Partie 3: Un sourire en dessine un autre

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          Pendant une semaine, j'avais pu quitter cette prison. Bien que je n'eus pas compris pourquoi cette femme avait tant tenu à m'emmener, j'étais dehors. C'était bien là, le principal.

          Nous avons voyagé. Je regardais le ciel, de jour comme de nuit. La journée, le ciel sans nuage, le soir le ciel étoilé. Je regardais les montagnes, majestueuses, robustes et indomptables, colorées de nombreuses nuances de vert auxquelles je n'avais jamais prêté attention.

          J'avais l'impression de redécouvrir le monde. Je n'avais pas souvenir que la lumière du jour était si chaleureuse... Je sentais ma voix vibrer au fond de ma gorge, prête à sortir. En y repensant, nous n'avions pas parlé jusqu'à ce dernier jour ; pour moi le plus important.

          Je ne voulais pas retourner à l'hôpital. Sur le chemin, alors que je crachais ma haine, elle a arrêté la voiture au milieu de grands arbres en feuille. Nous sommes descendues et avons marché. L'atmosphère était si sereine que, pendant un instant, j'avais oublié ma colère et ma souffrance.

           Notre balade nous a conduites au bord d'un lac. Les rayons du soleil se reflétaient sur l'eau, devenue presque rare.  Quelques mètres plus loin, une petite île perdue au milieu de l'étendue liquide ; en son centre, un grand arbre. Son feuillage vert flottait avec douceur au rythme du vent, lui donnant parfois une couleur argentée. Le temps m'avait semblé comme ralenti.

            La femme avait marché dans l'eau pour atteindre l'arbre majestueux et me faisait signe de la rejoindre ; ce que j'avais fini par faire. Les pieds mouillés, je redécouvrais des sensations oubliées. Je me sentais vivante. Elle s'était assise contre le tronc imposant et m'avait fait une place à ses côtés, face à l'immensité de ce paysage. J'étais troublée par tant de beauté.

             Elle avait déposé sa main, chargée de bonnes ondes, sur mon épaule, m'avait parlée de mon histoire, de la haine que j'éprouvais envers celui qui m'avait trahie. Puis elle m'avait demandée de regarder autour de moi, de voir à quel point la vie pouvait être belle.

« Ouvre-toi au monde, mon enfant. »

               Je pensais à cette époque que je vivais dans un monde de traîtres et de menteurs, dans lequel on ne pouvait faire confiance à personne. Pas même à soi-même. Elle s'était contentée d'esquisser un sourire.

« Apprends à faire confiance aux autres, car le monde entier n'est pas responsable de tous tes maux. Le seul responsable est celui qui t'a fait du mal. Et parfois, les responsables sont indicibles. »

                 Je ne comprenais pas pourquoi il avait fallu que cela m'arrive. J'avais juste voulu être heureuse. Cette femme m'avait expliqué que tout a un sens : une prise de conscience, une leçon, un test... La vie est joueuse, passe son temps à nous mettre à l'épreuve et elle n'est pas toujours juste. Selon elle, il y a ceux qui trouvent une réponse et les autres, qui continuent à s'interroger, à ruminer. Elle m'avait demandé si je tenais vraiment à faire partie des gens torturés.

« Il faut savoir tourner la page pour avancer. La vie est trop courte pour accorder du temps au passé. »

              Aujourd'hui, j'ai fait la paix avec mon moi du passé. Ma haine est enterrée avec celui que j'aimais le plus. Ma souffrance, aussi. J'ai cessé d'en vouloir à la terre entière, à moi-même, j'ai trouvé le bonheur et je m'aime bien plus que ce qu'un autre aurait pu faire.

Maux d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant