Chapitre 9 - Le père, le thé et la première mort.

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La tension était palpable. Tous les hommes de Gin, soit une quarantaine d'âmes, étaient agenouillés le long des murs autour de l'iodori ou chauffait tranquillement une théière. Gin, les dents serrés, ses doigts marquant les secondes qui s'écoulaient contre la petite table de bois sombre, avait le regard planté dans celui de son père. Kimura Takasu, Oyabun* du Clan Takasu, son père, affichait un regard anormalement doux et compatissant. Ses yeux d'un brun profond allait et venait entre Gin et sa femme, qui était sagement assise à côté de son mari enveloppée dans un kimono blanc, ses lèvres peintes de rouge dessinaient un sourire victorieux alors qu'elle dévisageait Yukinojo, qui comme à son habitude, avait l'air parfaitement désintéressé.


Pour que l'Oyabun en personne se déplace, il devait y avoir un gros problème.

Bien qu'âgé, son visage rond aux joues pleines n'était pas marqué par le temps, seule sa crinière brune se clairsemait de blanc et rappelait l'expérience dont il bénéficiait. Il portait un traditionnel costume noir fait sur mesure ouvert sur une chemise blanche. Il était décontracté, tout l'inverse de son fils qui, ne supportant plus l'assommant silence, sortit une cigarette.



"Anata..., gronda doucement sa femme alors qu'il se saisissait du briquet que lui tendait Kuma.

-Silence, ordonna-t-il froidement."



Il n'y eu plus un mot, plus un bruit, tout les hommes, comme un seul avaient retenu leurs souffles. L'humeur de Gin venait de déteindre sur son père, ses traits s'étaient durcis et entre ses deux yeux apparu l'unique ride qui marquait son visage.


Si son fils était à ce point tendu, il ne pouvait en conclure qu'une seule chose: il avait merdé quelque part. Yukinojo lui avait donc dit la vérité...

Il allait parler quand deux femmes apportèrent les bols à thé et quelques confiseries. Elle les déposèrent sur la table qui séparaient le chef du clan et son fils fautif avant de s'éclipser sur un fond d'excuse.



"Allez la chercher, ordonna le vieux aux deux femmes avant qu'elles ne quittent la pièce."



Gin ne perdit pas son temps à protester, les ordres de l'Oyabun étaient paroles d'évangile, il se contenta de jeter un regard inquiet à Kuma. Le géant se contenta de pencher la tête, lui signifiant qu'elle avait été préparée.


Après que Gin et elle aient fini de déjeuner, sur l'ordre de son supérieur, Kuma avait passé la matinée à donner des directives aux femmes de chambres pour qu'Alice soit prête à faire face à l'Oyabun. Elles lui avaient fait prendre un bain, l'avaient habillée, parfumée et coiffée, il avait passé un temps considérable à lui dire comment se tenir face au chef de clan. Quels gestes exécuter et quand parler. Elle avait appris tout ça à une vitesse impressionnante.


Bien qu'à l'initiative de cet apprentissage, Gin n'avait pas eu le temps de voir comment elle s'en sortait, ni même à quoi elle ressemblait maintenant. Il avait été retenu toute la journée, d'abord à extorquer de l'argent à un patron de restaurant récalcitrant, puis à négocier les prix de la cocaïne qu'il faisait importer de Chine. Il priait intérieurement pour qu'elle ait une tenue décente, loin des goûts clinquants de Kuma en matière de mode féminine. Il se tendit en entendant des pas provenir du couloir et ferma les yeux.

Fujimi no saigo: La pluie et le sang.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant