Oh, c'est cette drôle de douleur qui efface mes sourires et mes rires, qui serre mon cœur dans un étau indéfinissable. Cette douleur qui m'emmène sur les flots de la mélancolie et de la tristesse, voguant à travers tempêtes de désespoir et rivages rocailleux de colère, qui me fait détester le soleil et la pluie, qui rend tout contact humain insurmontable et qui fait bouillir une rage insoupçonnée au fin fond de mon être. Dans ces moments, je suis intangible, simple fantôme hantant les bois en murmurant sa tristesse aux naïades qui reposent sur les berges de la rivière. Oh, cette drôle de douleur ne me quitte pas, je crains de ne plus jamais voir les jolies choses, le printemps et le renouveau, et les rires des personnes qui me sont chères ne résonneront plus dans mes oreilles! Pourrai-je un jour de nouveau étirer mes lèvres pour former ne serait-ce que l'esquisse d'un sourire? Le brouillard qui couvre mes sens et mon âme est si sombre, et ni le Soleil ni la Lune ne sont assez lumineux pour le dissiper. L'Amour est si cruel parfois! Moi qui rêvait de contes de fées, de princesses aux cheveux d'or, me voici bien détrompé face à l'Amour passionné, démesuré et impossible. L'Amour à mes yeux était d'une douceur exquise, d'une légèreté enfantine, tel du nectar doré qui s'écoulerait dans le lit d'une rivière enchantée... Je me suis voilé la face à travers mes fantaisies, et voilà que j'en paye le prix. Seulement, quand je repense à ses cheveux d'or, à ses yeux bleus rieurs, tout mon être saigne car je ne suis pas à ses côtés. Je donnerais tout ce que je possède pour revoir ne serait-ce qu'une fois son sourire ou entendre une dernière fois son rire. Or, tout me l'interdit: la société, la distance, moi-même. Je ne pourrai jamais rester à ses côtés, vivre de nos rires et de nos rêves, assis côte à côte dans la forêt, un anneau argenté assorti brillant à nos doigts entrelacés... Les gens diront que c'est un péché rien que d'imaginer cela. Je me repends en larmes, bien à eux. Un homme ne pleure pas, alors je n'en suis plus un; je deviens esprit pour suivre mon âme-sœur adorée à travers ses voyages. Malgré mon cœur brisé, une très légère lueur d'espoir éclaire le brouillard tel un phare: j'espère encore que l'objet de mes tourments amoureux revienne par chez moi, et me gratifie de l'un de ses sourires rayonnants. Nous pourrions de nouveau discuter de longues heures sur le monde, ou bien marcher dans les sous-bois à la recherche du petit monde féerique, comme nous le faisions il y a peine quelques semaines. Cela me semble si lointain à présent...
Ah! Voilà que je me perds de nouveau dans des souvenirs à la fois heureux et douloureux, et les larmes envahissent mes yeux sans que je ne puisse rien y faire. Je suis en deuil, car mon amour n'est plus là et que je suis seul avec ma mélancolie. Reviendras-tu, farfadet joyeux, esprit vif qui mettait ma vie en couleur?
—James K.
VOUS LISEZ
Au temps des Tournesols
Poetry-- Les mots se lassent des choses banales; pourtant ils s'effacent quand les sentiments prennent place...