Rêve d'Amour

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Dans un vieux tableau de toilettes publiques, tes yeux me caressent, me déshabillent, me lisent, se fascinent de mes courbes et couleurs. Une traînée de morve coule, effleure tes lèvres. Tes paupières, ton regard s'éclaire. Un coup d'œil à gauche, un coup d'œil à droite. Tes doigts s'approchent de moi.

– Arrête.

Mais tu ne m'entends pas. Tes empreintes s'impriment, encore humides, et volent comme danseuses étoiles sur soie. Quand, bientôt, il ne reste qu'une bouillie pervertie ; tandis qu'un rayon s'y pose et disparaît. Ta main sonde le vide ; spatial. Froide...

– Arrête.

Mais tu ne m'entends pas. Ta joue contre moi t'inspire et te délecte de mes odeurs fortes. Et comme au creux de mes bras, tu te blottis, m'enlaces, et m'embrasses. Valsons telle gouache sur haine tableau, et ta salive, consacre la peinture de cette union. Après-coup, change, et violence. Puis disparait dans un tourbillon de sentiment dénué de sens. De tout cet amour ne reste qu'un souvenir. Une crevasse de ton image. Un reflet abîmé, que tu observes sans ciller. Un fracas, la porte grince et deux personnes dérangent. Leur gorge submergée d'émotions se noie, fuit ; refus d'un rêve en robe d'agonie. Fâché, tu te retournes et me lacères, comme un rat qu'on atterre. Pour toi, mieux que beau, lambeaux. Je t'ai dans la peau. Éternel.

– Arrête.

Mais tu ne m'entends pas. Tête dans la fange, tu pleures de sang et ton cœur dodeline de remords ; tic tac ; mort. Tu n'arrives plus à chanter, tu me reposes contre le lavabo, ouvre un sac jaune, et sur ma bouche dessine un sourire d'ange. Du bonheur, des fleurs sucrées, de l'herbe nacrée, un soleil étoilé. Je souris, tu souris, le carrelage sourit, les murs sourient et le... Le ciel...

Le ciel se lamente, sali, rongé de moisissure, sombre et bis, prêt à tomber ; ténèbres, que tes doigts indigo tentent d'atteindre grâce au lavabo, mais celui-ci cède, nous entraînant tous les deux noyées dans cette peinture sèche ; rideau. Recouvert de jaune, boitant, tu attrapes un pot et le jettes dans cette galerie impie.

– Arrête.

Mais tu ne m'entends pas. Fixe la traînée cyan, prend un autre récipient. Tout s'illumine de couleurs, pourtant, exténué, tu réfléchis toujours le plafond gris, sans souris. Inspire fort, frotte tes mains, baisse la tête et contemple ton propre malheur. Ces haillons sombres et moroses t'attirent vers le sac noir où se trouve l'écueil.

– Arrête.

À genoux, sang sur tes doigts et sur tes habits, et ton cou, et tes joues, et ton nez, et tes yeux, coule. Mais ce n'est jamais assez, jamais assez. Prends ce pot, verse-le sur ton crâne. Deviens à ton tour la bouillie informe dans ta gorge. Deviens à ton tour l'image du bonheur gâché. Ainsi nous ne ferons plus qu'un et alors toi seul entendras sirène crier :

– Il n'y a que toi que j'ai aimé.

DouleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant