Les larmes ruissellent sur ses joues, tombant au rythme de ses respirations. Tantôt saccadées, comme si elle s'étouffait. Tantôt lentement, comme si la vie quittait doucement son enveloppe charnelle. Il faut qu'elle se ressaisisse. Cette fois, elle ouvre un nouveau fichier. Au début, elle regarde la page blanche, incapable de commencer quoi que ce soit. Alors, elle commence simplement, par la première phrase qui lui passe par la tête.
« A chaque fois que j'ai besoin de m'exprimer mais que je ne sais pas pourquoi ni comment faire j'écris. C'est donc ce que je vais faire. Je ne sais pas trop ce que je ressens ces derniers temps. C'est bizarre. C'est un peu comme une espèce de vide qui rôde autour de mon cœur. Comme si j'étais profondément triste au fond de moi-même. Je ne comprends pas pourquoi je n'arrive pas à l'exprimer. C'est refoulé, comme la plupart de mes autres sentiments au final. C'est difficile d'être en adhésion avec soi-même quand on a honte de ce qu'on ressent. Moi, je ressens des choses fortes tout le temps. Mes émotions ne veulent pas me laisser de temps de répit. Parfois j'aimerais pouvoir arrêter cette machine sans fin qui me pousse à autant réfléchir et à autant ressentir de choses. Parfois c'est agréable, mais ça ne dure jamais très longtemps. Je ressens un manque. Un manque profond de quelque chose. Quelque chose de fort, d'intense, qui pourrait s'envelopper autour de moi pour que je me sente bien. Que j'arrête de mes questionnements sans fin. Que j'arrête d'avoir peur. Que j'arrête d'avoir mal. Que j'arrête de voir la vie comme un supplice, comme une torture. Si seulement tout pouvait être comme dans ma tête...
Je ne sais pas si un jour je trouverai la pièce manquante au puzzle. Celle qui résoudra absolument toute cette situation. On dit souvent que l'amour peut tout guérir pas vrai ? Comment peux-tu savoir si tu es légitime d'être aimé ou pas ? Comment on fait pour accepter d'être aimé ? Pour accepter qu'on le mérite autant que n'importe qui ? Comment on fait pour s'aimer soi-même ? Ça serait tellement plus simple si je pouvais être mon propre point d'ancrage. Être la seule chose qui me suffise à me sentir bien. Mais le sentiment de solitude me pousse à me haïr. Et je sais que j'ai besoin qu'on m'aime à ma place, parce que je suis incapable de le faire seule. Mais j'ai peur de l'amour des autres. Oui je sais que c'est étrange, il faut que je m'explique.
Quand tu n'as pas conscience de ta propre valeur, tu as du mal à croire que tu puisses en avoir pour les autres. Et puis les gens aiment de façon tellement volatile. Ils entrent dans ta vie et te font te sentir comme une personne attachante et importante, puis ils partent. Ils s'en vont et te laissent comme ils t'avaient trouvé. Seul(e). Perdu(e). Et tellement, tellement mal. Ah, qu'est-ce que j'aimerais que ça s'arrête. C'est tellement dur parfois. Mais je n'ai pas le droit d'être vulnérable. Je n'ai pas le droit de me sentir mal. Pourquoi ? Je ne sais pas, c'est ce que ma tête me dit. Elle m'assassine, me détruit plus que n'importe qui. Autodestruction. Voilà le mot qui me correspond le plus. Je cours à ma propre perte. Parce qu'au fond je me hais. Peu importe les efforts que je fais, je me hais. J'ai envie de m'arracher le cœur, parce qu'il me saoule. C'est pour ça que j'ai besoin que quelqu'un m'aime pour de vrai. Peut-être que s'il arrive à me transmettre tout l'amour qu'il a pour moi, alors je pourrais m'aimer aussi. Et ça réglerait tellement de problèmes. Je serais comme une nouvelle personne. Parce qu'il n'y a pas un moment dans ma vie ou j'étais réellement fier d'être moi. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu des petits moments où j'ai eu une once de confiance en moi. Ils ne sont pas nombreux, mais ont existé. Simplement, comme certaines bonnes choses avec moi, ça n'a pas duré très longtemps.
C'est bête, parce qu'au fond je sais que je fais de mon mieux. Je sais que je fais des choses de bien. Mais j'arrive pas à me focaliser là-dessus. Je vois juste mes maladresses, mes bêtises, mes défauts... J'ai tellement envie de me frapper parfois. De disparaître, moi et cette impression d'inutilité profondément ancrée dans mon esprit. J'ai besoin qu'on me répare. Mais comment est-ce qu'on pourrait aimer quelque chose de cassé ? Il faut juste que j'arrête de réfléchir deux secondes, sinon je vais encore finir par repousser tout le monde. Et à force, ils ne reviendront plus. J'aurais eu ce que je voulais. Enfin, ce qu'il voulait. Je me serai prouvé que personne ne tient à moi, et je pourrais m'en aller sans remords. »
« Il ». Qui est ce « il » ? Elle ne le sait pas vraiment. C'est ce qui l'a rendu comme ça. Son démon intérieur, comme elle dirait. Celui contre qui elle se bat chaque jour. Et la lutte est toujours plus intense le soir, dans le noir. Vous vous attendez sûrement à une quelconque fin, à quelque chose qui clôturerait l'histoire. Navré de décevoir vos attentes, il n'y en a pas. C'est une histoire sans fin, et ils sont nombreux à la vivre, encore et encore. Nous sommes nombreux, devant vous chaque jour. Souvent, on passe inaperçu. Souvent, on ne parvient pas à poser des mots sur ce que l'on ressent. Pourtant, notre détresse est bien réelle. Notre détresse est bien réelle.
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A la nuit tombée
Short StoryOn connaît tous cette personne qui a une vie parfaite. Belle, heureuse, souriante, dynamique, aimée de tous. Mais derrière ce visage si joyeux, que se cache-t-il réellement?