Bonjour, mademoiselle.

Je me tourne pour voir dans l'encadrement de la porte de toile, que je laisse ouverte toute la journée pour permettre la circulation de l'air, un des guides, vêtu d'un jean ample et d'une chemise à manches longues, qui nous conseille dans nos excursions ou pour travailler dans ce milieu qui peut se révéler assez hostile, surtout par rapport à ma Dordogne natale.

— Bonjour.

Jabir hoche la tête et me sourit, puis il me dit :

— Le repas du petit déjeuner est servi.

Shuk-ran.

Il a ce petit air amusé comme à chaque fois qu'il m'entend tenter de prononcer un mot en arabe, sans doute dû à mon accent assez pathétique. Mais je sais aussi que mes efforts sont appréciés. Puis il s'éloigne.

Depuis mon arrivée, je m'interroge sur ce guide. Soit, il fait très bien son travail, il parle très bien français, ce qui m'arrange beaucoup, mais il dégage quelque chose qui pour moi ne concorde pas avec la modestie de sa condition. Il a de l'allure, et surtout ce port de tête que je connais bien, l'ayant souvent vu chez les personnes que mes parents fréquentaient, même s'il a toujours une attitude polie et respectueuse envers tous. J'ai l'étrange sentiment qu'il dissimule quelque chose, qu'il n'est pas celui qu'il dit être.

Et puis, je ne peux laisser cela de côté : il a beaucoup de charme, et son regard, d'un noir insondable, me laisse troublée chaque fois que je le croise. Quand je l'ai croisé pour la première fois, un frisson a traversé ma colonne vertébrale. Depuis, la plupart du temps, j'évite de m'approcher de lui, même si je sens les battements de mon cœur s'accélérer chaque fois que j'entends le son de sa voix. De toute façon, avec sa haute taille, il est facilement repérable !

Cela ne me ressemble pas d'agir ainsi, mais au fond de moi, j'en ressens le besoin, la nécessité. Il ne m'a adressé la parole que rarement, mais je redoute comme la peste de le voir. À chaque fois, j'abrège, car je me sens devenir comme une lycéenne à son premier rendez-vous et j'ai l'impression qu'il s'en rend compte.

Pourtant je le recherche des yeux tous les jours. Pourquoi un tel paradoxe ? je ne suis présente en ce lieu que pour peu de temps. Je n'ai aucun goût pour les aventures sans lendemain, et là ce serait un acte trop fou à envisager.

Sous le ciel de PétraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant