166 23 30
                                    


➳ ❀ ➳

L'automne, l'hiver, et des souvenirs qui décoraient ses jours et ses nuits. Maintenant, le printemps s'était tranquillement installé, le soleil n'avait jamais brillé de la sorte. La taiwanaise avait le cœur chaud, et la tête légère. Les mois avaient défilé à une vitesse folle, elle n'avait pas eu le temps de les compter.

Les deux jeunes femmes s'étaient inscrites dans une amitié solide et elles s'étaient hissé jusqu'au cœur de l'autre. Leur relation était plus profonde chaque jour. Elles avaient appris à se connaître semaines après semaines, désormais, elles n'avaient plus de secret à se cacher. Shuhua avait maintenant un travail, et la coréenne avait bientôt terminé ses études.

« Tu vas faire quoi après, Soojin ?

- Hm, je vais chercher un boulot rapidement.

- Dans Séoul ?

- J'ai pas envie de quitter la capitale.

- Juste pour moi ? » plaisanta Shuhua.

Soojin lui accorda un sourire.

« Si tu savais ...

- Si je savais quoi ?

- Rien, laisse.

- Soojin ...

- Oui ?

- T'as jamais eu de petit ami, ou petite amie ? 'Fin, je veux dire, on en a jamais parlé, c'est bizarre, non ? Ce que je veux dire, c'est qu'on parle beaucoup mais tu as jamais effleuré le sujet. C'est tabou ?

- Non, Shuhua, c'est pas ça. »

La coréenne soupira. Elle ne savait pas comment expliquer son rapport à l'amour, elle en avait pourtant envie. En effet, depuis le temps, elle ne s'était jamais exprimé là-dessus. Elle avait parlé de ses amis, même si elle n'en avait pas beaucoup, de sa famille, même si elle ne parlait pas à grand monde. Mais de l'amour, jamais.

C'était délicat, bien qu'elle savait pertinemment que Shuhua ne la jugerait pas, elle avait du mal à poser des mots. C'était flou dans son esprit. Comment expliquer quelque chose qu'on ne savait pas soi-même ? Enfin, elle savait, mais, ça restait brouillon. Alors, elle avait résumé ses sentiments en un mot, pour mieux se comprendre et donner aux autres l'occasion de la comprendre. La plupart de son entourage ne posait pas beaucoup de questions parce qu'ils connaissaient son histoire. Mais cette part d'elle était encore inconnue aux yeux de Shuhua.

« Je suis antiromantique.

- Antiromantique ? Ça veut dire quoi ?

- Ca signifie que je suis incapable d'aimer.

- Comme aromantique ? J'ai lu ça quelque part sur internet, je savais même pas que ça existait mais en même temps, c'est logique, par—

- Shuhua, je t'arrête tout de suite, c'est pas ce que tu crois.

- Hein ?

- Ecoute-moi jusqu'au bout, d'accord ? »

Shuhua acquiesça et promit.

« Aromantique, c'est le fait de ne pas ressentir de sentiments amoureux. Mais, moi, c'est différent. C'est juste que je n'accepte pas mes sentiments. Il est arrivé quelque chose quand j'étais encore une ado. Depuis, je suis renfermée. J'ai un peu peur de la romance et tout ce qui en découle. Si l'amour est un feu, alors je peux le sentir brûler en moi, mais il ne restera que des cendres. Tu vois, c'est un peu comme du chocolat noir, ça a un arrière-goût amer, en fait, il n'en reste que l'amertume. Les comédies romantiques, c'est bien, c'est beau, mais ça m'est interdit. C'est juste que je suis antiromantique. »

Shuhua approuva.

« Mais, l'amour t'est interdit ou tu te l'interdis ?

- Un peu des deux, je suppose.

- Tu n'aimes pas l'amour, alors.

- Il me terrifie. »

La taiwanaise lui prit tendrement la main. Elle lui adressa un sourire timide, quelque chose de doux et réconfortant, il troublait Soojin bien plus qu'elle ne voulait l'avouer.

« Tu connais l'histoire du Petit Prince ?

- Ah, l'auteur français ?

- Oui, Saint Exupéry. Bah, dedans, une phrase m'a marquée. Ca dit un truc du genre : ce n'est pas parce qu'une rose t'a piqué une fois que tu dois les détester. 'Fin, c'est pas exactement la citation, mais j'ai oublié. Mais l'idée est là. Soojin, je sais pas ce qu'il s'est passé, mais tu m'as appris une chose, c'est pas parce que j'ai eu mal une fois que je dois renoncer. Alors, je te force à rien, que tu sois telle chose ou une autre, on s'en fout. C'est ton choix, ton histoire. Et même si ça prend des décennies, moi je pense que tu pourras t'ouvrir un jour. Si c'est l'hiver dans ton cœur, bah c'est normal que ta fleur reste fermée. Tu as le temps. Mais un jour, le printemps arrivera et à ce moment-là, ta fleur pourra s'ouvrir et elle sera magnifique, moi j'en suis certaine. »

La jeune femme aux lèvres rouges sourit. Mais très vite, des larmes se mirent à perler aux coins de ses yeux de chat. Les mots de Shuhua l'avait touchée en plein cœur.

Pourtant, une douleur brulait sa poitrine, car elle avait peur. Oui, Soojin avait peur de blesser de nouveau Shuhua. Si elle était une fleur, alors elle serait une rose fermée en plein hiver. Cependant, lorsque le printemps réchauffera son cœur glacial, elle était terrifiée à l'idée de la piquer avec ses épines. Alors, du sang coulera pour tacher le neige d'un blanc immaculé. En effet, même au beau milieu du printemps, la neige pouvait recouvrir le sol. Le contraste en sera frappant.

Si elle devait être honnête, alors Soojin dirait à sa belle taiwanaise une confession. Mais elle n'était pas prête, pas encore. En fait, elle ne sait pas si elle le sera un jour. De toute façon, elle avait déjà prévu de le faire. Shuhua ne devait pas s'attacher, ou alors elle sera brisée. Pourtant, la jeune femme n'avait pas le cœur à mettre de la distance entre elles. Non, elle était bien trop égoïste pour la protéger.

Soojin était laide, car elle n'était pas courageuse et préférait fuir. Elle ne voulait pas souffrir, quitte à faire souffrir les autres et c'est ce qui composait sa laideur. Elle allait abandonner tout ceux qui l'avaient construit. Elle portait un masque, et derrière son joli sourire, derrière ses lèvres rouges, elle était laide de l'intérieur.

Pourtant, elle la désirait.

Car si Soojin était le soleil de Shuhua, alors cette dernière était son printemps. Elles se seraient réchauffées mutuellement. Mais la plus grande se cachait pour ensuite laisser derrière elle des souvenirs amers.

La taiwanaise avait déjà souffert. Elle ne méritait pas de souffrir une deuxième fois. Alors, Soojin se cacherait derrière ce mot : antiromantique.

Elle allait observer le cœur de sa belle grandir dans le château qu'elle avait elle-même construit pour qu'elle puisse s'élever. Et quand elle sera au point culminant, alors elle sera la première à sauter.

« Je suis désolée, je suis antiromantique. Alors que tout mon corps brule, j'ai peur que seules les cendres restent. Je ne suis pas faite pour aimer, l'amour m'est interdit. Je ne fais que fuir mes sentiments, car je suis antiromantique. »


 chapter 3 : sweet and slightly bitter


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
𝗔𝗡𝗧𝗜-𝗥𝗢𝗠𝗔𝗡𝗧𝗜𝗤𝗨𝗘, sσσsɦʋOù les histoires vivent. Découvrez maintenant