Petits moments de vie - Mademoiselle Prim

12 3 0
                                    

Cela faisait à présent huit jours que James et Alexander cohabitaient, et ce qui devait arriver arriva, au plus grand malheur de James: Mademoiselle Prim leur rendit visite. Elle toqua à la porte un lundi ensoleillé, et malgré la grande chaleur, James se glaça quand il lui ouvrit.

-Bonjour, Mademoiselle Prim, la salua-t-il froidement.

Mademoiselle Prim était une femme ni jeune ni vieille, et son véritable prénom était Primerose, trahissant des origines françaises, mais tout le monde l'appelait Mademoiselle Prim. Encore trop jeune pour être considérée comme une vieille fille, elle avait pourtant passé les vingt-cinq ans. Ses longs cheveux bruns, toujours détachés, étaient ornés d'un ruban mauve et ses yeux verts brillaient d'une malice non dissimulée. C'était, entre autres, la seule amie de James, et la seule qui faisait le long chemin pour se rendre jusqu'à lui.

-Allons, mon petit Jim, je sais que tu es heureux de me voir! J'ai fait tout le chemin sous cette chaleur, tu te dois d'accueillir une femme epuisée chez toi, voyons!

Alexander passa le nez par la porte qui donnait sur l'entrée.

-Jim? releva-t-il.

James se tourna vers lui, gêné.

-Ne l'écoute pas, c'est une dame qui n'a pas toute sa tête.

Mademoiselle Prim lui flanqua un coup d'ombrelle repliée dans les mollets, faisant grincer le jeune homme.

-Enfin, Jim, comment parles-tu de moi aux inconnus?

-Qui est-ce, James? finit par demander Alexander.

-Mademoiselle Prim, soupira James avec lassitude.

-Vas-tu enfin me laisser entrer, petit chenapan?

À force de protestations, Mademoiselle Prim finit par s'assoir sur un fauteuil du salon, sous l'œil épuisé de James.

-Bien, déclara-t-elle en se retournant vivement vers Alexander. Tu es celui qui a réussi à dérider notre Loup Solitaire.

Alexander pencha la tête, surpris.

-Mademoiselle Prim, s'il vous plaît... siffla James.

-Oh, mon petit, je ne sais pas comment tu as fait, continua la nouvelle venue, ignorant complètement la remarque de James. Moi-même, qui le connait depuis le berceau, je ne l'ai jamais vu ainsi!

Alexander, visiblement déboussolé, peina à trouver une réponse adéquate.

-Je ne comprends pas, que voulez-vous dire? finit-il par demander.

James soupira et envisagea sérieusement de prendre la fuite; il sentait sa dernière heure arriver.

-Oh mais vois-tu, Jim n'a pas toujours été tel que tu le connais. Je vous ai vu dans la forêt l'autre jour et j'ai cru défaillir tant je n'en croyais pas mes yeux! Jim, mon petit Jim, le sourire aux lèvres -rien que cela tenait du miracle- en train de discuter tranquillement avec un autre être humain! Je remercie Dieu pour m'avoir dotée de si bons yeux, afin d'avoir pu voir ce spectacle. Comment vous appelez-vous, mon petit?

-Alexander, répondit le pensionnaire, de plus en plus perdu. Mais je ne comprends toujours pas...

-Auparavant, Jim ne parlait à personne, à part peut-être moi. C'était à peine s'il se faisait passer pour un muet! Son sourire était inexistant et ses traits si durs... Il parlait d'une voix glaciale en tout temps et fusillait du regard n'importe quel maladroit qui se serait approché de lui. Jim était si seul, reculé dans son petit coin de monde, que les gens l'ont surnommé le Loup Solitaire. Il était si maussade, je m'étais toujours demandée comment ses romans pouvaient être si délicats et poignants. Vous savez qu'il est écrivain, n'est-ce pas?

Au temps des TournesolsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant